Selon l’OMS, la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle, désagréable, associée à une lésion tissulaire, réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes. Il s’agit d’une perception subjective et individuelle et son évaluation se base sur les propos du patient (échelle d’autoévaluation telle que l’Échelle numérique, l’Échelle visuelle analogique…).
Toutefois, ces outils sont complètement inadaptés pour le « patient âgé non communicant » qui se définit par l’impossibilité d’établir une relation et de transmettre une information avec autrui. Ces troubles de la communication verbale sont un obstacle majeur à l’évaluation de la douleur chez les personnes atteintes de démences sévères ou très sévères qui se caractérisent par une détérioration cognitive acquise, chronique et progressive impliquant l’intellect, la mémoire, le langage, les fonctions visio-perceptives et visio-constructives, l’affect et la personnalité.
De plus, la sensibilité à la douleur aiguë diminue avec l’âge mais parallèlement, la douleur chronique s’accroît (arthrose, douleurs cancéreuses, liées aux AVC neuropathiques…). Face à la douleur, l’efficacité du traitement dépend de la qualité de l’évaluation qui doit être systématique afin de la dépister. Dans ce contexte, des moyens d’évaluation indirecte tels que l’observation de comportements (expression faciale, mouvements des membres) constituent les bases des échelles d’hétéro-évaluation.
Les échelles d’hétéro-évaluation de la douleur
Elles sont basées sur le principe de l’observation par une tierce personne (le soignant) des manifestations comportementales, seuls indicateurs de la douleur.
L’Echelle Comportementale d’évaluation de la douleur pour la personne agée ou ECPA
Créée en 2007, elle comprend 8 items avec 5 modalités de réponses cotés de 0 à 4 et s’articule autour de la douleur lors des soins. Sa compréhension est facile et est indépendante d’une connaissance préalable du patient.
Elle peut être adaptée dans le contexte de l’urgence mais son utilisation ciblée autour du soin, le nombre d’items à cocher et l’absence de seuil établi significatif de douleur la rendent parfois difficile à utiliser dans ce contexte. Le score varie donc de 0 (absence de douleur) à 32 (douleur absolue).
Echelle Comportementale pour Personnes Agées (ECPA) |
||
Avant les soins |
||
L’expression du visage, |
Visage détendu | 0 |
Visage soucieux | 1 | |
Le sujet grimace de temps en temps | 2 | |
Regard effrayé et/ou visage crispé | 3 | |
Expression complètement figée | 4 | |
POSITION SPONTANÉE |
Aucune position antalgique | 0 |
Le sujet évite une position | 1 | |
Le sujet choisit une position antalgique | 2 | |
Le sujet recherche sans succès une position antalgique | 3 | |
Le sujet reste immobile comme cloué par la douleur | 4 | |
MOUVEMENTS |
Le sujet bouge ou ne bouge pas comme d’habitude* | 0 |
Le sujet bouge comme d’habitude mais évite certains mouvements* | 1 | |
Lenteur, rareté des mouvements contrairement à son habitude* | 2 | |
Immobilité contrairement à son habitude* | 3 | |
Absence de mouvement ** ou forte agitation contrairement à son habitude* | 4 | |
SCORE | /16 | |
*Se référer au(x) jour(s) précédent (s) |
||
Observation pendant les soins |
||
Anticipation |
Le sujet ne montre pas d’anxiété |
0 |
Angoisse du regard, impression de peur |
1 | |
Sujet agité |
2 | |
Sujet agressif | 3 | |
Cris, soupirs, gémissements | 4 | |
Réactions pendant la mobilisation |
Le sujet se laisse mobiliser ou se mobilise sans y accorder une attention particulière | 0 |
Le sujet a un regard attentif et semble craindre la mobilisation et les soins |
1 | |
Le sujet retient de la main ou guide les gestes lors de la mobilisation ou des soins | 2 | |
Le sujet adopte une position antalgique lors de mobilisation ou des soins |
3 | |
Le sujet s’oppose à la mobilisation ou aux soins |
4 | |
Réactions pendant les soins des zones douloureuses |
Aucune réaction pendant les soins | 0 |
Réaction pendant les soins, sans plus |
1 | |
Réaction au toucher des zones douloureuses | 2 | |
Réaction à l’effleurement des zones douloureuses | 3 | |
PLAINTES exprimées PENDANT le soin |
Le sujet ne se plaint pas | 0 |
Le sujet se plaint si le soignant s’adresse à lui |
1 | |
Le sujet se plaint dès la présence du soignant | 2 | |
Le sujet gémit ou pleure silencieusement de façon spontanée | 3 | |
Le sujet crie ou se plaint violemment de façon spontanée |
4 | |
SCORE | /16 | |
SCORE | /32 |
L’échelle Doloplus 2
Validée depuis 2001, elle comporte 10 items (cotés de 0 à 3) repartis en 3 dimensions :
- retentissement somatique (plainte somatique, position antalgique, mimique) ;
- retentissement psychomoteur (toilette, habillage, mouvements) ;
- retentissement psychosocial (communication, vie sociale et troubles du comportement).
