Il ne suffit pas de savoir pour éviter les erreurs, insiste le Franck Renouard, docteur en chirurgie dentaire.
Lui qui était bon pilote d’hélicoptère s’est un jour retrouvé aux manettes d’un appareil qui s’est crashé. Il n’a eu de cesse, depuis, de décortiquer les mécanismes qui mènent aux erreurs. 50% des événements indésirables graves pourraient être évités si les choses étaient faites comme elles le devraient, a-t-il souligné.
Pourquoi ? « Le cerveau ne fonctionne pas comme on aimerait, poursuit-il. Il peut fonctionner sur un mode automatique, celui qui permet par exemple de conduire tout en parlant à quelqu’un, ou bien de façon beaucoup plus complexe pour trouver des solutions à des situations nouvelles. C’est alors le cerveau préfrontal qui est mobilisé. » Mais il ne peut de toute façon pas gérer plus d’une idée ou quatre à six éléments à la fois. Et il ne réagit pas de la même manière chez un novice que chez un expert.
Expérience
A connaissance égale, dans une situation de soin donnée, « le novice voit un problème là où l’expert trouve une solution », commente Franck Renouard. Le premier s’appuie d’abord sur ses connaissances et des règles apprises alors que le second mise sur son expérience acquise avec le temps et son intuition, étayées par ses connaissances.
Certes mais les décisions rationnelles qui émaneront de ces processus sont affectées dans certaines situations. « Sous l’effet du stress, de la fatigue ou de la pression temporelle, l’activité préfrontale est limitée ou inhibée », souligne le docteur en chirurgie.
Il peut en découler une “surconfiance”, une impression de routine ou une sous-estimation de la dangerosité qui font le lit des décisions erronées et donc des erreurs. Or « 80% de notre stress est endogène », rappelle Franck Renouard, il vient de l’intérieur et non de l’extérieur.
En France, face à une erreur commise, « on a tendance à chercher un coupable, poursuit-il. Il est parfois difficile de faire la différence entre la faute et l’erreur alors que c’est un point capital dans l’enseignement. C’est impossible de ne pas faire d’erreur ! Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas chercher à les éviter ou qu’il ne faut pas punir les fautes. »
Et le chirurgien de citer une brochure de l’Académie californienne des médecins de famille, qui présente une position pragmatique sur le sujet. « Des erreurs vont se produire (…). Comme on peut s’y attendre, il faut prévoir des dispositions pour les prévenir et les « absorber ». Les erreur ne sont pas synonymes de négligence (…). Créer une culture qui soutienne le fait de rapporter les erreurs est le point de départ dans la réduction des futures erreurs médicales. »
Culture juste
Certains établissements ont adopté cette posture, que Franck Renouard appelle « culture juste ». Elle consiste, à l’APHP par exemple, à inviter les professionnels de santé à signaler tout incident, accident ou erreur sans risque de sanction (sauf en cas de manquement délibéré aux règles de sécurité).
Elle engage également l’établissement à favoriser ces signalements, à promouvoir en cas d’événement indésirable lié aux soins (EIAS) une attitude éthique à l’égard des patients, de leurs proches, des personnels et équipes concernés et à développer une analyse systémique des EIAS.
Certes, une telle approche « remet en cause beaucoup de choses », sur le plan de l’autorité, notamment, souligne Franck Renouard. Mais selon lui c’est la seule qui permette de comprendre les mécanismes de survenue des erreurs et de les modifier pour empêcher qu’elles se reproduisent.
Olivia Dujardin
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