Équipes mobiles intrahospitalières : une expertise au service des soins

Équipes mobiles intrahospitalières : une expertise au service des soins

Plaies et cicatrisation, soins palliatifs, addictologie, gériatrie, psychiatrie : les équipes mobiles intrahospitalières interviennent sur des thématiques particulièrement variées. Leur mission est notamment de partager leur expertise avec les professionnels de santé des services et les patients, pour une prise en charge optimisée. Dans ces équipes, les infirmiers tiennent une place de premier rang.

Certaines équipes mobiles intrahospitalières sont mises en place à la suite de directives des tutelles. D’autres sont créées en réponse à des besoins observés sur le territoire. Certaines détiennent l’appellation, d’autres non mais assurent pour autant le même type de missions. Car toutes ont la même finalité : apporter appui et soutien en partageant leur expertise aux professionnels de santé des services hospitaliers qui les sollicitent, en sachant que les médecins demandeurs restent les prescripteurs. « Le choix de mettre en place une équipe mobile implique nécessairement un soutien en interne et généralement la présence de médecins qui portent la thématique », fait savoir Nadine Phan, coordinatrice générale des soins des hôpitaux de la Conception, Sainte-Marguerite et Salvator (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille).

Réponse à un besoin

Les équipes mobiles sont expertes d’une thématique et permettent, au sein des services et des unités, une amélioration de la prise en charge des patients. « En tant que gériatre, je m’étais rendu compte que les plaies de mes patients étaient mal prises en charge au sein de l’établissement », témoigne le Dr Marc Wiser, gériatre, à la tête de l’Équipe mobile plaies et cicatrisations (EMPC) au sein du Groupe hospitalier Sud Île-de-France (GHSIF) (Seine-et-Marne). Il propose la mise en place d’une équipe mobile en 2013, d’abord financée par l’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, qui avait lancé une campagne de prévention sur les escarres.

Aujourd’hui, elle est déclinée sur les quatre hôpitaux du groupement et sur deux sites périphériques. Au CH de Melun, elle est composée de trois infirmiers, d’une ergothérapeute et de deux médecins à temps partiel. L’équipe intervient quinze à vingt fois par semaine dans les services de soins du groupement hospitalier. Comme dans de nombreuses équipes mobiles, les professionnels qui en font partie ne se consacrent pas exclusivement à cette activité. Ils assurent également une activité de consultations externes (32 créneaux disponibles), ainsi que des séances de télémédecine (8 par semaine).

Du côté de Lyon, l’hôpital Édouard Herriot (Hospices civils de Lyon) dispose depuis 2009 d’une Équipe de liaison et de soins en addictologie (ELSA). Nées d’une circulaire de 2000, les ELSA ont pour mission de former, d’assister et de conseiller les soignants des différents services sur les questions de dépistage, de diagnostic, de prise en charge et d’orientation des patients ayant une conduite addictive. « Les infirmiers sont les piliers des ELSA », soutient le Dr Delphine Ragonnet, cheffe de service adjointe du Service universitaire d’addictologie de Lyon (SUAL) Groupement Hospitalier Centre (GHC) et médecin responsable de l’ELSA du GHC. Les équipes sont généralement composées de médecins, d’infirmiers, de psychologues et de secrétaires. Aux HCL, cinq infirmiers exercent au sein de l’ELSA et dans les autres structures composantes du SUAL.

À l’Institut Curie (centre de lutte contre le cancer) de Paris, la mise en place de l’équipe mobile soins palliatifs date d’un peu avant les années 2000. Elle forme, avec la consultation médicale et l’Hôpital de jour (HDJ) de soins de support, le service de soins palliatifs. Cinq infirmiers, une infirmière en pratique avancée (IPA) et cinq médecins en font partie et exercent au sein des différentes composantes.