Le score varie entre 0 et 30, un score ≥ à 5 témoigne d’une expérience douloureuse, un score égal à 30 d’une douleur intense. Son utilisation requiert un apprentissage et une cotation idéalement réalisée en équipe pluridisciplinaire. Elle nécessite une connaissance des comportements de base du patient et ne cote pas la douleur aiguë, ce qui la rend inadaptée au contexte de l’urgence ou au cours d’hospitalisation de courte durée.
Echelle Doloplus 2 |
|||||
Retentissement somatique | |||||
1. Plaintes somatiques |
pas de plainte |
0 | 0 | 0 | 0 |
plaintes uniquement à la sollicitation | 1 | 1 | 1 | 1 | |
plaintes spontanées occasionnelles |
2 | 2 | 2 | 2 | |
plaintes spontanées continues |
3 | 3 | 3 | 3 | |
2. Positions antalgiques au repos |
pas de position antalgique |
0 | 0 | 0 | 0 |
le sujet évite certaines positions de façon occasionnelle |
1 | 1 | 1 | 1 | |
position antalgique permanente et efficace |
2 | 2 | 2 | 2 | |
position antalgique permanente et inefficace |
3 | 3 | 3 | 3 | |
3. Protection de zones douloureuses |
pas de protection |
0 | 0 | 0 | 0 |
protection à la sollicitation n’empêchant pas la poursuite de l’examen ou des soins |
1 | 1 | 1 | 1 | |
protection à la sollicitation empêchant tout examen ou soins |
2 | 2 | 2 | 2 | |
protection au repos, en l’absence de toute sollicitation |
3 | 3 | 3 | 3 | |
4. Mimique |
mimique habituelle |
0 | 0 | 0 | 0 |
mimique semblant exprimer la douleur à la sollicitation1 |
1 | 1 | 1 | 1 | |
mimique semblant exprimer la douleur en l’absence de toute sollicitation |
2 | 2 | 2 | 2 | |
mimique inexpressive en permanence et de manière inhabituelle (atone, figée, regard vide |
3 | 3 | 3 | 3 | |
5. Sommeil |
sommeil habituel |
0 | 0 | 0 | 0 |
difficultés d’endormissement |
1 | 1 | 1 | 1 | |
réveils fréquents (agitation motrice) |
2 | 2 | 2 | 2 | |
insomnie avec retentissement sur les phases d’éveil |
3 | 3 | 3 | 3 | |
Retentissement psychomoteur | |||||
6. Toilette et/ou habillage |
possibilités habituelles inchangées |
0 | 0 | 0 | 0 |
possibilités habituelles peu diminuées (précautionneux mais complet) |
1 | 1 | 1 | 1 | |
possibilités habituelles très diminuées, toilette et/ou habillage étant difficiles et partiels |
2 | 2 | 2 | 2 | |
toilette et/ou habillage impossibles, le malade exprimant son opposition à toute tentative |
3 | 3 | 3 | 3 | |
7. Mouvements |
possibilités habituelles inchangées |
0 | 0 | 0 | 0 |
possibilités habituelles actives limitées (le malade évite certains mouvements, diminue son périmètre de marche) |
1 | 1 | 1 | 1 | |
possibilités habituelles actives et passives limitées (même aidé, le malade diminue ses mouvements) |
2 | 2 | 2 | 2 | |
mouvement impossible, toute mobilisation entraînant une opposition |
3 | 3 | 3 | 3 | |
Retentissement psychomoteur | |||||
8. Communication |
inchangée |
0 | 0 | 0 | 0 |
intensifiée (la personne attire l’attention de manière inhabituelle) |
1 | 1 | 1 | 1 | |
diminuée (la personne s’isole) |
2 | 2 | 2 | 2 | |
absence ou refus de toute communication |
3 | 3 | 3 | 3 | |
9. Vie sociale |
participation habituelle aux différentes activités (repas, animations, ateliers thérapeutiques,…) |
0 | 0 | 0 | 0 |
participation aux différentes activités uniquement à la sollicitation |
1 | 1 | 1 | 1 | |
refus partiel de participation aux différentes activités |
2 | 2 | 2 | 2 | |
refus de toute vie sociale |
3 | 3 | 3 | 3 | |
10. Troubles du comportement |
comportement habituel |
0 | 0 | 0 | 0 |
troubles du comportement à la sollicitation et itératif |
1 | 1 | 1 | 1 | |
troubles du comportement à la sollicitation permanent |
2 | 2 | 2 | 2 | |
troubles du comportement permanent (en dehors de toute sollicitation) |
3 | 3 | 3 | 3 | |
SCORE |
L’échelle Algoplus
Développée en 2007, elle est d’une simplicité accrue. Elle permet de dépister et d’évaluer la douleur aiguë dans le cadre de pathologies douloureuses aiguës (fractures, ischémie), d’accès douloureux transitoires (douleur carcinologique), de douleurs provoquées par les soins (soins d’escarres) ou d’actes médicaux diagnostiques.
