Installation des IPA en libéral : un combat à l’issue incertaine

Nombre d’Infirmiers en pratique avancée (IPA) témoignent de la difficulté qu’ils éprouvent à s’installer en libéral. Certains, lassés, sont même sur le point de jeter l’éponge… ActuSoins donne la parole à ces soignants désabusés.

Installation des IPA en libéral : un combat à l’issue incertaine

© fizkes / ShutterStock

Il y a le discours. Et il y a la réalité. Dans la prose gouvernementale, les IPA libéraux sont sensés apporter une solution supplémentaire à la prise en charge des patients chroniques, dans le contexte de démographie médicale que l’on connaît.

Mais dans la pratique, ces soignants voient bien souvent leur installation entravée par de nombreux obstacles : difficulté à signer des protocoles avec les médecins, modèle économique bancal… rien ne leur est épargné, et nombreux sont ceux qui, la mort dans l’âme, ont dû trouver une seconde activité professionnelle pour compléter les revenus dégagés par leur activité libérale… quand ils n’ont pas tout simplement renoncé à cette dernière.

« Je suis dans une impasse, j’ai envie de faire le métier pour lequel j’ai été formée », se désole ainsi Ingrid Lacaud, IPA libérale installée à Reims. Après son diplôme obtenu l’été dernier, celle-ci a vu les pistes qu’elle avait pour signer des protocoles d’organisation avec des médecins généralistes s’évaporer pour des raisons diverses : changement de région, changement de projet…

Or, pour les IPA libéraux, sans protocole d'organisation, il est impossible de travailler, car ce sont les médecins traitants qui doivent orienter les patients vers eux.

Ingrid a tout de même réussi à s’entendre avec des neurologues hospitaliers et libéraux, ce qui lui permet d’avoir une file active d’environ 35-40 patients. « Mais ce n’est pas ce qui était prévu au départ, et ce n’est absolument pas viable », soupire la Rémoise, qui se voit donc contrainte de continuer son ancien métier d’Idel.

La signature de protocoles d’organisation avec des médecins généralistes n’est cependant pas une panacée. C’est en tout cas ce dont témoigne Clarisse Goux, qui a démarré son activité d’IPA libérale en octobre 2020 à la Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) de l’Île-Rousse en Haute-Corse. « J’ai signé des protocoles avec les deux médecins à plein-temps de la MSP, mais ce qui me fait vivre, c’est ma tournée d’Idel, explique-t-elle. Je continue mon activité d’IPA parce que c’est un métier magnifique, mais si j’y consacrais ne serait-ce que trois jours par semaine, ce ne serait pas viable financièrement. »

En cause, le modèle économique et les fameux forfaits, dénoncés à maintes reprises par les représentants des IPA comme insuffisants. Le résultat est aussi simple que décourageant : Clarisse limite volontairement son activité de pratique avancée.

« Je perdais de l’argent »

Une option que ne peuvent pas choisir ceux des IPA libéraux qui, en échange d’une aide de l’Assurance maladie, ont renoncé à l’activité d’Idel pour se consacrer uniquement à la pratique avancée.

C’est par exemple le cas d’Arthur*, installé en novembre dernier. « J’ai signé des protocoles avec cinq médecins, mais seulement deux d’entre eux m’orientaient réellement des patients, explique-t-il. Au bout de cinq mois, j’avais une file active de moins de 50 personnes, et je perdais de l’argent. » Plutôt que de s’entêter, Florian a donc décidé d’arrêter les frais : il s’apprête à prendre un poste d’IPA salarié pour l’association Asalée.

Sabrina Jonquille, IPA libérale à la MSP Madeleine-Brès d’Orléans, a une histoire similaire. Installée début 2021, elle avait commencé à se constituer une file active d’environ 300 patients.

Mais la démographie médicale a joué contre elle : le médecin avec lequel elle collaborait le plus est parti vers de nouveaux horizons, et deux de ses confrères ont cessé leur activité.

Résultat, la MSP n’a aujourd’hui plus qu’un généraliste deux jours par semaine, ce qui constitue un problème pour tous les praticiens de la structure, mais encore plus pour Sabrina. « Je suis redescendue à 100 personnes, déjà que ce n’était pas viable auparavant, mais là ce n’est plus possible », constate-t-elle.

L’IPA a donc dû se résoudre à prendre un poste de formatrice en Ifsi. « C’est dommage, car il y a un besoin cruel de suivi des patients, commente l’IPA. Mais il faut bien que je sauve ma peau. ».

La grande question est de savoir quelles sont les perspectives d’amélioration qui s’offrent à ces soignants qui ont investi du temps et de l’argent dans une nouvelle formation. Et quand on la leur pose, les réponses ne sont pas encourageantes. « Tout dépend de l’installation de médecins dans la MSP, et nous n’avons pas beaucoup de pistes », constate Sabrina Jonquille. « C’est fonction du modèle économique, et nous n’avons pas la main dessus », ajoute Clarisse Goux.

Seule certitude : il faut qu’il se passe quelque chose. « Sinon, nous allons finir par arrêter les uns après les autres », prédit Ingrid Lacaud.

Adrien Renaud

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