La chimiothérapie est une étape primordiale du traitement en oncologie mais c’est certainement la plus marquante pour les patients parce que c’est la plus longue, la plus fatigante et la plus difficile. Les infirmiers ont un rôle majeur dans l’administration des chimiothérapies, la surveillance et le conseil aux patients. Comment se déroule une chimiothérapie ? Quels sont les effets secondaires ?
Cet article a été publié dans n°45 d’ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2022).
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La première chimiothérapie – ce qui signifie thérapie par la chimie – a été inventée par le médecin allemand Paul Ehrlich prix Nobel de médecine en 1908. Celle-ci n’a pas été inventée, dans un premier lieu, pour combattre le cancer mais pour lutter contre la syphilis à l’aube du XXe siècle. Paul Ehrlich avait réalisé plusieurs études et avait remarqué que le dérivé de l’arsenic appelé Salvarsan jouait un rôle considérable dans la guérison de la syphilis. La première chimiothérapie anti-cancéreuse est imputable à Sidney Farber, pathologiste de l’université d’Harvard, grâce à ses travaux sur l’aminoptérine, un inhibiteur de l’acide folique, et sur le méthotrexate, un agent antifolique de la classe des antimétabolites, premier traitement contre certaines leucémies infantiles. A l’heure actuelle, la recherche ne cesse de progresser afin d’améliorer les traitements pour combattre les cellules tumorales tout en évitant au maximum les effets secondaires liés aux traitements.
Chimiothérapie : Différents types de traitement
Les chimiothérapies sont très diverses et variées en fonction du type de cancer. La localisation de la lésion (cancer du sein, cancer d’origine gynécologique, ORL, digestif…) va bien évidemment orienter le traitement. Les oncologues vont également prendre en compte tous les résultats des examens effectués en amont, notamment la ou les biopsie(s), qui permettent de déterminer un stade (de I à IV), selon le système international de classement de tumeurs TNM : T pour Tumor (tumeurs) avec une taille de 1 à 4, N pour Node (ganglion) avec des valeurs de N0 à N3, selon l’extension ganglionnaire, et M pour Metastasis (métastases) avec une classification M0, en cas d’absence de métastases, ou M1. Par exemple T1N0M0 est une tumeur de petite taille sans envahissement ganglionnaire ni de métastase et, au contraire, T3N1M1 nécessitera un traitement plus lourd car il y a une atteinte ganglionnaire et la présence de métastases.
La présence de métastases, c’est-à-dire de lésions secondaires, vont aussi orienter et aider les médecins à choisir un traitement plutôt qu’un autre. Bien entendu, l’âge du patient, son état de santé général, ses antécédents sont également des critères pour le choix de la chimiothérapie. La chimiothérapie est dite néo-adjuvante lorsqu’il s’agit de traiter ou de diminuer la taille de la tumeur avant une chirurgie ou une radiothérapie et elle est dite adjuvante lorsqu’elle survient après un geste chirurgical pour éliminer les éventuelles cellules cancéreuses résiduelles.
La chimiothérapie peut aussi se faire en concomitance avec d’autres traitements comme la radiothérapie afin de potentialiser les effets de la chimiothérapie et surtout d’éradiquer plus vite les cellules malignes. En fonction de l’objectif thérapeutique déterminé, les produits utilisés ne seront pas les mêmes et la récurrence des séances sera variable, ce qui aura une incidence sur les effets indésirables.
Tout d’abord, les oncologues disposent d’un référentiel qui permet d’établir un protocole selon le cas de chaque patient et de proposer un premier traitement le plus adapté, au regard des données scientifiques actuelles. C’est un outil important permettant de garantir une qualité et une cohérence des pratiques médicales dans les soins et c’est une aide précieuse pour le diagnostic, la prise en charge thérapeutique et le suivi. Ces référentiels sont utilisés au quotidien lors des RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) et ils sont mis à jour au plus tard tous les trois ans.
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Chimiothérapie : Début des traitements
Une fois le diagnostic confirmé, les entretiens s’enchaînent avec les médecins et les infirmières. Les débuts sont très chronophages et les patients ont vraiment le sentiment de passer leur vie à l’hôpital, avant même qu’un « planning » de traitement soit établi. Ensuite, certaines chimios auront lieu toutes les semaines, d’autres toutes les 3 semaines… Les patients doivent alors réorganiser leur vie professionnelle, personnelle et familiale car c’est un véritable chamboulement.
Tous les patients sont porteurs d’une voie centrale qui aura été posée au préalable, soit un PAC (Port A Cath) aussi appelé chambre implantable ou cathéter, soit un PICC line, une voie centrale mais extériorisée. Le PICC-LINE est très souvent privilégié pour des chimiothérapies que l’on sait d’ores et déjà courtes – pas plus de trois mois – ou bien si le patient présente des problèmes de coagulation avec des risques de saignement trop importants. Le PAC peut rester en place autant de temps que nécessaire, plusieurs mois voire plusieurs années si besoin, puisque que c’est un boitier glissé sous la peau et que le risque infectieux est donc moins important.
