En milieu hospitalier, l’infirmier joue un rôle clé dans la prise en charge des arrêts cardiaques. Il est autorisé et doit être capable de se servir d’un défibrillateur semi-automatique et de préparer un défibrillateur manuel.

L’arrêt cardiaque représente une urgence vitale majeure, tant dans les établissements de soins que dans les lieux publics. On estime en France que toutes les onze minutes environ, une personne décède d’un arrêt cardiaque. Ces événements nécessitent une intervention rapide pour maximiser les chances de survie, notamment à travers des techniques de réanimation cardio-pulmonaire (RCP) et l’utilisation d’un défibrillateur. La défibrillation et notamment la défibrillation précoce, se pose comme le troisième maillon de la chaîne de survie.
Les défibrillateurs fonctionnants de manière autonome sont désignés par différents noms, mais le terme le plus couramment utilisé est celui de Défibrillateur automatique externe (DAE). Ce type de défibrillateur se divise en deux catégories : le Défibrillateur semi-automatique (DSA) et le Défibrillateur entièrement automatique (DEA). La distinction entre les deux réside dans le fait que le DSA nécessite l’intervention d’une personne pour délivrer le choc électrique en appuyant sur un bouton, tandis que le DEA réalise cette action de manière entièrement automatique.
Les défibrillateurs semi automatiques sont aujourd’hui les plus connus. Ils sont présents dans la plupart des établissements recevant du public, comme l’exige la réglementation (décret n° 2018-1186 du 19 décembre 2018), ainsi que dans la plupart des services de soin, directement sur les chariots d’urgence.
Deux fonctions majeures
La première fonction du défibrillateur en cas d’ACR est d’analyser le rythme cardiaque pour déterminer si un choc électrique externe (CEE) est nécessaire.
Quel que soit le modèle de défibrillateur utilisé, une fois en place, il a pour but d’évaluer l’activité électrique du cœur grâce à un électrocardiogramme (ECG). Cet ECG ne permet pas de déterminer si le cœur fonctionne, mais sert à vérifier si l’activité électrique relevée nécessite ou non l’administration d’un choc électrique.
L’analyse d’un ECG ne relève pas des compétences des infirmiers, mais savoir reconnaître rapidement certains rythmes peut permettre de gagner un temps précieux.
Dans tous les cas, lorsqu’un défibrillateur semi-automatique (ou un appareil manuel réglé en mode automatique) est utilisé, il détermine automatiquement si un choc est indiqué ou non. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre la consigne médicale. Bien évidemment, en situation d’ACR, l’appel du médecin doit se faire précocement.
La seconde fonction du défibrillateur est de délivrer un choc électrique lorsque cela est nécessaire. Contrairement à l’idée reçue, ce choc électrique n’a pas pour objectif de faire « repartir » un cœur en fibrillation, mais de provoquer une dépolarisation de la totalité des cellules cardiaques. Cette action prolonge la période réfractaire, c’est-à-dire le temps durant lequel les cellules de conduction sont « non disponibles ». Ce mécanisme permet d’éliminer les foyers ectopiques et favorise le rétablissement d’une activité électrique organisée.
Rappel de la marche à suivre en cas d’ACR
En cas d’ACR, la priorité est le massage cardiaque et l’alerte. Dans la rue comme en service de soin, la personne qui reçoit le message d’alerte doit immédiatement apporter et installer le défibrillateur.

Différents rythmes
On relève deux cas d’ACR ne nécessitant pas de CEE dit « non-choquables » : l’asystolie et l’activité électrique sans pouls (AESP), encore souvent appelée dissociation électromécanique. De même, on relève deux rythmes « choquables » : la tachycardie ventriculaire et la fibrillation ventriculaire.
Rythmes non choquables
Les rythmes non choquables ne répondent pas à la défibrillation, car le problème réside dans l’absence ou la quasi-absence d’activité électrique du cœur. La défibrillation, qui vise à réinitialiser une activité électrique chaotique, est donc inutile.
Les deux principaux rythmes non choquables sont :
L’asystolie :

L’asystolie est l’absence totale d’activité électrique détectable sur l’ECG. C’est le “tracé plat”, sans aucune contraction cardiaque. Le traitement de l’asystolie repose sur le massage cardiaque et les médicaments, tels que l’adrénaline, pour tenter de relancer une activité cardiaque.
L‘activité électrique sans pouls (AESP) :

Dans l’AESP, l’ECG peut montrer une activité électrique organisée (un rythme ressemblant à un rythme sinusal), mais il n’y a aucune contraction mécanique du cœur. Le pouls n’est pas perceptible ce qui signifie que, bien que l’activité électrique soit présente, le cœur ne pompe pas réellement le sang. Comme l’asystolie, l’AESP ne répond pas à la défibrillation.
Rythmes choquables
Les rythmes choquables quant à eux sont des troubles électriques du cœur qui peuvent être corrigées par la délivrance d’un choc électrique : la défibrillation.
Dans ces cas, les contractions mécaniques du cœur sont désorganisées et inefficaces et donc, l’empêchant de faire circuler correctement le sang. La défibrillation intervient pour réinitialiser l’activité électrique du cœur et permettre la reprise d’un rythme efficace.
Les deux principaux rythmes choquables sont :
La Fibrillation ventriculaire (FV) :

