Mise à jour. Depuis la parution de cet article en décembre 2018 :
– une quatrième mention, relative à la psychiatrie et la santé mentale, s’est ouverte pour la pratique avancée infirmière (août 2019).
– Les négociations conventionnelles concernant la rémunération des IPA libérales, ont débuté (juin 2019).
– Un syndicat spécifique aux futurs IPA et étudiants en pratique avancée, l’UNIPA, a déposé ses statuts. (février 2019)
– Les retours d’expériences (en fin d’article) datent aussi de 2018. Depuis, certaines de ces IDE ont obtenu leur diplôme d’IPADE ou sont en cours de formation.
« Qu’avez-vous compris de votre maladie ? Qu’avez-vous compris de votre traitement ? », interroge avec bienveillance Stéphany Castan, infirmière au CHU St Eloi de Montpellier, qui est venue se présenter à une nouvelle patiente atteinte d’un mélanome métastatique, à inclure dans un protocole de parcours de soins. « Pas grand-chose, madame, je l’avoue. Ce que je sais, c’est que j’ai dû arrêter de travailler brutalement alors que le travail c’est ma vie. J’ai peur de mourir, je vois mon corps changer, j’ai mal, j’ai peur… », lui répond la patiente, heureuse d’avoir une présence auprès d’elle.
Stéphany Castan restera finalement près d’une heure dans la chambre. A sa sortie, la patiente la remercie. « Vous m’avez encouragée à me relever, vous m’avez expliqué ce que je n’avais pas compris. Merci. Merci. Merci encore », répète-t-elle, émue.
Pour cet entretien infirmier comme pour les autres qu’elle mène au quotidien, Stéphany Castan a octroyé du temps. Un temps précieux. Privilégié même, lorsque l’on sait que les infirmiers et infirmières sont souvent débordés, condamnés à aller vite, condamnés à favoriser la technique au relationnel.
Ce temps lui a permis, grâce à un recueil de données qu’elle connaît par cœur et grâce à un savoir-faire professionnel, de faire le point sur l’ensemble des besoins – médicaux, sociaux et psychologiques – de la patiente et de lui proposer un début de prise en charge adaptée.
Et si Stéphany Castan a pu prendre ce temps, sans laisser ses collègues sur le carreau, c’est parce que le CHU de Montpellier a créé, grâce à un financement de l’ARS Occitanie, un poste transversal dédié uniquement à son activité.
IPA Infirmier en pratique avancée : Des postes précurseurs
Déjà titulaire d’un master en sciences cliniques infirmières mention cancérologie, cette infirmière coordinatrice de parcours en onco-dermatologie sera infirmière en pratique avancée diplômée d’Etat (IPADE), dès qu’elle aura validé des Unités d’enseignement manquantes, dans le cadre d’une validation des études supérieures (VES).
« Pour l’instant, ma fiche de poste se rapproche au plus de ce que l’on attend des futurs IPA en cancérologie », explique-t-elle. Il y a l’aspect clinique déjà. « Je rencontre les patients, j’effectue une évaluation approfondie de leurs besoins, je m’occupe de l’éducation thérapeutique, j’assure l’évaluation des besoins et les interrogatoires cliniques en consultation, dans les chambres ou par téléphone. En fonction de ces interrogatoires, je délivre les conduites à tenir. Cela peut aller de l’arrêt des traitements parce que les effets indésirables ou la fièvre nécessitent cette interruption, à la mise en relation avec des professionnels de ville. Je travaille en étroite collaboration avec les équipes médicales ».
Il y a l’innovation et le leadership aussi. « Je forme mes collègues et les étudiants et porte des projets avec la cadre de santé, dans le service, comme celui du patient-traceur », ajoute Stéphany Castan. Elle a aussi travaillé avec les médecins, les pharmaciens, la cadre de santé et les infirmières, sur la mise en place d’un protocole pour valider la préparation et la dispensation des immunothérapies la veille de la venue des patients en hospitalisation de jour, ce qui « permet de fluidifier et d’optimiser leur passage », explique une note de l’établissement.
