La chirurgie est dépendante des résultats anatomopathologiques de la tumeur et plusieurs interventions sont proposées : une mastectomie partielle (ablation de la tumeur du sein) ou une mastectomie totale (ablation totale du sein), associée ou non à l’ablation de ganglions sentinelles (GS), voire à un curage axillaire (CA). Elle sera complétée, au besoin, par de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie et/ou une hormonothérapie.
La chirurgie des ganglions axillaires est souvent concomitante à la chirurgie du sein. Aujourd’hui, le curage axillaire est un geste chirurgical beaucoup moins invasif et délabrant, ce qui a réduit considérablement les effets secondaires tel que le lymphœdème ou « gros bras ». Si les recommandations et précautions données aux patientes ayant bénéficié d’un curage axillaire il y a 25 ans étaient très strictes et rigoureuses, les consignes sont un peu plus souples aujourd’hui, notamment concernant la prise de tension artérielle, les prélèvements sanguins et la pose de perfusion du côté du bras opéré.
Le système lymphatique
Rappel anatomique et physiologique du système lymphatique
Le système lymphatique constitue l’une des parties les plus importantes du système immunitaire car il protège l’organisme des maladies et des infections. Il est constitué de vaisseaux lymphatiques, de ganglions lymphatiques et d’organes lymphoïdes, qui sont reliés à toutes les parties du corps porteuses de lymphe, liquide contenant des lymphocytes (voir encadré ci-dessous). Contrairement au système sanguin, la lymphe circule grâce à la structure des parois des vaisseaux lymphatiques, aux contractions musculaires et aux mouvements du corps. Le rôle du système lymphatique est multiple : un rôle de défense de l’organisme et un rôle de drainage. Capital dans le processus d’activation de la réponse immunitaire, il permet la circulation de la lymphe et la mobilité des lymphocytes dans tout l’organisme, hors des vaisseaux sanguins, pendant que les ganglions filtrent le liquide lymphatique de tout débris (bactérie, virus, corps étranger). Le système lymphatique draine aussi les excès de liquide se trouvant au niveau des tissus et participe à la détoxication de l’organisme.
Le système lymphatique est composé de :
– d’un réseau, à sens unique : des vaisseaux lymphatiques superficiels présents dans tout le corps. Ils naissent dans les différents tissus et rejoignent les ganglions lymphatiques. Ils permettent la circulation de la lymphe et le drainage de l’organisme (protéines, eau en excès…) ;- des ganglions lymphatiques : unité en forme de « haricot », ils sont répartis dans tout le corps. Ce sont de véritables filtres pour les virus, les bactéries et autres corps étrangers comme les cellules cancéreuses. D’un mécanisme très complexe (non abordé dans ce chapitre), une tumeur apparaît lorsque des cellules anormales ne peuvent pas être contrôlées et continuent de se multiplier ;
– du tissu lymphoïde associé aux muqueuses : il se situe de manière diffuse sous l’épithélium de la muqueuse, dans différents organes comme le tube digestif, les poumons ou la peau ;
– des organes tels que la rate, le thymus, les amygdales, la moelle osseuse… ;
– de la lymphe (1 à 2 litres environ) : c’est un liquide biologique dont la composition est semblable au plasma sanguin à l’exception des globules rouges. Elle contient des globules blancs, des nutriments et des déchets.
La chaîne ganglionnaire axillaire
Au niveau axillaire, les vaisseaux lymphatiques drainent la lymphe du sein (et donc les cellules tumorales éventuellement présentes) vers les ganglions situés dans l’aisselle du même côté. Ces ganglions forment la chaîne ganglionnaire axillaire. Afin de connaître le potentiel de dissémination de la tumeur du sein, une analyse du ou des ganglions est effectuée, à la recherche de cellules cancéreuses. Cette analyse est importante pour définir la stratégie thérapeutique postopératoire (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie).
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Deux techniques chirurgicales : la technique du ganglion sentinelle et le curage axillaire
L’objectif est de préciser si la tumeur s’étend au-delà du sein, d’évaluer son degré d’extension et de déterminer si un ou des traitements complémentaires sont nécessaires.
La technique du ganglion sentinelle (GS)
Elle consiste à enlever le ou les premiers ganglions lymphatiques de l’aisselle (un à quatre ganglions maximum) les plus proches de la tumeur, pour vérifier, par analyse anatomopathologique, s’ils contiennent ou non des cellules cancéreuses. Cette technique permet de réduire fortement le nombre de ganglions prélevés par rapport au curage axillaire, donc de réduire considérablement les risques de séquelles postopératoires, et de réserver le curage axillaire aux seules tumeurs qui le nécessitent et en cas d’envahissement ganglionnaire.
La veille de l’intervention, un marqueur radioactif est injecté dans le sein. Il diffuse rapidement dans les canaux lymphatiques et se concentre dans les ganglions sentinelles.
Sous anesthésie générale et à l’aide d’une sonde, le chirurgien repère les GS et les retirent en plus de la tumeur. Un examen extemporané, pendant l’intervention, des GS est réalisé. Si les GS ne contiennent pas de cellules tumorales, les autres ganglions de l’aisselle sont à priori indemnes.