Elle repose sur 5 items comportementaux. Chaque item appelle une réponse par oui (cotée 1 point) ou non. Un score ≥ à 2/5 évoque un contexte douloureux important et nécessite une thérapeutique.
Echelle Algoplus |
||
Date d’évaluation de la douleur ….. /….. /….. |
||
Heure |
……h….. |
……h….. |
OUI |
NON |
|
1. Visage |
||
Froncement des sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées, visage figé. |
||
2. Regard |
||
Regard inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs, yeux fermés. |
||
3. Plaintes |
||
« Aie », « Ouille », « J’ai mal », gémissements, cris. |
||
4. Corps |
||
Retrait ou protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées. |
||
5. Comportements |
||
Agitation ou agressivité, agrippement. |
||
Total OUI |
/5 |
Quelque soit l’échelle utilisée, elle doit s’adapter aux impératifs de fonctionnement du service et nécessite une formation de l’équipe soignante. De cette évaluation dépend l’application de protocoles thérapeutiques médicamenteux, élaborés par l’ensemble du service pour une prise en charge de qualité.
Toute thérapeutique antalgique engagée doit être systématiquement et régulièrement réévaluée, tracée dans le dossier de soins et faire l’objet d’un suivi.
Ces outils constituent un socle de discussion en équipe pluridisciplinaire autour de la suspicion ou de l’existence d’une douleur. Elles permettent une comparaison, voire la confrontation des observations d’un même patient, mais aussi la surveillance de l’évolution de la douleur sous traitement, voire sa réadaptation.
Prise en charge thérapeutique
Les objectifs sont :
- la reconnaissance et l’évaluation du phénomène douloureux ;
- la mise en place d’un traitement adapté à son intensité et à la pathologie ;
- la réévaluation systématique et régulière permettant d’apprécier l’efficacité du traitement mis en place.
D’un point de vue médicamenteux
Principes de base :
- respecter les paliers de l’OMS ;
- débuter par de faibles doses ;
- favoriser les médicaments à demi-vie courte ;
- rechercher les effets secondaires.
D’un point de vue non médicamenteux
Si la douleur peut se traiter, elle doit être prévenue particulièrement lors des manipulations (installation, transfert au fauteuil), des soins de nursing (toilettes, habillage) ou de soins (pansement, escarre). Un schéma des zones douloureuses peut être réalisé et affiché dans toutes les chambres.
L’aspect psychologique et les effets bénéfiques d’une relation soignant-soigné de confiance ne doivent pas être négligé. Une relation de qualité (empathie, information, explication) contribue à l’apaisement du patient et à une meilleure adhésion de celui-ci à la prise en charge.
Médicament |
Indiqué |
Contre-indiqué |
Palier I |
Paracétamol |
Aspirine et AINS Acupan® |
Palier II |
Tramadol® |
|
Pallier III |
Morphine et dérivés |
PCA |
Autres alternatives |
• Méopa |
Évaluer la douleur permet
- une mobilisation médico-soignante accrue ;
- une diminution de la subjectivité de chaque professionnel ;
- une meilleure appréciation de l’intensité douloureuse ;
- une mise en place de traitements adaptés ;
- une réévaluation de l’efficacité des traitements.
Tout changement de comportement spontané ou pendant un soin doit faire évoquer la possibilité d’un état douloureux et doit être évalué.
Laurence Piquard, Infirmière anesthésiste
Cet article est initialement paru dans le n°24 (avril 2017) d’ ActuSoins Magazine.
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L observation du patient est capitale. La douleur ne se verbalise pas forcement elle s exprime de differentes façons comme chez les enfants…
Nadège Camp
Mon sujet de mémoire !
FLACC
Il y a toutes sortes “d’échelles” qui existent comme pour les bébés !!!
Adeline Chaply