Depuis 2009, l’équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs du Centre hospitalier Sud Francilien (CHSF) de Corbeil-Essonnes (Essonne) accompagne les professionnels de santé dans la gestion des prises en charge complexes de leurs patients, quel que soit l’âge de ces derniers.

Le staff est terminé. Dans leur bureau, les trois infirmières de l’Équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs (EMASP) se répartissent leurs interventions dans les services. Aurélia Scoazec Koch et Sarah Perret, infirmières de l’EMASP se dirigent vers le service d’oncologie. « Nous avons été sollicitées par le médecin du service pour l’accompagnement d’une patiente présentant des douleurs », explique Sarah Perret. Elle est atteinte d’un cancer pulmonaire métastatique avec une compression médullaire. En arrivant, les deux infirmières se rendent directement au poste des soignants afin de s’informer plus précisément de la situation. « Cette nuit, la patiente a perdu sa sensibilité au niveau des jambes et a dû être aidée pour se rendre aux toilettes, indique l’infirmière du service. C’est très difficile pour elle d’accepter cette dépendance, la situation est très violente, elle a beaucoup pleuré. La progression du cancer est vraiment rapide, la douleur ne fait qu’augmenter et nous ne parvenons pas à la soulager. » Dans la chambre, Sarah Perret et Aurélia Scoazec Koch trouvent la patiente endormie. Elles l’observent et décident de ne pas la réveiller pour le moment, afin qu’elle récupère de sa nuit agitée. Elles reviendront dans l’après-midi.
Cet article a été publié dans le n°56 d’ActuSoins magazine (mars 2025).
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La réponse à un besoin local
Les membres de l’équipe mobile interviennent toujours en binôme, « cela nous permet d’échanger nos points de vue et d’avoir un regard croisé sur la situation afin de proposer la meilleure orientation », rapporte Aurélia Scoazec Koch. Au sein du CHSF, une première équipe mobile a vu le jour il y a une vingtaine d’années. Mais des tensions ont eu raison de son existence. Le Dr Sylvie Boulesteix, actuelle responsable de l’EMASP, a été sollicitée en 2009 pour relancer la dynamique. Aujourd’hui, l’équipe dotée de 1,3 équivalent temps plein (ETP) médecin (dont 0,6 vacant), 3 ETP infirmiers, 1,5 ETP psychologue et 1 ETP secrétaire, partage son expertise pour la prise en charge de maladies graves, évolutives ou des fins de vie. Elle a pour particularité de couvrir tous les âges de la vie dans l’ensemble des services de l’hôpital, de la réanimation néonatale à la gériatrie, en passant par l’oncologie, l’hématologie, la psychiatrie ou encore la chirurgie. Et ce, en hospitalisation conventionnelle, en hôpital de jour (HDJ) et en consultation. Les motifs de sollicitation reposent principalement sur la prise en charge des inconforts et de la douleur, une aide à la réflexion pour l’orientation des patients, le soutien et l’accompagnement psychologique des patients et de leurs proches ou encore des questionnements éthiques en lien notamment avec les limitations des soins. « Ce sont généralement les soignants qui nous sollicitent avec l’accord d’un médecin référent, mais les patients peuvent également nous demander d’intervenir », fait savoir Audrey Aboab, psychologue. « Je reçois les demandes d’interventions par téléphone, poursuit Amandine Hervé, la secrétaire. Je demande au professionnel de santé appelant, l’identité du patient, la raison de son hospitalisation, le motif de la sollicitation, et s’il prend déjà un traitement antalgique. » En parallèle, l’équipe mobile organise un staff quotidien pour faire un point sur la répartition des prises en charge, les urgences, les réévaluations ou encore la nécessité d’un soutien psychologique. Cependant, la secrétaire peut aussi appeler les membres de l’équipe dans la journée si besoin. Ils assurent en moyenne une dizaine de prises en charge quotidiennes.
