Travail de nuit : les soignants de l’ombre

Les infirmiers et infirmières de nuit effectuent un travail peu visible mais indispensable pour des établissements qui tournent 24 heures sur 24. Ils ne choisissent pas de travailler la nuit par hasard. L’organisation familiale pèse lourd dans leur choix. Et, malgré certains avantages, ce mode d’exercice a souvent un impact sur leur santé.

Urgences CHU de Lille

Le travail de nuit est souvent plus calme, comme dans la rue… mais pas toujours. Pour les infirmières et infirmiers qui font ce choix, l’organisation familiale est un critère majeur. © Stéphane Dubromel

Derrière les fenêtres du service de court séjour gériatrique, au CHU de Lille, le halo des lampadaires éclaire la cité hospitalière. Il est 22 heures. L’atmosphère est feutrée : seuls trois soignants du service circulent dans les couloirs. Pas d’allées et venues pour un examen ou un transfert, pas de sonneries de téléphone, pas de visiteurs… Un hamburger entamé, froid, gît, sur la table de la salle de pause depuis plus d’une heure. Micro-onde, cafetière et bouilloire sont au repos. Mais pas les soignants.

Valérie Timelli, ex-aide-soignante et infirmière depuis quatre ans (de nuit depuis trois ans), tatouage de Wonder Woman sur le bras, poursuit son tour des treize patients (sur 26) dont elle s’occupe. Plusieurs fois dans la nuit, « je passe les voir un par un, explique-t-elle. Il faut changer leur perfusion, parfois réaliser une prise de sang ou un dextro, refaire des pansements, reposer un cathéter… Je fais aussi les changes avec l’aide-soignante. On papote aussi un peu avec les patients. » À cette heure, tous ne dorment pas.

Toc toc : « c’est l’infirmière », annonce-t-elle en ouvrant doucement la porte d’une chambre. Elle prend la tension et la saturation d’une patiente puis l’aide à saisir son déambulateur, son « TGV » comme le surnomme la dame, car elle a besoin d’aller aux toilettes. Valérie Timelli l’aide ensuite à se recoucher.

Actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°48 d'ActuSoins Magazine (mars 2023).

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De chambre en chambre, en plus des soins, elle s’enquiert du confort et des douleurs de chaque patient, complimente l’une, propose à l’autre de ranger son dentier ou ses lunettes, souhaite bonne nuit à tous… Sur l’ordinateur de son chariot, elle note les soins réalisés et ses observations.

La plupart des patients admis dans ce service le sont après un passage aux urgences, pour un problème aigu. Ils sont souvent déboussolés, au début. À 23 h 30, un nouveau patient arrive du déchocage. Une jambe sur le lit, l’infirmière aide à son transfert du brancard. Les soignants l’habillent et les médecins transmettent les informations médicales.

Surveillance et réconfort…

Valérie Timelli infirmière de nuit

Valérie Timelli, ex-aide-soignante et infirmière depuis quatre ans - de nuit depuis trois ans- dans le service de court séjour gériatrique au CHU de Lille, mesure la glycémie de cette patiente. « Je passe les voir un par un. Il faut changer leur perfusion, parfois réaliser une prise de sang, refaire des pansements, reposer un cathéter… », explique-t-elle. © Stéphane Dubromel

Entre deux tours, les soignants répondent aux sonnettes des patients, préparent les examens du lendemain et les médicaments pour l’équipe de jour, effectuent le réassort des chariots de soins et des pharmacies… Ensuite, « il faut réussir à franchir le tunnel entre 3 heures et le dernier tour, qui démarre vers 4 h 30, souligne Valérie Timelli. C’est le moment où on est le moins actifs. » Elle fait le point sur les dossiers des patients, les complète avec de nouveaux éléments… Pas question bien sûr de fermer l’oeil. Certains infirmiers prennent un repas ou grignotent, boivent du café ou des boissons énergisantes. « Mais il suffit d’une urgence et l’adrénaline nous fait repartir », ajoute-t-elle.

Beaucoup de soignants décrivent la grande autonomie qu’on attend d’eux la nuit, qui plaît aux plus expérimentés, moins aux débutants. Ils peuvent organiser leurs tâches comme ils le souhaitent mais doivent aussi être capables de faire face aux imprévus. Rares sont les services où des médecins travaillent de nuit : les soignants doivent mesurer la nécessité de solliciter ceux qui sont de garde ou d’astreinte. Et qui peuvent mettre du temps à arriver… « Il faut savoir prendre des décisions », estime Valérie Lamaix, infirmière de nuit depuis une dizaine d’années dans une maison d’accueil spécialisée (MAS).

… face à des patients angoissés

Infirmière de nuit Valérie Timelli

La nuit, les infirmières ont un peu plus de temps pour parler avec les patients, les rassurer… © Stéphane Dubromel

Minuit, toujours à Lille, dans le service de traitement des brûlés qui comprend douze lits (six en réa et six en soins intensifs) avec Audrey Gaulois et Laura, infirmières de nuit depuis neuf ans. Ici aussi, « quand la nuit arrive, les patients ont parfois des angoisses, témoigne Audrey. Ils cogitent sur ce que les médecins leur ont dit dans la journée, sur le passage au bloc, le lendemain ». Comme beaucoup de soignants la nuit, elle prend le temps de leur parler et de les rassurer.. La nuit reste un moment privilégié pour la relation soignant-soigné.

« J’ai fait ce métier pour accompagner, déclare de son côté Valérie Lamaix, pas pour courir. La nuit, nous sommes moins tendues. Il n’y a pas de toilettes à faire à 100 à l’heure… On sait ce qui s’est passé dans la journée et on peut en parler avec les patients. Ils apprécient beaucoup ces moments. » La nuit favorise aussi les confidences.