Enfin, il y a la coordination de parcours qu’elle assure entre le département de dermatologie et la ville en fonction des problématiques rencontrées par les patients.
Plus tard, quand elle sera titulaire du diplôme d’État d’Infirmière en pratique avancée, Stéphany Castan pourra aussi prescrire des traitements non soumis aux prescriptions médicales obligatoires, des examens complémentaires et des bilans sanguins. « Aujourd’hui, pour ce genre d’actes, je suis obligée d’aller voir l’interne, de lui faire signer l’ordonnance, de revenir dans mon bureau pour faxer la demande à la pharmacie. Demain, ce ne sera plus le cas », lance-t-elle. Elle pourra enfin renouveler certaines thérapies ciblées per os pour sa file active de patients « stables » désignée par les médecins titulaires du service.
Pour Claudine Seguret, cadre de santé du service, l’expertise de Stéphany Castan représente une aubaine. « On a trouvé la personne qui consolide la prise en charge des patients. Cette infirmière spécialisée permet de faire le lien entre l’équipe soignante, les médecins et les patients, tout en s’appuyant sur la médecine de ville si nécessaire. Elle redistribue ses savoirs aussi. Cela demande beaucoup de qualités et d’humilité », explique-t-elle, insistant sur la mission pédagogique des IPA Infirmier en pratique avancée.
IPA Infirmier en pratique avancée : trois futurs domaines d’intervention
Mais la pratique avancée, plus généralement, c’est quoi exactement ? Cet exercice en santé existe déjà dans de nombreux pays. En France, le choix a été fait de le déployer au sein des équipes, en commençant par la profession infirmière, à partir de l’été 2019, alors que les premiers diplômés sortiront des bancs de la fac.
« Cela représente à la fois la délégation aux infirmiers et infirmières d’un certain nombre de tâches qui étaient habituellement réservées aux médecins et la proposition aux patients d’un supplément de suivi qui est finalement directement hérité de la culture infirmière des soins et des services », résumait ainsi en mai dernier Michel Varroud-Vial, conseiller médical à la DGOS (Direction générale de l’offre de soins), lors d’une conférence de presse à la Paris Healthcare week.
C’est donc une activité innovante, qui allie des connaissances cliniques infirmières approfondies à des compétences médicales. Nul professionnel ne pourra prétendre à ce titre, sans être titulaire du diplôme d’État spécifique d’IPA (voir encadré n°1 sous l’article).
L’activité pourra s’exercer à l’hôpital, ou en ville. Néanmoins, les domaines d’intervention seront différents selon la mention choisie pendant les études de l’IPA Infirmier en pratique avancée : ainsi, deux parcours (oncologie et hémato-oncologie ou maladie rénale chronique, dialyse et transplantation rénale) correspondront plutôt à une activité hospitalière, alors que le troisième (pathologies chroniques stabilisées et polypathologies courantes en soins primaires) s’associera principalement à une activité en ville (voir encadré n°2 ci-dessous).
Rien n’est cependant figé. « Le parcours d’un patient en oncologie et en néphrologie se passe essentiellement autour d’un établissement de santé et c’est à ce niveau que la plus-value de l’IPA va s’exprimer en premier. Néanmoins, on n’exclut pas d’avoir un exercice ambulatoire dans ces domaines même si cela relève d’une pratique marginale. De la même façon, on peut imaginer des IPA spécialistes des pathologies chroniques à l’hôpital, même si la dominante reste en général sur la ville », précisait Cécile Courrèges, directrice de la DGOS, lors de la même conférence.
« Chaque établissement va développer ce qui l’intéresse », explique de son côté Céline Thomas, infirmière de coordination de parcours complexes et neuro-oncologie, ayant des missions de pratique avancée à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (Nantes). Quelle que soit la mention choisie, l’IPA pourra ainsi, selon sa fiche de poste, assurer des missions d’évaluation et de décision – comme la validation de la dispensation des chimiothérapies par exemple – exercer un rôle d’orientation, d’éducation, de prévention et de dépistage ou encore renouveler et adapter des prescriptions médicales.
un exercice en deuxième ligne
« Quoi qu’il arrive, la ligne d’entrée demeure et demeurera le médecin. Le patient ne verra jamais pour une première consultation ou un premier traitement un ou une IPA », explique Florence Ambrosino, co-pilote du Gic-RéPASI, le réseau de la pratique avancée en soins infirmiers.
