Infirmiers en pratique avancée : l’accès direct pour bientôt… mais pas pour demain

Infirmiers en pratique avancée : l’accès direct pour bientôt… mais pas pour demain

L’examen de la loi Rist, qui prévoit notamment l’accès direct pour les IPA, vient de commencer cette semaine à l’Assemblée nationale. Attendue de longue date par la profession, cette réforme pourrait cependant tarder à se matérialiser.
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Pour les Infirmiers en pratique avancée (IPA) libéraux, la question de l’accès direct, c’est-à-dire de la possibilité de recevoir des patients qui ne leur ont pas au préalable été adressés par un médecin, est plus qu’une simple revendication : c’est une question de survie.

Le verrou que constitue le passage obligatoire par un cabinet médical avant de démarrer tout suivi IPA est en effet de longue date dénoncé comme le principal obstacle au développement de la profession en ville, voire comme l’écueil qui menace de la faire sombrer corps et bien.

Ce verrou est-il sur le point de sauter ? C’est en tout cas ce qu’espère la députée « Renaissance » du Loiret Stéphanie Rist, qui a déposé à l’Assemblée une proposition de loi promettant l’accès direct aux IPA, mais aussi aux kinés et aux orthophonistes. Ce texte prévoit également de permettre au IPA d’initier des traitements, et crée par surcroît la profession d’IPA praticien.

Mais ce n’est pas parce que les parlementaires viennent cette semaine de débuter l’examen du texte qu’il faut s’attendre à un bouleversement de la pratique des IPA libéraux dans les prochaines semaines.

Les complexités de la vie parlementaire sont en effet telles qu’on peut s’attendre à ce que des mois, voire des années, s’écoulent avant la mise en œuvre concrète de ces dispositions.

La preuve ? La primo-prescription et l’accès direct figurent déjà en toutes lettres dans la loi ! Ils ont, certes à titre d’expérimentation, été respectivement votés dans la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2022 et pour 2023. « Or pour la primo-prescription, les trois régions expérimentatrices viennent tout juste d’être désignées, et il reste encore des arbitrages à rendre, donc en plus d’un an, on n’a fait que perdre du temps sur de l’administratif », se désole Laurent Salsac, secrétaire adjoint de l’Union nationale des IPA (Unipa), le syndicat qui représente la profession. Et pendant ce temps-là, on a des IPA libéraux qui gagnent 700 euros par mois, soit sous le seuil de pauvreté. »

Cet IPA libéral installé en Indre-et-Loire salue donc la loi Rist, qui constitue selon lui « une vraie loi santé » destinée à « aller plus vite » et à remplacer les expérimentations initiées dans le cadre des deux dernières LFSS.

Le problème, c’est qu’en matière législative, « aller plus vite » ne signifie pas forcément « aller très vite ». Plusieurs obstacles sérieux se trouvent en effet en travers du chemin de la proposition de loi de Stéphanie Rist.

Le texte a certes déjà franchi la semaine la barrière de l’examen en commission, mais le plus dur est devant lui : première lecture à l’Assemblée nationale, qui doit s’achever le 19 janvier, puis examen au Sénat, d’abord en commission des Affaires sociales puis en séance plénière (examens qui n’ont pour l’instant pas encore été inscrits à l’ordre du jour du palais du Luxembourg).

Le gouvernement a activé la procédure accélérée sur ce texte : les navettes parlementaires s’arrêteront donc ici. Mais ce parcours offre tout de même aux opposants au texte de nombreuses occasions de le de sa substance via l’introduction de multiples amendements (332 amendements déposés lors de l’examen à l’Assemblée).

La bataille des décrets

Mais ce n’est pas tout. Car si la loi parvient au terme de son parcours parlementaire en ayant conservé les avancées qu’il prévoit pour les IPA (ce qui n’a rien d’évident étant donnée l’opposition recueillie par la proposition de loi Rist du côté des syndicats médicaux, qui ne manque pas de trouver un certain écho sur les bancs des deux chambres), l’IPA praticien, l’accès direct et la primo-prescription ne deviendront pas immédiatement une réalité tangible pour autant.

Toute loi comporte son lot de dispositions techniques à définir par décret, et la loi Rist n’est pas avare en la matière. C’est ainsi que la liste des médicaments éligibles à la primo-prescription, mais aussi les compétences et les modalités d’accès à la profession d’IPA praticien, doivent être définies par décret.

Concernant les IPA praticiens, la rédaction des décrets promet d’être d’une complexité particulière, car il s’agit de créer un nouveau métier pour lequel on n’a à ce jour en France aucun précédent sur lequel se fonder, si ce n’est un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) datant de novembre 2021. Ce dernier recommande l’intervention d’IPA praticiens « sur des pathologies courantes identifiées comme bénignes (ex. pathologies concernées par les protocoles de coopération sur les soins non-programmés) en soins primaires et en population générale ».

La base de travail est donc mince, et le ministère de la Santé aura donc du pain sur la planche si la loi Rist passe… Voilà qui, quand on considère le temps que lui prend la rédaction des décrets concernant les expérimentations des LFSS 2022 et 2023, n’incite pas à l’optimisme.

Mais il en faudrait bien plus pour décourager les défenseurs des IPA, qui voient dans la succession des épreuves à venir une raison supplémentaire de continuer à tenter de convaincre.

Laurent Salsac explique ainsi que la seule chose qui changerait avec l’accès direct, ce serait la porte d’entrée. « Cela reste de l’exercice coordonné, il n’y a pas de surprise, on reste toujours en équipe avec un médecin, martèle-t-il. Il n’y a pas de volonté de se substituer, c’est un fantasme. »

« La proposition de loi […] repose sur un triptyque essentiel et efficace : la responsabilité de chacun des acteurs du soin, la coordination entre eux, et la formation pour garantir l’efficacité de la prise en charge », estimaient dans un communiqué commun diffusé le 16 janvier les présidents de l’Ordre infirmier, de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi) et de l’Intersyndicale nationale des syndicats d’internes (Isni).

La présence de cette dernière organisation parmi les signataires du communiqué constitue d’ailleurs probablement l’une des principales notes d’espoir pour les IPA : toute la profession médicale ne semble pas vent debout contre leur montée en charge, et ils ont au moins de leur côté les jeunes praticiens.

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