La fibrillation ventriculaire est un rythme cardiaque totalement désorganisé, où les ventricules se contractent de manière complètement désordonnée. Cela empêche les cavités cardiaques de se remplir correctement de sang et donc de l’éjecter vers les organes. Il en résulte rapidement un arrêt circulatoire. Ce type d’arythmie est particulièrement fréquent dans les cas d’infarctus du myocarde, de troubles métaboliques graves ou de myocardite, entre autres. La défibrillation est la seule méthode efficace pour “réinitialiser” le cœur en envoyant un choc électrique qui interrompt l’activité électrique chaotique, permettant au nœud sinusal de reprendre son rôle de stimulateur naturel.
La tachycardie ventriculaire sans pouls (TV)

La tachycardie ventriculaire est un rythme rapide provenant des ventricules. Lorsque la fréquence cardiaque devient trop élevée, elle peut empêcher le cœur de se remplir correctement entre les battements, ce qui empêche le pompage efficace du sang. Dans les cas extrêmes, la TV peut se transformer en fibrillation ventriculaire ou entraîner un arrêt cardiaque. Si le patient est en TV sans pouls, un choc est indiqué pour tenter de rétablir un rythme normal.
Dans ces deux cas, la défibrillation doit être réalisée le plus rapidement possible, avant la ventilation mais pas au détriment du massage cardiaque.
Cardioversion
Le choc électrique peut également être utilisé pour réguler certaines arythmies, telles que la fibrillation auriculaire ou le flutter, dans un processus appelé « cardioversion », qui diffère quelque peu de la défibrillation.
Lors de la cardioversion, le choc électrique est synchronisé avec un complexe QRS, ce qui est impossible dans le cas des TV et FV qui n’en ont pas, car ces rythmes sont trop désorganisés. Lors d’une cardioversion, même si le patient présente certains troubles du rythme, le complexe QRS est préservé. Le CEE de cardioversion doit être délivré lorsque le défibrillateur détecte un complexe QRS afin d’optimiser les chances de rétablir un rythme normal.
La puissance utilisée dans le cadre d’une cardioversion est légèrement moins importante que dans le cadre d’une défibrillation. Elle peut être augmentée au fur et à mesure, si plusieurs chocs sont nécessaires.
Enfin, le positionnement des patchs se fait en antéropostérieur (voir encadré). Il n’est pas rare que le médecin appuie sur le patch thoracique pendant la délivrance du CEE. Pour assurer le confort du patient, une sédation brève est pratiquée le temps du geste, et, dans certains cas, une intubation courte peut être nécessaire. Après la cardioversion, l’infirmier surveille les paramètres vitaux, l’état de conscience du patient et son rythme sinusal.
Arrêt pédiatrique
L’utilisation d’un défibrillateur en pédiatrie dans le cadre d’un ACR se déroule dans le même ordre que pour un adulte mais il existe deux principales différences (voir aussi page 22). D’abord, le placement des patchs se fait en antéro-postérieur (un patch sur la poitrine et l’autre entre les omoplates, de la même manière que lors d’une cardioversion chez l’adulte), particulièrement chez les jeunes enfants. Ensuite, la charge électrique envoyée lors du CEE doit être inférieure à celle utilisée chez l’adulte : elle est généralement de 4 à 8 Joules par kilogramme (J/kg) pour un enfant, contre généralement à 100-120 Joules pour un adulte. Les DAE équipés de patchs pédiatriques sont souvent dotés d’un absorbeur d’énergie sur leurs fils pour réguler la puissance du choc.
En cas de doute ou de défibrillateur sans adaptateur, il est recommandé aux personnes intervenant d’effectuer une réanimation « adulte » en attendant l’équipe de secours, plutôt que de ne rien faire.
Défibrillateur implantable
Il existe un autre type de défibrillateur : le Défibrillateur automatique implantable (DAI). Ce boitier, posé au bloc opératoire, est généralement placé sous la clavicule gauche. Une à trois sondes sont ensuite implantées directement dans le cœur, chacune ayant une fonction précise pour détecter et corriger les anomalies du rythme cardiaque.
L’objectif principal de ce dispositif est de surveiller l’apparition de troubles du rythme et, le cas échéant, de les corriger en administrant un ou plusieurs chocs électriques directs.
Alimenté par une pile autonome dont la durée de vie peut s’étendre sur plusieurs années, le DAI est proposé aux patients présentant des troubles du rythmes graves ou à risque de récidive.
Une surveillance régulière du dispositif est nécessaire. Elle peut aujourd’hui être réalisée à distance par télémétrie.
Mise en pratique
La défibrillation s’effectue en plusieurs étapes : le placement des électrodes, l’analyse du rythme cardiaque, puis l’administration du choc.
Le placement des patchs se fait pendant les compressions thoraciques. Le premier patch se pose sous la clavicule droite et le second au niveau de la ligne axillaire gauche, sous le pectoral. En cas d’oubli, des pictogrammes sont affichés sur les électrodes. Lors de l’utilisation d’un défibrillateur automatique, il est nécessaire de positionner les patchs avant de les brancher. En effet, le défibrillateur commence l’analyse dès qu’il détecte le branchement des électrodes, même si celles-ci ne sont pas encore placées sur le corps de la personne.
Une fois les électrodes en place, le défibrillateur analyse le rythme cardiaque, puis délivre un choc si nécessaire.
- Le défibrillateur automatique analyse le rythme cardiaque toutes les deux minutes. Il informe « à voix haute » si un choc est requis et s’il se met ainsi en charge. À l’annonce d’un choc, l’opérateur doit avertir les autres intervenants de se reculer, puis appuyer sur le bouton pour administrer le choc.
- Le défibrillateur manuel est géré par un médecin qui séquence les analyses et les CEE.
Quoi qu’il en soit, les compressions thoraciques doivent être reprises immédiatement après le choc, sauf si l’activité cardiaque est manifestement rétablie (Reprise d’activité cardiaque spontanée, mouvements de la personne, reprise de la ventilation, etc.).