« Une fois que l’intervention du médecin a permis de stabiliser une situation, il peut confier un patient à un IPA Infirmier en pratique avancée pour la totalité de la prise en charge et du suivi. Cela inclut donc l’examen clinique poussé, le renouvellement de traitements et la prescription d’examens complémentaires, en ville comme à l’hôpital ». L’IPA reviendra vers le médecin lorsque les limites de son champ de compétences seront atteintes ou lorsqu’il repérera une dégradation de l’état de santé d’un patient.
Pour cela, un protocole de collaboration entre le médecin et l’IPA sera mis en place. « Les IPA ne seront pas sous la tutelle des médecins car il n’y aura pas de protocolisation individuelle– contrairement aux protocoles de coopération mis en place par la loi HPST de 2009, ndlr – », explique Michel Varroud-Vial, conseiller médical à la DGOS (Direction générale de l’offre de soins). Ce protocole permet ainsi de définir, en quelque sorte, la façon de travailler en commun.
IPA Infirmier en pratique avancée : responsabilités et prérogatives
« L’IPA sera entièrement responsable de ses actes et de ses décisions, il ne travaillera pas sous délégation, insiste Florence Ambrosino. C’est très engageant, il faut en avoir conscience ». Pour le Gic Répasi, qui représente les infirmiers de pratique avancée, il n’a jamais été question de vouloir aller plus loin dans les responsabilités thérapeutiques, ni de pouvoir suivre des patients en première intention, du moins dans un premier temps.
En revanche, le réseau aurait apprécié voir apparaître la mention « consultation infirmière » dans le décret qui régit les missions de l’IPA. « Seul le terme ‘’entretien ‘’ est mentionné, alors que notre pratique relève vraiment de la consultation, notamment sur le plan clinique », déplore Florence Ambrosino.
Un avis différent est porté par les autres organisations infirmières (représentants aussi bien l’exercice libéral que salarié), qui elles, estiment que le décret du 19 juillet 2018 n’est pas allé assez loin. Elles sont d’ailleurs catégoriques : « les prérogatives promises de l’IPA ont été rognées par le corps médical », remarquaient seize d’entre elles dans un communiqué de presse commun diffusé à la presse quelques jours avant la grande journée de mobilisation infirmière du 20 novembre dernier.
Même son de cloche du côté de l’Ordre National des Infirmiers, qui y voit cependant une avancée. « Même si les textes auraient pu aller plus loin en donnant davantage d’autonomie aux futur(e)s infirmier(e)s en pratique avancée, la création de ce nouveau professionnel de santé constitue une réelle avancée pour la profession, mais surtout pour l’amélioration de l’accès aux soins », analyse Patrick Chamboredon, président de l’ONI (Ordre national des infirmiers).
des enjeux majeurs pour le système de santé…
Il faut dire qu’en termes d’efficience du système de santé, les enjeux sont grands.
La ligne de conduite du ministère, pendant les mois qui ont séparé la création du statut d’IPA Infirmier en pratique avancée (art 119 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016) et la parution des textes d’application au Journal officiel du 19 juillet 2018, a été de travailler sur les compétences, les domaines d’intervention et la formation des futurs IPA. Il fallait en fait choisir tout ceci en fonction des domaines où il y avait des problèmes de santé à résoudre : augmentation des patients atteints de maladies chroniques, vieillissement de la population, virage ambulatoire, démographie médicale inégale selon les territoires…
« Si l’objectif de l’IPA est de libérer du temps médical aux médecins, il est aussi et surtout de répondre à des besoins en accompagnement non couverts actuellement. C’est un nouveau métier, une disruption dans le système de santé », rappelle Florence Ambrosino.