Avant chaque chimiothérapie, un bilan sanguin (hémostase) de moins de 48 heures sera demandé au patient afin de vérifier ensuite si la chimiothérapie ne perturbe pas trop son bilan sanguin, particulièrement le taux de leucocytes et de plaquettes qui seront des indicateurs essentiels. Les médecins d’hôpital de jour valident chaque bilan afin de donner leur accord pour la chimiothérapie suivante. Si jamais le bilan est trop perturbé, ils se réservent le droit de décaler la chimiothérapie d’une semaine, notamment pour attendre que le taux de globules blancs remonte. Un système immunitaire affaibli augmente en effet le risque de contracter une infection. Généralement les patients passent une demi-journée à l’hôpital pour l’administration de leur chimiothérapie.
Ils commencent par rencontrer le médecin en hôpital de jour ou bien une infirmière afin de faire le point sur la tolérance du traitement, les effets indésirables et le vécu de leur traitement.
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Ensuite ils sont conduits dans une chambre où les patients sont souvent à plusieurs. En fonction des établissements de santé, ils sont parfois installés dans des pièces ouvertes, en demi-cercle, afin que l’infirmière puisse avoir une visibilité sur ses patients. Tout dépend de l’hôpital et de la disposition des locaux.
En amont, ce sont les préparateurs en pharmacie qui confectionnent les chimiothérapies et celles-ci sont acheminées vers le service qui délivrera le traitement. Les pochons sont étiquetés avec le nom de la molécule administrée, la posologie et le nom du patient qui la reçoit.
L’administration d’une chimiothérapie n’est pas sans conséquences en ce qui concerne la responsabilité de l’infirmier, d’autant plus qu’il s’agit de traitement à risque. Il faut donc être très vigilant à l’identité de la personne, la corrélation avec la prescription médicale et le nom de la molécule. Une fois que le patient est perfusé, les chimiothérapies passent sur la voie centrale le temps indiqué : 10 min, 30 min, 1 h ou 2 h, voire plus, selon les produits et la prescription médicale. Parfois, si le patient tolère moins bien sa chimiothérapie, il est possible soit de diminuer les doses, surtout si celui-ci a perdu du poids au cours des traitements, ou bien d’augmenter la durée d’administration pour laisser à l’organisme plus de temps d’assimilation.
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Chimiothérapie : Effets secondaires, conseils et solutions
Les chimiothérapies sont très connues pour leurs nombreux effets secondaires. Il est vrai que même si elles permettent de détruire les cellules anormales, elles détruisent aussi sur leurs passages les cellules saines, d’où de nombreux effets secondaires. Certains effets secondaires sont présents très rapidement, notamment :
- la perte des cheveux (l’alopécie) : ce sont des cellules à reproduction rapide et donc leur cycle de vie est plus court, ce qui explique que les personnes perdent leurs cheveux avant de perdre leurs poils ou encore leurs cils car leur durée de vie est beaucoup plus longue que celle d’un cheveu ;
- les troubles digestifs : les nausées voire parfois les vomissements peuvent apparaître au bout de deux, voire trois jours, pour les effets indésirables les plus rapides.
Des effets spécifiques
Certains produits ont des effets spécifiques. L’oxaliplatine peut ainsi provoquer un spasme de type laryngé avec une modification de la voix. Il est donc fortement recommandé pour les patients concernés de ne jamais boire très froid car le liquide glacé ou très froid pourrait majorer cette sensation.
D’autres comme les cyclophosphamides, que l’on retrouve dans les chimiothérapies type FEC 100 ou EC utilisées dans le traitement des cancers du sein ou gynécologiques, peuvent faire l’effet d’un gaz moutarde. Il est donc possible que le patient ait une sensation de « nez qui pique » ou une forte envie d’éternuer.
En dehors de ces cas très isolés, les effets secondaires sont rarement instantanés ou bien il s’agit une intolérance à un produit ou une allergie type choc anaphylactique. Pour minorer tout type de douleurs et de réactions, les patients reçoivent en prémédication des corticoïdes à prendre le matin de leur chimiothérapie.
L’alopécie : conseils et solutions
Comme mentionné précédemment, l’alopécie est un des effets secondaires les plus fréquents. En effet si le patient a une chimiothérapie type FEC 100 ou EC, la perte des cheveux se fera une quinzaine de jours après. Afin de ralentir au maximum la chute, il est proposé aux patients des casques réfrigérés afin de geler la racine des cheveux au moment du passage du produit. La chimiothérapie se diffusant dans toute la circulation sanguine, le fait de refroidir certaines zones permet d’y diminuer cette circulation et donc de diminuer le passage de la chimiothérapie à cet endroit, le temps du traitement.
