Soins palliatifs : l’expérimentation des urgences à domicile

Soins palliatifs : l’expérimentation des urgences à domicile

À Paris, une Équipe rapide d’intervention en soins palliatifs (Eri-sp) assure un service d’Urgences à domicile destiné à soulager ou stabiliser l’état de patients qui veulent finir leurs jours chez eux. Lancée fin 2021, l’expérimentation s’est déployée dans quatre départements d’Île-de-France et essaime  dans différentes régions de France.

Soulager, stabiliser un patient en phase terminale, qui souhaite mourir chez lui ou dans son EHPAD. Tel est le principe du service d’urgences palliatives, Pallidom.

Ce dispositif inédit de l’HAD-Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a été créé pour amener les soins palliatifs à domicile et intervenir, en urgence, sur décision collégiale, dans les mêmes conditions qu’à l’hôpital. «  Nous intervenons, avec la même approche pluridisciplinaire qu’une USP, dès qu’un symptôme aigu ou une instabilité apparaît chez un patient », explique Valérie Maire, médecin de l’HAD Pallidom. Auparavant, ce dernier était directement transféré aux Urgences par les urgentistes.*

Binôme médecin-infirmier pour l’entrée

Encombrement, douleur, détresse respiratoire, angoisse majeure, vomissement… « L’objectif est d’aller au plus vite au lit du patient, à un moment où l’état se dégrade, et lui donner un traitement adapté pour le soulager rapidement  », rappelle l’urgentiste.

Les interventions, elles, se déclenchent en premier recours, sur appel d’un SAMU ou d’un DAC (Dispositif d’appui à la coordination) francilien, ou encore d’un des réseaux de soins palliatifs qui maillent le territoire, d’un médecin coordonateur d’EHPAD ou à défaut d’un infirmier coordinateur mais aussi sur sollicitation d’un IDEL, parfois même de la famille ou d’un proche… «  Les équipes territoriales par exemple, s’appuient sur nous pour faire les soins, mettre en place une pompe à morphine, car elles n’ont pas le matériel  », indique le médecin.

Cet appel de régulation médicale est pris par un médecin de Pallidom. «  Il faut creuser à ce moment, pour s’assurer que la volonté du patient est vraiment de rester à la maison », confie le docteur Maire. Et avec un état de fragilité auquel l’hôpital n’apporterait pas de bénéfice. L’entrée du patient dans le dispositif est systématiquement faite par un binôme médecin – infirmier. « Ce n’est pas forcément le cas dans un service hospitalier classique  », note Sonia Aberkane, IDE en HAD Pallidom.

Médecin traitant ou médecin coordinateur d’EHPAD y sont intégrés dans la mesure du possible pour évaluer la situation, organiser les soins dans les heures qui suivent l’appel. Et c’est l’infirmier qui en assure la continuité. Avec plusieurs casquettes. « Nous sommes aussi IDE de coordination des soins, IDE de liaison entre le domicile et les différents intervenants », raconte Sonia Aberkane. « Il faut être très réactif, faire en sorte que les thérapeutiques soient disponibles au domicile, dans l’immédiat.  »

Si la situation a pu être stabilisée – beaucoup de ces patients décédant dans l’intervalle – une équipe de l’HAD territoriale conventionnelle prend le relai. «  En ce moment  des passages sont programmés chaque jour  pour 15 à 20 patients », indique le médecin. La file active peut en compter jusqu’à 40. Sur un territoire plutôt vaste puisqu’il représente la moitié de l’Île de France.

Soins techniques et relationnels

Aux soins techniques s’ajoute beaucoup de relationnel… «  La dimension émotionnelle, humaine, sans laquelle il n’y a pas de relation soignant-soigné, est une part de cette mission », confie l’infirmière. «  En USP on développe un sixième sens ; il permet de repérer des micros changements chez le patient, et de prévenir voire de préparer les familles.  »

Pallidom intervient aussi pour elles. «  La détresse est parfois la leur, car elles peuvent être perdues, débordées, inquiètes, en panique et certaines sont sans accompagnement… », observe aussi, Valérie Maire. « Cela permet de poser les choses, de calmer, parfois changer un projet.  »

La «  constellation  » de professionnels autour du patient s’est enrichie depuis peu de deux aides-soignants. «  Prendre du soin du corps, est très important, c’est aussi prendre soin de l’âme », fait observer Valérie Maire. Aider à la toilette, masser la personne en fin de vie, accompagner la famille, surtout s’il n’y a pas de structure en place, procure de l’apaisement. « La souplesse de notre organisation permet à nos aides-soignants d’adapter ce temps et leur présence.  »

Les retours qu’ils font de leur prise en soin, est un précieux “plus” dans le débriefing interprofessionnel hebdomadaire. «  Ils restent plus longtemps que nous auprès du patient et ils reçoivent des confidences et des informations que nous n’avons pas », confie le médecin. Manque un psychologue dédié au service pour assurer une intervention réactive en cas de besoin.

Le modèle se peaufine

Avec le temps, le dispositif s’enrichit. Un gros travail a été fait, par exemple, dans le département 92 avec le Samu, des HAD, le DAC 92 et EPHAD 92 pour créer des fiches réflexes sur la gestion des symptômes en fin de vie et les thérapeutiques à apporter, en cas de symptômes aigu de phase finale. «  L’idéal serait d’oeuvrer avec les EHPAD où il y a un beau travail à faire dans la prise en charge des premiers symptômes et avec le SAMU, tous les médecins ne connaissant pas obligatoirement Pallidom  », note Valérie Maire.

Une interne aux Urgences passée par ce service,  fait sa thèse sur une fiche de liaison entre SMUR et Pallidom avec tous les critères à récupérer. Pour pallier, le cas échéant, l’absence de support quand une Eri-sp arrive au domicile, après le passage d’un Samu ou des pompiers par exemple. «  Parfois c’est compliqué car on ne sait pas comment était le patient avant, quel traitement il a eu ni comment il était après  », observe Valérie Maire.

L’expérimentation lancée pour douze mois fin 2021, s’est renouvelée jusqu’à aujourd’hui. Le dispositif francilien devrait s’étoffer. «  Le territoire francilien* est très grand comparé aux HAD de secteur et nous ne sommes pas si nombreux », indique Sonia Aberkane.

Pallidom fait en tout cas, des émules et des Eri-SP commencent à se monter un peu partout en France, dans le cadre de l’HAD et en lien avec les ARS qui financent les expérimentations. À Clermont-Ferrand, Strasbourg, Verdun, Narbonne… « Des médecins viennent observer comment ça se passe chez nous pour adapter et créer leur propre modèle d’équipe rapide  », note Valérie Maire.

« Cette mission, accélérée par les leçons de la crise Covid19, était nécessaire, elle correspond à un vrai besoin. » Selon cet ancien médecin d’USP, le message à faire passer serait qu’ « il faut prendre ce temps, dans le moment le plus important où les gens vont mourir. »

Myriem Lahidely

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Info

* Pallidom a été lancé fin 2021, dans deux départements (75 et 92). Il s’est étendu en décembre 2023, aux Hauts-de-Seine et au Val-de-Marne.

 

* L’équipe  :

– 8 médecins au total (à mi-temps) dont 3 de l’HAD-APHP aguerris aux soins palliatifs, pour fonctionner en semaine, à deux médecins par jour, du lundi au vendredi et un médecin, le week-end (de 8h30 à 21h30, puis l’astreinte médicale de l’HAD prend le relai).

– 8 IDE à temps plein et une cadre de santé à temps partiel.

– 2 aides-soignants sont entrés depuis peu dans le dispositif.

 


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