« On est au cœur d’une réforme qui prépare à un système de santé qui doit se réorienter vers le suivi des maladies chroniques et polypathologiques ainsi que des personnes âgées […] On a besoin de revoir, pour cela, l’équilibre des compétences », expliquait de son côté Cécile Courrèges, directrice de la DGOS, lors de la Paris Healthcare week.
Le ministère table sur quelques centaines d’IPA sur le terrain dans un premier temps et espère atteindre les 5000 professionnels formés à l’horizon 2023, dont la moitié au moins exerceraient en ville. La montée en puissance pourrait ensuite se poursuivre. « On écrit le début de l’histoire », ajoutait la directrice de la DGOS. L’optique étant d’ouvrir d’autres mentions et d’envisager également la pratique avancée pour d’autres auxiliaires médicaux comme les masseurs-kinésithérapeutes.
… et pour les infirmiers
Si l’enjeu est de taille pour la prise en charge des patients, il l’est aussi pour les infirmiers. Cela fait d’ailleurs des années que les différentes organisations représentatives, dont l’Ordre National des Infirmiers, réclamaient cette « avancée ».
« Jusqu’à présent, on pouvait trouver dans les services, des infirmières cliniciennes. C’était expérimental et non reconnu. Avec la pratique avancée, on assiste à une mutation sociétale autour de la légitimité. Les IPA seront légitimes, avec un rôle complet et n’auront pas à rendre compte de cela », explique le Pr Somme, responsable de la formation menant au diplôme d’Etat IPA Infirmier en pratique avancée, à l’université de Rennes. « Ce statut va asseoir nos compétences acquises. Il fait bouger les lignes. On reconnaît enfin certains postes d’infirmières qui ont une activité transversale dans les hôpitaux », approuve, à Montpellier, Stéphany Castan.
Côté rémunération, la grille salariale de l’IPA à l’hôpital devrait a priori s’accorder avec le niveau d’études du professionnel : le DE IPA confère un grade master, soit un bac + 5. Ce volet sera plus précisément abordé en 2019 par la DGFP (Direction générale de la fonction publique) et la direction du budget. En libéral (voir encadré n°2, ci-dessous), c’est plus compliqué…
Malika Surbled
Lire aussi : Infirmier en pratique avancée : un tremplin pour la recherche (décembre 2018)
Se former pour devenir IPA infirmier(e) en pratique avancée
Onze universités ont été agréées par Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche pour dispenser la formation menant au Diplôme d’État IPA Infirmier en pratique avancée. Chacune de ces onze universités propose au moins la mention « Pathologies chroniques stabilisées », voulue obligatoire par le ministère. Elles représentent in fine 16 universités réparties sur huit régions, par le jeu des co-accréditations.
D’autres universités rentreront en 2019 dans ce cycle de formation de façon à couvrir l’ensemble du territoire. En 2018, 440 infirmiers se sont inscrits (dont 324 en première année et 116 en deuxième année via la Validation des études supérieures). L’articulation de la formation se fait en alternance (environ une semaine d’enseignement par mois plus des stages). Les frais de formation sont variables d’une université à l’autre et s’élèvent en moyenne autour de 5000 euros l’année. Les infirmiers hospitaliers peuvent demander une prise en charge dans le cadre de la formation continue. Les libéraux, eux, peuvent demander une compensation aux ARS, qui ont la possibilité de soutenir les professionnels grâce au fonds d’intervention régional (FIR), à hauteur de 10 600 euros. L’accès à la formation se fait sur dossier. Pour exercer en tant qu’IPA, trois années d’expérience professionnelle sont nécessaires (pour en savoir plus à ce sujet, nous vous invitons à lire notre article relatif à la question de l’expérience professionnelle pour un accès à la formation et à la fonction d’IPA).