Le curage axillaire (CA)
Le curage axillaire est un geste chirurgical concomitant de la mastectomie – partielle ou totale – mais peut aussi être réalisé à distance en fonction des résultats anatomopathologiques du ganglion sentinelle (GS positif).
Il a pour but d’enlever toutes les cellules cancéreuses qui auraient pu se propager jusqu’aux ganglions lymphatiques, de réduire le risque de récidive locale ou à distance et d’adapter au mieux les thérapeutiques complémentaires.
Anatomie du sein et de la région axillaire
Sous anesthésie générale, l’incision est réalisée au niveau du creux de l’aisselle et huit à dix ganglions sont enlevés pour être analysés. Un drain de Redon peut être mis en place afin de drainer le sang ou la lymphe pendant 24 à 48 heures. Tous les ganglions ne sont pas retirés. Les études ont montré que retirer l’ensemble des ganglions n’améliore pas la survie et majore considérablement les effets secondaires tels que les douleurs et le lymphœdème (LPD) du membre supérieur. L’ensemble des ganglions retirés fait l’objet d’un examen anatomopathologique afin de déterminer combien sont atteints par des cellules cancéreuses. Le curage axillaire est informatif et pronostic.
Lexique
• Tumorectomie ou mastectomie partielle : consiste en l’ablation de la tumeur en préservant le plus possible le sein et sa forme.
• Mastectomie totale : ablation totale du sein ou glande mammaire en totalité avec plus ou moins de peau (le mamelon et l’aréole peuvent être conservés ou non en fonction de l’histologie de la tumeur).
• Ganglion sentinelle : ablation d’un ganglion ou de plusieurs ganglions les plus proches de la tumeur.
• Curage axillaire (CA) ou lymphadénectomie axillaire (LA) : ablation de 8 à 10 ganglions au niveau du creux axillaire.
• L’œdème : accumulation de liquide dans les tissus suite à l’ablation de plusieurs ganglions. Il peut devenir chronique.
• Drainage lymphatique : technique spécifique de massage doux et indolore. Elle favorise le travail du système lymphatique, ce qui permet d’améliorer l’évacuation de la lymphe et de résorber l’oedème.
Les complications à court, moyen et long terme lié au curage axillaire
Hormis les complications hémorragiques et infectieuses liées au geste chirurgical, rarissimes, le curage axillaire peut provoquer un enraidissement de l’épaule, limiter les gestes au niveau du membre supérieur opéré et entraîner un lymphœdème (LPD) qui peut survenir même des années après l’intervention.
En post opératoire immédiat
Comme après toute intervention chirurgicale, des douleurs sont fréquentes et rapidement soulagée par l’administration d’antalgiques per os pendant quelques jours. Le pansement et éventuellement la présence d’un redon (quantité, qualité, étanchéité) sont étroitement surveillés, le risque majeur en postopératoire immédiat étant le risque d’hématome.
Après un curage axillaire, la mobilité, la sensibilité et la force du membre supérieur peuvent être altérées de manière temporaire. Dès le lendemain de l’intervention, il est important de mobiliser le membre supérieur, de manière douce et progressive, dans le respect de la douleur, afin de diminuer les risques d’enraidissement de l’épaule. Ces exercices, pratiquées plusieurs fois par jour et pendant plusieurs semaines empêchent l’apparition de problèmes plus handicapants. Des séances de kinésithérapie peuvent être prescrites afin de retrouver un fonctionnement normal du membre supérieur.
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Après l’intervention, peut apparaître une thrombose lymphatique superficielle. Cette inflammation douloureuse des vaisseaux lymphatiques sous forme de petites “cordes” fait saillie sous la peau à partir du creux axillaire. Il devient alors impératif de débuter une kinésithérapie adaptée.
Des douleurs de type neuropathiques peuvent apparaître et persister pendant quelques semaines à quelques mois. Certains nerfs peuvent être altérés au cours de la chirurgie. Cela se traduit par des paresthésies ou au contraire par une perte de sensibilité au niveau de la zone opérée, dans l’épaule ou le bras. Certaines patientes peuvent ressentir un engourdissement permanent, à la face interne du bras.
D’un point de vue pratique, il est conseillé de porter un soutien-gorge de type brassière et sans baleines, beaucoup plus doux et confortable au niveau de la cicatrice. Après avis chirurgical, il est important de masser quotidiennement la cicatrice avec une crème afin de garder la souplesse de la peau et d’améliorer les mouvements du bras. L’intervention ne contre-indique pas le port de ceinture de sécurité. Les bains (mer, hammam, piscine) sont contre-indiqués pendant un mois. La reprise d’une activité sportive douce est possible après avis chirurgical, environ un mois après l’intervention.
Complications : les signes d’alerte du lymphœdème
L’apparition des signes suivants doivent amener à consulter immédiatement :
– une fatigabilité et une sensation de lourdeur, d’étau, de tension cutanée du bras,
– une diminution de la mobilité au niveau des doigts et du poignet,
– une sensation de compression (montre, bijou trop serrés),
– des veines moins visibles au dos de la main,
– la peau qui marque facilement à la pression,
– un léger gonflement localisé de la main ou du bras.