Aide à la décision

Les demandes d’intervention d’une équipe mobile émanent des différents services hospitaliers, qui les transmettent par téléphone ou par voie informatique. Les membres de l’équipe analysent ensuite les sollicitations afin d’établir les priorités. Les interventions se déroulent généralement dans la journée et sous 24 à 48 heures maximum. À l’Institut Curie, l’équipe mobile est principalement sollicitée pour du conseil pour des symptômes compliqués à gérer chez les patients hospitalisés, des annonces difficiles, la mise en place de soins à domicile lorsqu’un retour à la maison est envisagé, une aide à l’orientation du patient ou encore la décision de l’arrêt d’un traitement anticancéreux. L’équipe intervient en binôme médecin-infirmier au sein du service, afin d’échanger sur les orientations possibles avec les professionnels, le patient et son entourage. « Nous favorisons les prises de décision collégiales, afin de choisir les meilleures options possibles pour les patients, indique le Dr Stéphanie Trager, médecin cheffe des soins palliatifs sur le site de Paris de l’Institut Curie. Le soignant nous partage son expérience, son analyse de la situation et nous prenons aussi en compte le retour du patient, afin d’aboutir à un consensus en phase avec la réalité. »

Du côté de l’ELSA, le fonctionnement est similaire. Les demandes d’intervention arrivent par voie informatique, et tous les matins, les membres de l’équipe se répartissent les prises en charge avant de se déplacer dans les services. Ils interviennent pour des patients hospitalisés pour une autre raison que leur addiction. « Nous devons les accompagner en tenant compte de l’étape où ils se trouvent dans leur consommation et chercher à les amener vers l’étape suivante, explique le Dr Ragonnet. Cela peut parfois générer une incompréhension avec l’équipe du service car nous ne vendons pas du sevrage. » Lors de son intervention, l’ELSA peut proposer des protocoles notamment pour le sevrage de l’alcool afin d’éviter les complications en cas d’hospitalisation non programmée qui conduit à un sevrage forcé, pour le sevrage du tabac, celui des opioïdes ou encore pour la gestion de la douleur. « Les protocoles positionnent notre légitimité en tant qu’ELSA », fait savoir Myriam Kabri, infirmière de l’équipe. Comme pour toutes les équipes mobiles, les membres partagent leurs avis et leurs conseils, mais il appartient ensuite au médecin du patient de suivre ou non les recommandations au regard de sa connaissance du dossier.

En Seine-et-Marne, l’EMPC du CH de Melun intervient également en appui au terrain. « Avant de nous rendre dans le service, nous contactons nos collègues pour coordonner notre passage avec leur disponibilité », rapporte Élisabeth Renault, infirmière au sein de l’équipe. L’objectif n’est pas de prendre en charge la plaie isolément mais le patient dans sa globalité avec ses comorbidités. L’infirmier propose alors un protocole et aide parfois l’équipe soignante à réaliser le pansement, souvent long et complexe, avec des détersions. « Le protocole est ensuite écrit dans le dossier, nous effectuons un compte-rendu et nous nous tenons informés de l’évolution de la plaie du patient », ajoute-t-elle. « Nous pouvons être amenés à revoir les patients en consultation externe », précise Laurent Lepvrier, également infirmier.

À l’issue de leurs interventions, les équipes mobiles assurent toujours un compte-rendu oral et informatisé, accessible à l’ensemble de l’équipe soignante. Cette démarche garantit des transmissions détaillées, assure une traçabilité optimale et contribue au bon fonctionnement de la filière.