Quid de ceux et celles qui ont déjà un master en sciences cliniques infirmières à l’université d’Aix-Marseille ou en sciences cliniques en soins paramédicaux à celle de Saint-Quentin-en-Yvelines ? Plus de 400 infirmiers ont été formés depuis 2009. Beaucoup ont demandé, via une VES, à valider seulement quelques Unités d’enseignements (UE) pour obtenir une équivalence de diplôme sans avoir à tout recommencer. Si certains ont pu intégrer la formation en deuxième année, d’autres ont été laissés sur le carreau, en raison d’un problème de temporalité et de places vacantes (les universités dispensant la formation n’ont été connues qu’en Octobre). Ces situations ont souvent été ressenties comme injustes par les anciens diplômés (pour en savoir plus, lire notre article consacré aux “passerelles inégales”)
Les universités accréditées en 2018 : Aix-Marseille, Besançon, Brest, Lorraine, Pierre-et-Marie Curie (Paris), Paris Diderot (en co-accréditation avec Paris Descartes, Sorbonne Université et Paris Est Créteil), Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Normandie (Caen et Rouen), Toulouse 3, Rennes 1, Nantes, Strasbourg.
IPA Infirmier en pratique avancée en ville, un exercice en mutation
L’exercice en ambulatoire est l’un des enjeux majeurs de la pratique avancée. Portrait robot du futur IPA en ville.
Qui ? Principalement les IPA libéraux qui auront suivi la mention « Pathologies chroniques stabilisées ». Les autres IPA auront leur place aussi, dans une moindre mesure.
Où? Ils/ elles exerceront au sein d’équipes de soins primaires cordonnée par un médecin (par exemple en maison ou centre de santé) ou en assistance d’un médecin spécialiste.La pratique isolée ne sera pas autorisée. Des modalités d’exercice pourront être trouvées dans le cadre de CPTS.
Quoi ? Les IPA suivront des files actives de patients qui leur seront adressés par le médecin. Il ne s’agira pas d’effectuer des soins infirmiers relevant de la NGAP, mais bien de prendre le relais avec le médecin dans l’objectif d’espacer les consultations médicales. L’IPA pourra ainsi réaliser des examens cliniques, mener des interrogatoires précis, adapter un traitement, proposer du dépistage, renouveler des ordonnances…
Comment ? L’IPA aura signé un protocole de collaboration avec le médecin. Il/elle sera entièrement responsable de ses propres actes et décisions. Si il/elle décide de maintenir une activité d’IDEL « classique », il y aura double activité : il faudra qu’il/elle les différencie sur des temps de travail différents.
Combien ? Le volet rémunération doit être discuté lors de négociations conventionnelles impliquant les trois syndicats représentatifs des IDEL (FNI, SNIIL, CI) et l’Uncam. A priori, on s’oriente vers une rémunération au parcours et non à l’acte.
RETOURS D’EXPERIENCES : DES MISSIONS PROCHES DE CELLES DES FUTURES IPA
Céline Thomas, infirmière coordinatrice parcours complexes et neuro-oncologie, assurant des missions de pratique avancée. Institut de cancérologie de l’Ouest (Nantes).
Parcours : master en sciences cliniques infirmières obtenu en 2015. Prévoit une VES (Validation des études supérieures) pour obtenir un Diplôme D’Etat d’Infirmière en pratique avancée, mention oncologie.
Activité type : « Je suis des patients au profil complexe qui nécessitent un suivi personnalisé pour que le parcours se passe dans de bonnes conditions. Je les reçois en consultation d’inclusion et je repère tous les problèmes susceptibles d’intervenir. J’assure le lien vers l’extérieur (infirmières libérales, médecin traitant). Je participe à l’élargissement du panel d’aides disponibles pour les patients et les aidants. Puis, lors des phases d’évaluation (en consultation ou par téléphone), je participe aux recommandations et aux ajustements thérapeutiques. Si je me rends compte que la situation a mal évolué, je fais le lien avec l’oncologue référent et l’on décide ensemble de la conduite à tenir pour le patient : faire des modifications de thérapeutiques, mettre en place des soins à domicile, programmer d’autres consultations, une hospitalisation, lancer des demandes d’imagerie… Je prépare les ordonnances pour le renouvellement des traitements, dont certaines chimiothérapies per os. »
Ce qu’apportera un DE d’IPA : « De la reconnaissance mais aussi le non recours systématique à des validations médicales qui génèrent actuellement des pertes de temps. Les postes seront également plus tournés vers la recherche ».