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Une intervention au chevet des patients

De retour dans les étages du CHSF, Aurélia Scoazec Koch et Sarah Perret rejoignent le service d’hépato-gastro-entérologie, qui a sollicité l’EMASP pour une aide à l’orientation de deux patients. La démarche est identique : elles se rendent d’abord vers l’infirmière du service pour en apprendre davantage sur les patients. Le premier est atteint d’un cancer du foie. « Il était stable la semaine dernière, et hier je l’ai retrouvé installé sur un matelas anti-escarre, leur partage-t-elle, inquiète. Il a reçu un bolus de morphine mais sa respiration ventrale m’embête. » Dans une autre chambre, une seconde patiente, également atteinte d’un cancer du foie, n’a pas été suivie pour sa maladie désormais à un stade avancé. « Elle a beaucoup pleuré hier, informe l’infirmière. Sa situation familiale est compliquée car elle a perdu son mari et un fils. Elle a un autre fils avec lequel les rapports sont difficiles. Elle est épuisée psychologiquement. » Le premier patient est en train de dormir. Les deux infirmières l’observent, écoutent sa respiration. « Il fait de nombreuses pauses, ce qui peut être évocateur d’une fin de vie », fait savoir Sarah Perret. Une orientation en Unité de soins palliatifs (USP) semble adaptée, mais le patient est-il transportable ? Elles se rendent ensuite dans la chambre de la patiente, qui leur accorde d’abord un regard surpris, avant de sourire. Elle leur confie aller mieux depuis aujourd’hui et ne pas ressentir de douleurs, mais elle rencontre des difficultés pour dormir. Les deux infirmières la questionnent sur son mode de vie, sur les aides dont elle dispose à domicile, sur ses rapports avec sa famille. « Aujourd’hui, je n’ai plus de traitement parce qu’il me provoquait des problèmes de transit, et cela me fait peur », reconnaît-elle les larmes aux yeux. Les deux infirmières évoquent la suite de la prise en charge. Le médecin lui a déjà parlé d’une maison de repos dans une commune voisine. « Je ne veux pas rester toute seule chez moi donc cette solution me convient et me rassure. »
À l’issue des deux prises en charge, les infirmières retrouvent l’interne du service, pour lui faire part de leurs observations et recommandations, le médecin référent du service restant le prescripteur. « Nous allons rédiger les transmissions dans le dossier », l’informent-elles avant de retourner à leur bureau.
Une expertise reconnue
Les échanges avec leurs collègues des autres services impliquent, pour les membres de l’EMASP, notamment les infirmiers dont le rôle est généralement prescrit, d’adopter une certaine posture. D’autant plus que « nous proposons des adaptations de prises en charge », rappelle Aurélia Scoazec Koch. « Aujourd’hui, il faudrait que nous parvenions à faire reconnaître officiellement cette expertise notamment avec des protocoles de coopération », estime Claire Marandin, cadre de pôle Santé publique et Soins de suite.
Outre les conseils aux professionnels, l’expertise de l’EMASP se manifeste à travers son activité de formation dispensée par l’ensemble de ses membres. Ils interviennent à l’Institut de formations paramédicales (IFPM) pour échanger sur les soins palliatifs. Ils proposent également deux jours de formation, deux fois par an, à l’ensemble des professionnels de l’hôpital ou encore des formations flash d’une heure environ, à la demande des services.
L’expertise hospitalière, qui s’acquiert avec la pratique, est le minimum requis lors du recrutement. L’appétence et l’intérêt de l’infirmier pour l’activité est également passée au crible, de même qu’il doit s’engager à suivre le Diplôme universitaire Soins palliatifs dans l’année qui suit son recrutement. « L’intégration d’un nouveau membre repose sur une réflexion d’équipe avec une étude de son CV, une rencontre avec le postulant et une journée en immersion, indique le Dr Boulesteix. Il faut avoir conscience que nous prenons en charge des situations graves, complexes, et il faut pouvoir y faire face. » Un temps de supervision avec une psychologue est d’ailleurs proposé à l’équipe une fois par mois, celui-ci faisant partie intégrante du travail en soins palliatifs.
Laure Martin
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