Selon les chiffres de l’assurance maladie de 2012, la part de patients porteurs d’ulcères de jambe représente 66 % de l’ensemble des plaies chroniques pour un nombre total de 440 634 patients. A cela s’ajoute le coût global de la prise en charge des soins pour les ulcères et escarres à domicile estimé à 965 millions d’euros pour la seule année 2011, chiffre ne prenant pas en compte les coûts liés aux hospitalisations (1).
L’ulcère de jambe se définit comme une perte de substance cutanée chronique intéressant l’épiderme, le derme et éventuellement l’hypoderme, plus ou moins étendue et siégeant principalement sur le tiers inférieur de la jambe (2). Cette perte de substance est le plus souvent de nature vasculaire : veineuse, artérielle ou microcirculatoire. Elle peut être déclenchée par un traumatisme local. Cet article traite des ulcères majoritairement représentés en France (veineux, artériels, mixtes et angiodermites nécrotiques).
La physiopathologie et les causes de l’ulcère
- Les ulcères veineux sont la conséquence d’une insuffisance veineuse superficielle, profonde et/ou post-phlébitique. Une hyperpression par stase veineuse se crée par un mécanisme de reflux ou de dévalvulation et bloque les échanges entre les vaisseaux conduisant à une ischémie progressive (voir schéma A ci-contre).
- Les ulcères artériels sont le plus souvent liés à une macro-artériopathie oblitérante chronique des membres inférieurs. Il en résulte une ischémie tissulaire (2).
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Les ulcères mixtes sont des plaies avec une composante veineuse et artérielle, nécessitant un bilan étiologique précis pour ajuster le traitement. Il peut exister une prédominance d’une pathologie par rapport à l’autre (voir schéma B ci-contre).
- L’angiodermite nécrotique est une lésion liée à l’oblitération des artérioles sous cutanées, le plus souvent au cours d’une poussée hypertensive et/ou d’un diabète mal équilibré. L’aggravation peut être rapide, notamment après les gestes de détersion (phénomène pathogénique).
La sémiologie des principaux ulcères de jambe
Ulcères de jambe : l’interrogatoire, premier outil diagnostic
Avant de mettre en place le traitement de l’ulcère, il convient d’en effectuer le diagnostic étiologique.
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Le professionnel de santé questionne et recueille les antécédents médicaux/chirurgicaux ainsi que les traitements passés et actuels (médicamenteux, dispositifs médicaux…).
La connaissance du mode de vie et de l’autonomie du patient permet d’obtenir une vision globale du patient. Elle favorise l’adhésion au projet de soin individualisé et la compliance du patient. Cet interrogatoire doit questionner :
- la marche : quel périmètre et sur quelle durée ? Existe t- il un blocage de cheville ? Y a-t-il une claudication, des crampes ?
- le chaussage : quel type ? Favorise t’il le déroulé articulaire ? Existe-t-il un conflit avec la lésion ? Est-il adapté à la compression ?
- la compression veineuse : oui ou non ? Quel type ? Sur quelle indication ? Depuis quand ? Quelle tolérance et quelle acceptation ?
- la douleur : présence ? Quel type ? Quelle intensité ? Quelle fréquence ? Quelle localisation ? Quelle est la stratégie antalgique mise en place et son efficacité ?
Le statut nutritionnel doit être évalué afin de diagnostiquer et de traiter une éventuelle dénutrition. La mesure de la perte du poids (poids de forme/poids actuel) et le bilan biologique nutritionnel (albumine, pré-albumine et CRP) permettent d’effectuer le diagnostic objectif de dénutrition (Voir tableau ci-dessous).
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La recherche d’un diabète associé doit être effectuée. L’interrogatoire permet aussi d’évaluer l’histoire de la plaie (contexte d’apparition, ancienneté, évolution…).
Critères diagnostiques de dénutrition
Le diagnostic de dénutrition repose sur la présence d’un ou de plusieurs des critères ci-dessous.
L’examen clinique, indispensable au diagnostic et associé aux examens complémentaires
Secondairement, le professionnel de santé effectue un examen clinique du patient. L’observation s’axe sur la globalité du patient, allant de sa physionomie, de ses deux jambes, puis se concentre sur la peau périlésionnelle et enfin la plaie. L’objectif est de repérer les signes cliniques qui aideront à faire le diagnostic étiologique (voir tableau de la sémiologie des principaux ulcères de jambe).
Afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic, des examens complémentaires peuvent être réalisés sur prescription médicale.
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L’ulcère artériel
Lorsqu’un professionnel est confronté à la prise en charge d’un patient porteur d’ulcère de jambe, le diagnostic différentiel d’artériopathie doit être évoqué. En cas de signes cliniques évocateurs d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou d’absence de cicatrisation de l’ulcère de jambe, l’examen de référence de première intention est le doppler artériel.
Le doppler artériel est motivé et ne devient pertinent que s’il existe des signes cliniques évocateurs d’une atteinte artérielle. L’ulcère artériel est décrit dans la classification de Leriche et Fontaine comme stade IV, soit le stade le plus grave (3). En cas de diagnostic d’une pathologie artérielle, le doppler artériel permet d’orienter le patient vers un chirurgien vasculaire. Ce dernier effectuera un diagnostic plus poussé et évaluera les possibilités de revascularisation du patient.
Des examens complémentaires peuvent être réalisés dans l’objectif d’ajuster l’attitude thérapeutique (angioscanner, IRM, artériographie), ainsi que de préciser le siège et l’étendue des lésions artérielles (3).
Cette chirurgie s’associe à une prise en charge des facteurs de risque et une modification des règles hygiéno-diététiques : arrêt du tabac, exercice physique quotidien modéré, réduction de la surcharge pondérale, équilibration du diabète, correction d’une dyslipidémie et d’une hypertension artérielle (4).
Cependant la notion de bénéfice/risque du geste de revascularisation peut conduire dans certains cas vers la poursuite des soins en cicatrisation dirigée.
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L’ulcère veineux
En l’absence de pathologie artérielle et en présence d’insuffisance veineuse chronique, l’ulcère est dit veineux. Le traitement de référence est la mise en place et le maintien d’une compression veineuse supérieure à 36 mmHg (voir tableau indications à la compression veineuse médicale).
Le choix du type de compression doit être réfléchi avec le patient et ses soignants de proximité. Il est motivé par la physionomie du patient, son acceptation, la fréquence de réfection du pansement et son épaisseur. Le soignant doit être formé à la pose du dispositif compressif car les techniques de pose peuvent différer d’une bande à l’autre. Les notices permettent d’accompagner les soignants de même que la formation continue professionnelle.
Le rôle éducatif du soignant est primordial afin de garantir la bonne observance du patient vis-à-vis de sa compression veineuse. Afin d’optimiser la gestion des œdèmes veineux, les patients doivent mettre en place des temps de repos en posture jambes surélevées. La reprise de la marche est à préconiser et la mise en place de kinésithérapie (à la marche, du déroulé du pas) peut être bénéfique pour réactiver le travail de la pompe musculaire, d’où l’importance d’évaluer le chaussage du patient.
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La lymphothérapie (cure) et les chirurgies veineuses (sclérose, laser, phlébotomie, technique endoveineuse, stripping…) peuvent aussi être envisagées dans certains cas. Le doppler veineux permet d’objectiver le mécanisme, la localisation des reflux et le niveau anatomique de l’insuffisance veineuse. La chronicité de la pathologie veineuse entraîne un risque majeur de récidive d’ulcère. A cicatrisation complète, la compression veineuse peut être modifiée mais doit être poursuivie par maintien d’une compression de 20 à 36 mmHg, avec un bas antioedème de classe 2 par exemple (voir tableau indications à la compression veineuse médicale).
Indications à la compression veineuse médicale
L’ulcère mixte
Lorsqu’un patient présente une insuffisance veineuse chronique ou des signes cliniques associés (voir tableau de la sémiologie des principaux ulcères de jambe) ainsi qu’une artériopathie, l’ulcère de jambe est dit mixte. On parle quelques fois de prédominance d’une pathologie par rapport à l’autre, lorsque les conséquences de la pathologie principale sont plus importantes que celles de la seconde.