Ludivine Videloup, infirmière coordinatrice de l’insuffisance rénale chronique. CHU de Caen.
Parcours : master en sciences cliniques infirmières obtenu en 2017. En cours de VES à l’université Paris-Diderot, pour obtenir un DE d’IPA, mention maladies rénales.
Activité type : « J’effectue trois types de consultations chez des patients multi-morbides : une consultation d’approche qui consiste à faire de la pédagogie et de l’éducation (rôle des reins, attitudes préventives, explications diverses…) ; une consultation d’orientation dans laquelle je présente les techniques des différents recours (dialyses, transplantations, différents parcours…) ; et enfin une consultation de mise en place, lorsque le patient arrive au stade terminal de sa maladie. J’ai une file active de 900 patients et des missions parallèles : recherche, projets de service, enseignement dans les IFSI… »
La plus-value d’une IPA dans ce type de service : « Les études montrent que 33 % des patients démarrent les dialyses en urgence. Cela a des conséquences : risque augmenté de mortalité, risque hémorragique lié à la pose de cathéter en urgence, désorganisation des centres de dialyses dans la gestion des lits, augmentation de la charge de travail pour les équipes, répercussions sur la qualité de vie des patients. Ce poste a pour objectif de ralentir la progression de l’insuffisance rénale, améliorer les conditions de prise en charge, améliorer la qualité de vie, augmenter l’accès à la transplantation ».
Anne Arnau, infirmière de consultation au sein de la PASS (Permanence d’accès aux soins de santé). CHU St Eloi, Montpellier.
Parcours : suit actuellement la formation menant au DE IPA, mention pathologies chroniques stabilisées
Mission : « J’assure, avec une assistante sociale, des consultations de première et deuxième ligne au sein de la PASS qui reçoit des personnes n’ayant pas encore de droits (ni sécurité sociale, ni AME). Mon travail, pour les consultations de première ligne, consiste à évaluer les problématiques de santé à l’aide d’un interrogatoire permettant d’évaluer le degré d’urgence et de déclencher une consultation médicale et à mettre en place et coordonner un parcours de soins en lien avec l’orientation médicale jusqu’à l’obtention des droits. Endeuxième ligne, les patients nous sont adressés par les urgences ou les services d’hospitalisation. Dans ce cas encore, j’assure le suivi du parcours de soins en collaboration avec les médecins.
La formation D’IPA ? « Elle m’apporte énormément. Je développe mes compétences cliniques qui me sont nécessaires pour l’évaluation des problématiques de santé ainsi que mes connaissances sur les examens».
Loriane Saliège, infirmière de consultation ayant des missions de pratique avancée en gérontologie. Hexagone santé méditerranée, polyclinique Grand Sud, Hôpital privé Les Franciscaines, Nîmes
Parcours : titulaire d’un master en sciences cliniques infirmières spécialisé gérontologie (mention qui n’a pas été reconduite dans les décrets, ndlr). En cours de VES pour obtenir un DE IPA mention pathologies chroniques stabilisées.
Missions : « Je travaille en soutien dans des services non gériatriques (médecine de spécialité, chirurgie, soins intensifs…) pour la prise en soins des patients âgés vulnérables souvent polypathologiques, polymediqués, et à haut risque de décompensation. Ainsi j’ai pour mission de prévenir et dépister la présence de syndromes gériatriques (dénutritions, syndrome confusionnels, risques de chutes…) et d’émettre des préconisations pour optimiser leur prise en soins. J’exerce en inter-professionnalité (diététiciennes, chirurgiens, anesthésistes, assistance sociale, gériatre…), ainsi qu’avec les partenaires du domicile, dans le but de maintenir l’autonomie et la qualité de vie de la personne. Depuis quelques mois, la clinique a mis en place un parcours de pré-habilitation dans lequel j’interviens afin de préparer le patient fragile à aborder la chirurgie (3 semaines avant l’intervention, pour les chirurgies digestives lourdes). En parallèle de cette activité, les chirurgiens et anesthésistes m’adressent en consultation des patients en pré-opératoire (chirurgie orthopédique notamment) pour optimiser leur parcours.