Le lymphœdème : un effet secondaire majeur à court, moyen et long terme
Le lymphœdème ou « gros bras » est le plus connu des effets secondaires suite à un curage axillaire et touche 10 à 20 % des patientes.
L’ablation de la chaîne ganglionnaire entraîne une altération de la circulation lymphatique du sein et du bras (Illustration) entraînant une accumulation de la lymphe dans les tissus de la main ou du bras (lymphocèle). Les séquelles cicatricielles de ce geste chirurgical peuvent à court ou long terme, atténuer le bon drainage du bras.
Cela se traduit par une sensation de compression ou de gonflement très important de la main et/ou du bras, du côté opéré. L’apparition d’un LPD est souvent insidieux et il est impossible de prédire qui va – ou non – développer cet effet secondaire très invalidant. Il peut se produire immédiatement après la chirurgie, quelques mois, voire des années plus tard. Les facteurs de risque de survenue du LPD sont le curage axillaire, la radiothérapie et l’obésité.
En cas d’apparition d’un LPD, il est nécessaire de contacter immédiatement un médecin ou un kinésithérapeute. Des séances de drainage lymphatique manuelles ainsi qu’une contention seront proposées (gant, manchette) afin de comprimer l’oedème, de favoriser sa résorption et d’améliorer le confort de la patiente. Une augmentation rapide et importante du volume du bras n’est pas nécessairement un LPD mais peut être un début d’infection cutanée (érésipèle) ou une « phlébite » du bras (compression veineuse). Elle s’accompagne de douleurs, de plaques rouges sur le bras ou à proximité, de fièvre… et nécessite une consultation médicale en urgence.
Curage axillaire : Précautions à adopter et actualisation des recommandations
Précautions
Les conseils suivants sont à respecter tout au long de la vie et permettent de limiter le risque d’infection du membre supérieur et l’apparition du LPD. La patiente doit adopter une hygiène très rigoureuse du membre supérieur et respecter certaines précautions dans les gestes de la vie quotidienne.
L’hydratation est importante (environ 1,5 l/jour). La prise de poids doit être limitée car elle favorise la survenue de LPD. Le port de charge lourde (courses, sac à main…) ainsi que le port de bijoux (bague, bracelet, montre) ou de vêtements serrés doit être éviter. Il est préférable de ne pas exposer le bras à la chaleur (soleil, sauna, four) et de protéger la cicatrice avec de l’écran total. En cas de mouvements répétitifs et prolongés (ordinateur, ménage…), il est nécessaire de fractionner les tâches et de faire des pauses régulièrement.
Il est impératif de protéger le membre supérieur de toute blessure ou compression même des années après la chirurgie. Cela implique de porter des gants pour la vaisselle, pour le jardinage, le bricolage, d’utiliser un dé à coudre pour la couture. En cas de plaie, il est indispensable de laver et désinfecter la plaie immédiatement avec un produit antiseptique et de surveiller le bras pendant 48 heures. Toute sensation de serrement ou de gonflement du bras, de fièvre, ainsi que toute plaie doivent amener à consulter un médecin rapidement.
Curage axillaire : Actualisation des recommandations
Auteur d’un article très intéressant « Lymphœdème : Mythes et réalités », Stéphane Vignes apporte « un regard neuf sur les conseils donnés aux patientes ayant un LPD… après traitement d’un cancer du sein ». Après une analyse des données de la littérature, il bouleverse nos croyances infirmières ancrées depuis de nombreuses années et décrit plusieurs faits :
- la ponction veineuse ou la pose d’une voie veineuse périphérique (VVP) n’augmentent pas le risque de survenue d’un LPD ;
- la prise de tension artérielle du coté opéré n’entraîne pas de LPD ;
- la surélévation du bras peut apporter une sensation d’allégement du bras mais n’est pas indispensable au traitement, compte tenu de sa faible efficacité sur le membre atteint ;
- les voyages en avion ne favorisent pas la survenue de LPD. Le port de contention au niveau du bras ainsi que la marche régulière pendant le vol sont uniquement recommandés aux patientes ayant un LPD ;
- la pratique d’un sport (même violents et/ou répétitifs), ou d’une activité physique ont montré l’absence d’aggravation ou de déclenchement d’un LPD.
En pratique, le bras non opéré sera toujours privilégié lors de la prise de TA, de ponction veineuse ou de pose de VVP. Cependant, lors de contexte particulier (chirurgical, traumatique), il est désormais possible d’effectuer ces actes sur le bras ayant bénéficié d’un CA sans majorer le risque d’apparition du LPD ou le risque infectieux.
Bibliographie
– Livret de l’Institut Curie : « Prendre soin de vous après une chirurgie mamaire et/ou axillaire ».
– Lymphoedèmes : mythes et réalités Stéphane Vignes
– Unité de lymphologie – Fondation Cognacq-Jay – Hôpital Paris.
Laurence PIQUARD,
Infirmière anesthésiste
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Cet article est paru dans le n°38 d’ActuSoins Magazine (octobre 2020).
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