Devant un ulcère mixte de jambe, il faut pouvoir déterminer la gravité de l’artériopathie afin d’évaluer s’il est possible ou non de mettre en place une compression veineuse. La mesure de l’index de pression systolique intervient comme un examen diagnostic du degré de l’artériopathie. Réalisée par un professionnel formé, elle permet d’orienter le traitement vers le choix du type de compression veineuse (voir tableau l’IPS ou index de pression systolique, outil d’aide au choix de la thérapeutique).
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L’IPS ou index de pression systolique, outil d’aide au choix de la thérapeutique
L’angiodermite nécrotique
Le diagnostic d’angiodermite nécrotique s’effectue par recherche des signes cliniques généraux et locaux (voir tableau de la sémiologie des principaux ulcères de jambe). L’aggravation et l’agrandissement rapide de la plaie en quelques jours sont des éléments évoquant le diagnostic d’angiodermite. Son diagnostic est avant tout clinique, il peut être confirmé par biopsie cutanée. Le traitement de référence de l’angiodermite nécrotique est la greffe cutanée (en pastilles, filet, peau mince…) effectuée sur une plaie si possible détergée (5). Il repose aussi sur une stratégie antalgique efficace, une gestion de l’hypertension artérielle et la mise en place d’une compression veineuse adaptée.
Outre ces quatre grandes catégories d’ulcères (veineux, mixte, artériel et angiodermite) il existe d’autres causes d’ulcères plus rares tels que la calciphylaxie, le pyoderma gangrenosum, les ulcères néoplasiques, les vascularites…
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Ulcères de jambe : le soin local
Le traitement d’un ulcère de jambe ne devrait jamais se résumer au choix du dispositif pansement. Il faut effectuer un diagnostic étiologique précis afin de mettre en place le traitement adapté.
En association à la prise en charge étiologique de ces différents ulcères, il convient bien sûr d’effectuer des soins locaux adaptés au stade de la plaie (nécrose, fibrine, bourgeons, épidermisation) en respectant le principe du milieu humide (6). Le choix du pansement s’effectue en fonction de l’objectif de soin (détersion de la fibrine, favoriser le tissu de bourgeonnement…) et de la quantité d’exsudats.
Seule la plaie de stade IV distal d’artériopathie (ulcère du pied chez un patient artériopathe) ne doit pas être prise en charge selon le principe du milieu humide et nécessite une attitude thérapeutique conservatrice. L’objectif du soin est d’assécher les lésions afin de limiter le risque de gangrène humide et d’amputation. L’assèchement peut être obtenu par la mise en place d’un pansement au charbon, l’application de fluorescéine ou de flammacerium. Toute détersion mécanique est contre-indiquée.
En conclusion, les soignants doivent savoir reconnaitre le type d’ulcère pour adapter la prise en soin. Le bilan étiologique guide celle-ci en associant les soins locaux à la prise en charge plus globale. En cas de difficultés de prise en charge, les professionnels de santé peuvent avoir recours à un centre expert plaie. Enfin, la formation professionnelle continue est un outil permettant d’optimiser la prise en soin par le développement de compétences soignantes au service de nos patients.
Lomig Le Bihan et Amélie Chopin Infirmiers DU Plaies et Cicatrisation,
équipe Plaie, télémédecine plaies chroniques ;
Dr. Durufle et Dr. Robineau, médecine physique et de réadaptation ;
Pôle Saint Hélier à Rennes.
Cet article est paru dans le n°33 d’ActuSoins Magazine (juin – juillet – août 2019).
Il est à présent en accès libre.
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Sources bibliographiques
1 : Améliorer la prise en charge des plaies chroniques, 18 mars 2015, l’Assurance Maladie, www.ameli.fr
2 : Les ulcères de jambe, Société Française et Francophone des Plaies et Cicatrisations, www.sffpc.org/ulcères
3 : Quels sont les principaux examens d’exploration de l’artérite (AOMI), société de Chirurgie Vasculaire et Endovasculaire de Langue Française, www.vasculaire.com
4 : Prise en charge de l’artériopathie chronique oblitérante athéroscléreuse des membres inférieurs, Recommandations pour la pratique clinique, 2006, www.has-sante.fr
5 : Les greffes cutanées, Professeurs Marc Revol et Jean-Marie Servant, www.cicatrisation/info
6 : Cicatrisation : Innovation et perspective, Thierry Le Guyadec, www.cicatrisation/info
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