Extrapolation des indus : inquiétudes chez les infirmiers libéraux
Le nouveau mode de calcul, par extrapolation, du montant des indus dont les CPAM pourront réclamer le remboursement aux professionnels de santé libéraux n'est pas encore appliqué en avril. Parmi les syndicats d'infirmiers libéraux, la FNI et le Sniil en dénoncent l'esprit et les modalités et s'inquiètent de ses retombées sur les professionnels.
L’extrapolation des indus, mise en place par l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, a fait grand bruit quand elle a été adoptée, avec l’ensemble de la loi, en décembre dernier.
Selon les syndicats mais aussi le nouveau collectif Infirmières libérales en colère, cette mesure change radicalement la donne en matière d’indus.
Auparavant, les caisses d’Assurance maladie effectuaient des contrôles sur une partie de l’activité des infirmiers libéraux et, en cas d’erreur, réclamaient le remboursement de la somme exactement indument versée à l’infirmière, au regard de l’échantillon des factures contrôlé.
Désormais, peut-ton lire dans l’exposé des motifs de l’article 44, « les caisses peuvent calculer les indus qu’elles réclament en extrapolant les résultats de contrôles par échantillon ».
Selon ces nouvelles modalités, « les caisses examinent une partie de notre activité, détectent des ”fraudes”, comme elles les appellent, et elles peuvent proratiser le montant de ces indus sur le montant total de notre activité », résume Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI).
Pas encore appliqué
Pour le moment, aucun remboursement d’indus calculés selon ces nouvelles modalités d’extrapolation n’a été réclamé à des infirmiers libéraux libérales, indique la CNAM.
Les caisses doivent d’ailleurs encore recevoir les instructions sur la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure, qui sont en cours de rédaction.
Selon John Pinte, président du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), la CNAM a assuré qu’elle n’appliquerait pas ces nouvelles règles aux professionnels de santé libéraux mais ciblerait plutôt les structures comme les centres de santé ou les services de HAD « mais on n’a aucune garantie », observe-t-il.
Et comme les infirmiers libéraux sont nombreux, les syndicats craignent tout de même être ciblés.
De l’avis de Daniel Guillerm, « on risque de se retrouver avec des indus phénoménaux ». Et potentiellement déconnectés de la réalité, ajoute John Pinte. Selon lui en effet, si des indus ne concernent qu’un seul patient, leur extrapolation à la totalité de l’activité pourrait faire atteindre aux indus des montants bien supérieurs à la réalité des actes effectivement surfacturés.
Lors des discussions au parlement, les représentants des professionnels de santé libéraux se sont insurgés contre cette mesure, en vain puisque la loi a été adoptée, sans débat, via la procédure du 49.3. Elle a cristallisé la colère des Idel qui ont constitué le Collectif des infirmiers libéraux… en colère.
Idem du côté des syndicats. Pour Daniel Guillerm, ce mode de calcul des indus légalise « un délit statistique » déjà pratiqué par certaines caisses et bafoue un principe du droit français en inversant la charge de la preuve.
« Avant, le relevé des indus qu’on recevait indiquait le détail des actes concernés et nous permettait de vérifier (ce qui posait problème, NDLR), souligne aussi John Pinte. Ce n’était pas simple, mais on pouvait se défendre. Avec l’extrapolation, on n’aura plus le détail mais une somme globale », ce qui rendra la contestation plus difficile selon lui.
La loi prévoit toutefois une « procédure contradictoire » pour garantir « les droits des personnes ou établissements contrôlés ». Mais l’inquiétude, voire le doute, demeure. Selon le président du Sniil, « il faudra systématiquement aller devant les tribunaux pour contester les indus ». La FNI notamment, soutiendra « jusqu’au bout » les infirmiers libéraux qui seront dans des situations « défendables, et il y en aura », insiste Daniel Guillerm.
Erreur n’est pas fraude
Pour les deux présidents de syndicats comme pour les porte-parole du collectif, la présomption de fraude et donc de mauvaise foi appliquée de manière systématique à des erreurs est particulièrement injuste et porte atteinte à l’honneur professionnel des infirmiers libéraux.
Des déclarations du directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, Thomas Fatôme, sur le montant de la « fraude » par les infirmiers libéraux, et la diffusion en décembre du reportage Cash investigation sur la « fraude à la sécu » qui pointe aussi ces professionnels ont profondément heurté les sensibilités.
Si des fraudes réelles existent, « pas plus que dans d’autres professions », souligne Daniel Guillerm, la grande majorité des indus réclamés aux Idel sont selon lui le fruit de simples erreurs.
Un point souligné par beaucoup d’autres. « Notre nomenclature n’est pas simple, observe John Pinte. On n’est jamais à l’abri d’une erreur » et comme les infirmiers interviennent auprès de nombreux patients et parfois plusieurs fois par jour, « ces erreurs peuvent être répétées ».
Tous pointent aussi les fréquentes erreurs dans les prescriptions médicales de soins infirmiers (50% selon John Pinte) du fait de la méconnaissance par les médecins de la nomenclature infirmière. « C’est une très grosse source d’erreur et donc d’indus », souligne-t-il. Considérer ces erreurs comme de la fraude revient selon lui à « pénaliser les infirmiers, comme les autres professions prescrites, pour des ordonnances mal rédigées ».
Pour Daniel Guillerm, il est nécessaire de « discerner l’erreur de la fraude » et de répercuter cela dans la gestion des indus.
Mise à jour du 15/04, à 11h44
Le syndicat Convergence infirmière est aussi opposé à cette mesure
Géraldine Langlois
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Dans un communiqué adressé à la presse ce matin, le syndicat Convergence Infirmière dénonce les contrôles des CPAM sur les infirmières libérales.
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