Axe d’évolution de l’IPA : « Il faudrait prévoir dans les textes régissant la pratique avancée, une mention dédiée à la gérontologie, afin que cette spécialité soit reconnue à part entière : les problématiques rencontrées sont souvent complexes et nécessitent une expertise psycho-médico-socio-environnementale ».
Propos recueillis par Malika Surbled
https://www.actusoins.com/319118/remuneration-des-infirmiers-en-pratique-avancee-en-ville-laccord-est-signe.html
Vers une reconnaissance des IPA Infirmier en pratique avancée en psychiatrie aussi
La psychiatrie attend avec impatience la reconnaissance réglementaire de la pratique avancée, prévue pour la rentrée 2019.
« L’intérêt de l’IPA en psychiatrie a de nombreuses fois été évoqué par les tutelles », explique Marie-Astrid Meyer, infirmière coordinatrice de parcours de soins au SHU de Sainte-Anne (Paris). Les domaines d’intervention en psychiatrie étaient attendus dans le premier décret du 18 juillet 2018. Pourtant, seules trois mentions ont vu le jour : cancérologie, pathologies chroniques stabilisées et néphrologie. Heureusement, ce ne serait que chose remise.
« L’optique est d’ouvrir la pratique avancée à d’autres mentions, notamment la psychiatrie et la santé mentale », affirmait Cécile Courrèges, directrice de la DGOS, en mai dernier lors d’une conférence de presse à la Paris Healthcare week. Le plan « Ma santé 2022 », dont les grandes lignes ont été annoncées en septembre confirme ainsi une « extension des formations d’infirmiers de pratique avancée à la psychiatrie dès 2019 ». « Tout en préservant ce qui fait sa particularité, la psychiatrie doit maintenant renforcer ses collaborations avec les professionnels de soins primaires et prendre un virage pour organiser dans les territoires un accès plus rapide aux nouvelles thérapeutiques et aux soins spécialisés », mentionne ce Plan.
« Les IPA seront évidemment présents pour contribuer à cette évolution. Ils représentent le maillon supplémentaire dans la chaîne du soin qui fera que les patients auront un accompagnement plus structuré », commente Marie-Astrid Meyer, qui a déjà suivi un master en sciences cliniques infirmières.
Dans l’attente de la mention « psychiatrie »
Aujourd’hui, plutôt que de demander une validation partielle de son master pour obtenir par passerelle une équivalence de la mention « Pathologies chroniques stabilisées » du DEIPA, Marie-Astrid Meyer préfère attendre la création de la mention « psychiatrie », en espérant que le parcours prendra en compte une partie de ses Unités d’enseignements déjà validées. En attendant, elle occupe un poste proche de la future pratique avancée en psychiatrie.
« D’un côté je coordonne les programmes d’ETP et je fais en sorte que les équipes utilisent l’un de nos huit programmes validé par l’ARS. De l’autre, je créé des passerelles entre les différents services du pôle : je mobilise les compétences des uns et des autres pour les mettre à disposition dans les services voisins. J’ai aussi créé une consultation de parcours complexe pour les patients qui sont suivis par plusieurs structures car pluri-pathologiques. Il s’agit de rencontrer le patient, d’évaluer ses besoins et de faire une cartographie de son réseau et des professionnels qui gravitent autour de lui. Je programme ensuite des réunions pluri-professionnelles pour faire le lien entre les différents acteurs et je fais émerger le parcours du patient », explique-t-elle.
Malgré son poste transversal et ses compétences déjà acquises, Marie-Astrid Meyer n’estime pas encore relever des IPA. « Même si j’essaye déjà de mobiliser toutes les compétences qui sont demandées dans le décret, telles le leadership, la recherche et l’innovation, je n’ai pas encore l’expertise requise, notamment en matière de prescription et de politique. Le Diplôme d’État d’IPA m’apportera ces expertises plus pointues avec des données complètes », assure-t-elle.
M.S
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