Figure A :
Placement « classique » des électrodes en cas de défibrillation.
FIGURE B et C, patchs orange (2) :
Placement le plus courant dans le cas d’une cardioversion.
FIGURE B et C, patchs orange et bleus (1 et 2) :
La recherche tend à démontrer une hausse de la survie des patients grâce notamment à la double défibrillation séquentielle (DDS). L’utilisation de deux défibrillateurs utilisés pratiquement en même temps permet une meilleure défibrillation de l’ensemble des cellules myocardiques et donc une plus grande efficacité. La limite à cela étant bien sûr de pouvoir disposer de deux défibrillateurs dont au moins un manuel et d’une équipe entrainée à leur utilisation.
Monophasique ou biphasique ?
Monophasique ou biphasique ? Derrière ces appellations se révèle en fait un mode de conduction du courant bien différente.
Dans le cadre de la conduction monophasique, le courant électrique délivré part d’une électrode, traverse le myocarde puis revient par la seconde électrode, circulant ainsi dans une seule direction.
En revanche, dans le cas du choc en courant biphasique, l’électricité suit deux trajets d’une électrode à l’autre, dans les deux sens.
Le biphasique présente plusieurs avantages, notamment celui de provoquer moins de lésions tissulaires du fait de l’utilisation d’un courant moins important. Ce niveau d’énergie requis moins élevé a permis de concevoir des défibrillateurs plus compacts et légers.
Aujourd’hui, ce mode biphasique est privilégié, que ce soit pour traiter un ACR, ou pour corriger un trouble du rythme.
C’est inquiétant…
Selon un article du Journal international de médecine publié en mai 2024, près d’un tiers des défibrillateurs installés dans les lieux publics ne sont plus fonctionnels. Une situation préoccupante qui met en évidence la nécessité d’assurer un entretien régulier de ces appareils…
Louis PIPROT,
infirmier formateur en gestes et soins d’urgence, CESU 92
Je m'abonne à la newsletter ActuSoins
Cet article a été publié dans ActuSoins Magazine
Il est à présent en accès libre.
ActuSoins vit grâce à ses abonnés et garantit une information indépendante et objective.
Pour contribuer à soutenir ActuSoins, tout en recevant un magazine complet (plus de 70 pages d’informations professionnelles, de reportages et d’enquêtes exclusives) tous les trimestres, nous vous invitons donc à vous abonner.
Pour s’ abonner au magazine, c’est ICI
Abonnez-vous au magazine Actusoins
Optimisez vos journées avec Simply Vitale. | ![]() |
|---|---|
| Entre les tournées du matin et la nuit qui tombe plus vite, votre énergie est précieuse ! Grâce à Simply Vitale, planifiez vos tournées plus facilement, optimisez votre temps et libérez-vous des heures précieuses pour vous. Découvrir Simply Vitale | |
Plongez dans le quotidien de soignants tels que vous et renforcez votre expertise en cicatrisation avec Chroniques de Plaies ! | |
|---|---|
| Parce que derrière chaque plaie, il y a un patient, et derrière chaque patient il y a une histoire : plongez dans le quotidien des soignants avec Chroniques de Plaies ! Tous les témoignages de soignants ICI ! | |















Vous devez être connecté pour poster un commentaire.