Formation

L’expertise des équipes mobiles n’est pas uniquement mise à profit des patients. « Leurs membres participent à la montée en compétence du personnel soignant, car ils vont former leurs collègues en partageant leurs conseils », soutient Nadine Phan. Elle se déroule déjà dans les services, au lit du patient. « Lorsque nous intervenons, nous le faisons directement en lien avec les équipes pour ensuite discuter de la situation », fait savoir Sandrine Jourdain, infirmière de l’équipe mobile de soins palliatifs de l’Institut Curie. Même démarche au sein de l’EMPC, qui intervient également pour rassurer les soignants dans leur choix de prise en charge. « Nous cherchons à autonomiser les services, indique Aurélie Blondel, infirmière. Nous leur demandons préalablement le protocole qu’ils auraient mis en place. Nous sommes dans une démarche de discussion, de soutien et de valorisation. » La formation peut aussi être davantage formalisée. « Nous proposons des formations institutionnelles qui détiennent la norme Qualiopi, pour former le personnel sur la prise en charge des plaies et de la cicatrisation », précise le Dr Wiser.

De son côté, l’équipe mobile soins palliatifs propose une formation flash hebdomadaire, à la suite du staff. « Nous effectuons quinze minutes de sensibilisation sur une thématique, indique le Dr Trager. Cela permet de répondre à des interrogations et de sensibiliser à des questionnements organisationnels, symptomatiques ou éthiques. » Deux fois par an, des formations de trois jours sont également proposées sur le thème des soins palliatifs. « Nous avons de bons retours car cela permet aux soignants de faire un pas de côté et d’évaluer leurs pratiques », explique Stéphanie Jourdain. À l’hôpital Édouard Herriot, l’équipe sensibilise également les autres soignants sous forme de formation d’une heure, de trois heures ou d’une journée.

Profil type

Exercer au sein d’une équipe mobile implique pour les soignants « d’afficher une appétence pour la thématique et de détenir une expérience de terrain solide, soutient Nadine Phan. Nous allons ensuite les former, si besoin, avec des Diplômes universitaires (DU). Il revient à l’établissement de mettre à leur disposition les moyens de formation nécessaires. » Ils doivent également poursuivre leur montée en compétence et se mettre à jour de l’évolution des pratiques en participant à des congrès et en effectuant des revues de littérature scientifique.

Pour prétendre à un poste au sein de l’ELSA, outre une expérience professionnelle au sein des services hospitaliers, les soignants doivent aussi avoir fait le deuil de la technique et accepter le soin relationnel. « Ils doivent également accepter que certains patients suivis continuent malgré tout à consommer de l’alcool, du tabac ou des stupéfiants, indique le Dr Ragonnet. Ils ne doivent pas être dans le jugement et être suffisamment ouverts d’esprit. »

Idéalement, ils doivent être titulaire du DU addictologie. Si ce n’est pas le cas, ils sont amenés à le suivre après leur intégration dans l’équipe.

À Melun, les infirmiers de l’EMPC sont tous titulaires d’un DU plaies et cicatrisation. La reconnaissance de leur expertise passe aussi par les protocoles de coopération entre professionnels de santé. « Nous détenons des compétences pour la prescription d’actes de soin, de dispositifs médicaux, de médicaments et d’actes exploratoires (radiographie, écho-doppler des membres inférieurs), énumère Laurent Lepvrier. Nous pouvons aussi effectuer des examens exploratoires comme l’indice de pression systolique et des poses initiales de thérapie par pression négative. » « Notre expertise est reconnue, par les autres professionnels de santé et par l’autonomie qui nous est laissée », assure Aurélie Blondel.

Bien entendu, cela implique d’adopter une certaine posture vis-à-vis des autres soignants, notamment des médecins. « Le fait de se présenter comme infirmière nous demande d’être à l’écoute, mais nous pouvons toujours solliciter le médecin de l’équipe mobile si nous estimons que le rapport est complexe ou que le message ne passe pas avec les autres professionnels de santé », indique Sandrine Jourdain. « La présence des médecins dans les équipes mobiles permet parfois d’apaiser les relations et de lever certaines représentations, fait savoir Nadine Phan. Dans tous les cas, un travail est à effectuer avec la commission médicale d’établissement, les chefs de service et les praticiens, car sans leur appui, la place des équipes mobiles peut être plus difficile à ancrer. » 

Laure Martin

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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazineactusoins magazine pour infirmière infirmier libéral
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