ANPDE : « Les enfants ont des besoins spécifiques qui requièrent une formation dédiée »

Les infirmières puéricultrices sont environ 22 000 en France. Pour défendre leurs compétences et leur existence, l’Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE), agit depuis 1949. Le point avec Charles Eury, son président.

Charles Eury, président de l'ANPDE Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants

Charles Eury, président de l'ANPDE. © DR

Dans quel contexte l’ANPDE  a-t-elle été fondée ?

L’association a été créée deux ans après la spécialité donc en 1949. La spécialité est née juste après la guerre, époque à laquelle le gouvernement affichait une politique volontariste vis-à-vis des enfants, afin de relancer la natalité.

Il voulait donc tout mettre en œuvre pour que les parents soient accompagnés dans les meilleures conditions, d’où le souhait de s’appuyer sur des professionnels de santé spécialisés. Très vite, les infirmières puéricultrices de l’époque ont ressenti le besoin de défendre la spécialité car le fait d’avoir des soignants formés spécifiquement à l’enfant n’était pas admis, et ce n’est d’ailleurs toujours pas une évidence.

Certains estiment encore aujourd’hui que la formation générale des infirmiers est suffisante et que revendiquer cette spécialité, c’est mettre en défaut les infirmières généralistes. Ce n’est pourtant pas du tout notre volonté.

Néanmoins, selon nous, les bébés et les enfants ont des besoins spécifiques qui requièrent une formation dédiée. Nous défendons donc cette formation spécifique pour une meilleure prise en charge et un meilleur accompagnement des petits patients, et pour valoriser la profession infirmière dans son ensemble. Nous portons une réelle volonté de montée en compétences.

Quels sont les objectifs de l’association ?

Nous représentons la spécialité de puéricultrice et sommes l’interlocuteur des pouvoirs publics sur l’ensemble de nos secteurs d’activité. Nous sommes également un organisme de formation agréé, proposant des formations répondant aux besoins particuliers de la spécialité.

Nous sommes cependant confrontés à un problème : la réingénierie de notre formation, dont les référentiels sont obsolètes, car son contenu date de 1983.

Chaque école l’adapte à sa façon mais aujourd’hui, le programme doit véritablement être revu. Cela fait dix ans que nous travaillons sur le sujet.

Nous avons eu de nombreuses réunions avec le ministère mais au dernier moment, il y a toujours un blocage. Nous avons du mal à comprendre pourquoi la prise en charge des enfants n’est pas la priorité. De plus aujourd’hui, environ 1000 étudiants sont formés chaque année.

La dynamique est bonne, alors même que les conditions de formation sont inadmissibles : pas de reconnaissance niveau master, aucune reconnaissance universitaire, un coût de formation qui peut dépasser les 8000 euros à la charge des étudiants, des droits étudiants souvent absents et en termes de salaire, la spécialité apporte une centaine d’euros supplémentaire tous les mois dans le secteur hospitalier. De nombreuses avancées restent à faire.

Avez-vous des revendications spécifiques par secteur ?

Notre spécialité ne s’exprime pas par une activité particulière mais par une population particulière. De fait, nous allons intervenir dans différents secteurs : en Protection maternelle et infantile (PMI), à l’hôpital, en crèche, au sein de l’éducation nationale. Cela aboutit à des revendications spécifiques.

Dans le secteur hospitalier par exemple, nous travaillons actuellement avec le ministère sur une réforme de la périnatalité, qui va réglementer les maternités et les services de néonatalogie. Nous voudrions que la présence d’infirmiers spécialisés en puériculture devienne obligatoire au minimum dans les services de néonatalogie. Ces services sont très techniques car les nouveau-nés, souvent prématurés, requièrent une prise en charge spécifique. Leurs besoins sont particuliers tout comme l’accompagnement familial. En Belgique, la réglementation oblige à ce que 50 % du personnel infirmier soit spécialisé. En France, cela relève de la volonté de chaque établissement.

Et considérant la crise actuelle de l’hôpital, la tendance est plutôt à l’économie. Nous ne pouvons pas accepter que des économies soient faites sur la santé des enfants. Malheureusement, nous n’avons aucune réponse du ministère sur ce sujet. Nous avons lancé une pétition pour que la réglementation évolue dans ce sens, mais aussi pour des ratios de professionnels plus favorables aux enfants. Nous voulons sensibiliser la population : 1 % d’infirmiers en plus permet de diminuer de près de 1 % la mortalité néonatale, périnatale et infantile !

Concernant la PMI, nous avons contribué au rapport de la députée Michèle Peyron, « pour sauver la PMI, agissons maintenant ! », rendu public en juin 2019, qui souhaite une valorisation des actes de prévention réalisés par les infirmières puéricultrices en PMI. Ce serait une belle avancée.

De même que le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, a annoncé vouloir doubler le nombre de visites à domicile réalisées par les infirmières puéricultrices des PMI, en post-natal. L’enjeu est important car cela concerne généralement les familles les plus fragiles. Il faut mettre les moyens suffisants pour atteindre cet objectif. Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 élargit les protocoles de coopération à la PMI. L’objectif du gouvernement est de mettre en place un protocole national concernant les bilans de santé en école maternelle effectués par les infirmières puéricultrices. Dans certains territoires, elles le font déjà en autonomie, et dans d’autres, ces bilans ne sont pas réaliser faute de médecin. L’objectif est donc d’encadrer la pratique, ce qui permettrait également de valoriser le travail des puéricultrices.  C’est également la possibilité d’aller plus loin dans la réalisation des bilans, en pouvant par exemple orienter vers un professionnel spécialisé sans passer par une prescription médicale.

Lire aussi : Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance : les infirmières puéricultrices en première ligne

Enfin, la réforme en cours des modes d’accueil, pour ce qui concerne plus particulièrement la santé, prévoit la création au sein des structures d’accueil des jeunes enfants, des référents santé qui seraient soit un pédiatre, soit une infirmière puéricultrice, pour accompagner les professionnels à l’accueil des enfants, notamment en situation de handicap ou atteint d’une pathologie chronique.

Nous espérons qu’après toutes ces annonces, le gouvernement va passer aux actes, et enfin s’appuyer sur les puéricultrices, professionnels ressources pour la santé de l’enfant en France.

Propos recueillis par Laure Martin

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