La perte des cheveux s’accompagne de certains changements physiques plus ou moins difficiles à vivre pour les patients : le cuir chevelu devient très sensible et la perte de cheveux peut devenir fortement désagréable. Pour cela, le mieux est souvent d’anticiper avec une coupe de cheveux courte en amont, notamment pour les femmes. Le changement physique est alors moins brutal et elles se sentent plus accompagnées à chaque étape. Il existe des salons de coiffure spécifiques pour trouver une coupe de cheveux adaptée avant de raser complètement les cheveux. Parfois cette étape est précieuse et les coiffeuses spécialisées dans ce domaine peuvent également aider les patientes à choisir une prothèse capillaire (perruques). Pour celles qui ne souhaitent pas de prothèses capillaires il existe aussi beaucoup d’accessoires, des turbans ou des foulards.
Pour le cuir chevelu qui peut rester très sensible et irrité pendant plusieurs semaines, les huiles hydratantes soulagent et l’huile de ricin en parapharmacie ou pharmacie peut aider à la repousse des cheveux, poils et ongles. Des marques spécifiques ont été créées pour accompagner toutes ces patientes comme une gamme de produits chez La Roche-Posay ou les salons de coiffure et perruques Any d’Avray.
Une autre classe de chimiothérapies, notamment les taxanes, peut abimer les ongles des mains et des pieds et créer des neuropathies. En hôpital de jour, il sera proposé des moufles réfrigérés et des chaussettes réfrigérées au même titre que le casque. Pour aider à soigner ses ongles il est proposé aux patients d’acheter du vernis au silicium à appliquer en amont des traitements et de privilégier des couleurs assez foncées, les plus opaques possibles pour protéger des UV.
Nausées et vomissements : traitements, compléments alimentaires…
Il a été constaté que les femmes ayant eu beaucoup de nausées pendant leur grossesse sont assez malades pendant la chimiothérapie et réciproquement. Il existe des traitements qui permettent d’améliorer grandement le confort et le vécu des patients car cet effet secondaire peut persister pendant plusieurs jours à la maison.
Il ne faut surtout pas arrêter de s’alimenter, bien au contraire, car la prise d’aliments même en petite quantité soulage l’estomac. L’idée est de faire des petites collations et de privilégier les rnacuponctureepas froids car parfois les odeurs des plats chauds peuvent réactiver des nausées. Boire du Coca-Cola frais, si c’est possible, aide à faire passer les nausées.
Lorsque la perte de poids est importante, il peut être prescrit par les diététiciens des compléments alimentaires. Le but est de boire ou de manger ces collations hyper protéinées et hyper caloriques en plus des repas, au moment des collations de fin de matinée ou de goûter et en aucun cas à la place des repas.
Les chimiothérapies peuvent aussi modifier le goût et certains aliments peuvent paraître écoeurants même si la personne en raffolait auparavant. Rien n’est interdit à part le pamplemousse car cet aliment interagit avec certains traitements. L’important est aussi de garder des nourritures qui font plaisir, surtout si l’alimentation est difficile à cette étape.
L’acupuncture peut s’avérer très efficace notamment pour lutter contre les nausées. Une séance est prodiguée avant la chimio, puis le lendemain du traitement. Certains patients ont trouvé une aide précieuse pour lutter contre les nausées grâce à cette alternative.
Malheureusement, les chimiothérapies peuvent également provoquer des mucites (irritations des muqueuses) et celles-ci peuvent rendre l’alimentation douloureuse, voire impossible. Pour éviter ces mucites et les douleurs, un bain de bouche au bicarbonate est très utile après chaque repas.
La plupart des patients se plaindront aussi de fatigue chronique pendant mais aussi après les chimios et pendant plusieurs mois. La fatigue entraînant la fatigue, il est impératif de bouger et de continuer une activité physique adaptée pour diminuer cette sensation d’épuisement quotidien.
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Conclusion
La chimiothérapie est une étape primordiale du traitement mais c’est certainement la plus marquante pour les patients parce que c’est la plus longue, la plus fatigante et la plus difficile. Le quotidien est à réorganiser, les projets de vie, le travail, la vie de famille… Beaucoup de patients ont trouvé une entraide précieuse au sein des services d’hôpital de jour ou chacun relate et partage ses expériences, ses conseils etc. Beaucoup d’associations existent pour faire face et aider chaque personne à affronter son quotidien en plus de toute l’équipe pluridisciplinaire de l’hôpital.
Alors certes, la chimiothérapie effraie encore mais c’est aussi un symbole de guérison. La vie doit continuer tout comme les projets de vacances et de voyages, même en cours de traitement. D’après les chiffres de santé publique France, 88 % des patientes souffrant d’un cancer du sein sont en vie cinq ans après le diagnostic : une belle promesse pour l’avenir et la recherche !
Anaïs Caillaud Michel, infirmière
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