Dans l’unité de réanimation du service, les échanges avec les patients qui souffrent de brûlures graves sont plus limités. Avec ceux qui ne peuvent pas parler, Laura, explique ce qu’elle fait et mise beaucoup sur le toucher pour adoucir les soins. À 1 heure, cette nuit-là, la plupart des patients dorment : « ils sont tellement fatigués, constate l’infirmière. Nous favorisons leur sommeil le plus possible ».

La nuit, la grande majorité des services sont plus calmes. Les infirmiers s’en rendent compte quand ils repassent de jour. Comme Leïla, qui a cessé de travailler de nuit au bout de dix ans en SSR. « J’ai eu l’impression d’être dans un brouhaha constant, raconte-t-elle. Il y a beaucoup plus de monde, plus de collègues, de médecins et les familles. Et nous sommes sollicitées tout le temps. »

Travail de nuit : un certain calme

Audrey Gaulois infirmière de nuit

La surveillance est… continue ! Audrey Gaulois prépare des médicaments pendant que sa collègue surveille les écrans. © Stéphane Dubromel

Au poste de soins de l’unité de réanimation, dans une lumière tamisée, infirmiers et aides-soignants échangent de manière informelle entre les passages auprès des patients, tout en surveillant les écrans ainsi que les alarmes et en préparant les soins. Tous les infirmiers interviewés, à Lille ou ailleurs, ont découvert, en travaillant la nuit, la proximité et la solidarité particulières qui se tissent entre collègues, infirmiers, aides-soignants et médecins (dans les services où ils travaillent aussi la nuit).

En comparaison avec le travail de jour, « nous passons plus de temps ensemble et nous avons un peu plus de temps pour parler. Cela renforce les liens », souligne Valérie Lamaix. Dans la salle de réveil où Joëlle* travaille, la nuit, depuis sept ans, « nous sommes comme une petite famille et nous nous connaissons tous ou presque », apprécie-t-elle.

Les équipes de nuit de différentes unités s’entraident aussi en cas de rush. Le travail en binôme infirmier- aide-soignant, très apprécié, est aussi plus régulier la nuit : « si on s’entend bien, c’est génial », souligne Aurélie*, infirmière de nuit depuis 2009 en chirurgie.

Certains pointent en revanche la méconnaissance de leur travail par les équipes de jour. « Parfois, se souvient Leïla, les infirmiers nous disaient : “vous allez être tranquilles ce soir”, comme si ils avaient l’impression qu’on ne faisait rien la nuit. ». Ce qui est évidemment loin d’être le cas. Les patients ne dorment pas si bien que cela, certains décompensent la nuit et ceux atteints de démence donnent parfois du fil à retordre.

« Une nuit, un patient est allé dans toutes les chambres réveiller tout le monde, raconte-t-elle. Il a fallu l’en empêcher et s’occuper de tous les autres patients réveillés… S’il n’y a pas de problème, cela fonctionne. Mais dès qu’il y a un grain de sable, on court dans tous les sens et on finit la nuit complètement épuisée. »

Aurélie a aussi constaté ce type de rivalité entre équipes de nuit et de jour, mais cela s’atténue quand les infirmiers de jour font quelques nuits, estime-t-elle. Dans certains établissements, certains le font régulièrement, un mois par an, par exemple.

Travail de nuit : entre vie pro et perso

Les infirmiers et infirmières font souvent le choix de ce type de poste pour des raisons d’organisation familiale, car le planning des nuits est généralement fixe. Un avantage inestimable pour Marie, infirmière de nuit pendant quatorze ans et maman de trois enfants, solo depuis plusieurs années. « Travailler de nuit, c’était le seul moyen de connaître mon planning à l’avance », précise-t-elle, et de caler la garde alternée des enfants.

« J’ai un enfant porteur de handicap, confie aussi Valérie Timelli, et je prends des rendez-vous pour lui deux ou trois mois à l’avance. Mais quand on travaille de jour, les plannings changent tout le temps et c’est dur de devoir annuler ces rendez-vous à la dernière minute. »

Les mères de famille choisissent aussi de travailler la nuit pour se caler sur le rythme de vie des enfants. « Je réveillais mes enfants en arrivant, je les conduisais à l’école avant de me coucher et je les récupérais après l’école », raconte Leïla.

Certains testent le travail de nuit et y prennent goût après coup. C’est le cas d’Aurélie. « C’est devenu un choix quand je suis devenue maman, témoigne-t-elle, le temps que mes enfants grandissent. C’était super. » Mais elles décrivent aussi des jours de repos sans repos, consacrés aux tâches domestiques en semaine, surchargés d’activités le week-end, ou alors une vie sociale « en berne ».

D’autres choisissent ce rythme parce que leur conjoint ou conjointe travaille aussi de nuit ou parce que le travail, dans certains services, est moins exigeant physiquement que le jour. Ou encore parce qu’ils sont clairement « du soir ». C’est le cas d’Audrey Gaulois, qui se décrit comme « un oiseau de nuit ». Connaître ses disponibilités pour toute l’année lui permet de planifier sa participation à des événements ou à des fêtes entre amis.

Travail de nuit : dix ou douze heures ?

infirmières de nuit

Même en pleine nuit, il faut prendre en charge des nouveaux patients. © Stéphane Dubromel

L’articulation entre vie familiale et travail de nuit reste fragile et un changement d’organisation peut la gripper. Avec la crise sanitaire liée au Covid, le poste d’Aurélie est ainsi passé de 10 heures à 12 h 30. Certains apprécient ce rythme car ils viennent moins souvent travailler. D’autres, pas du tout. Ainsi Aurélie regrette les précieux dîners et petits-déjeuners en famille car elle quitte désormais la maison à 18 h 30 et ne rentre qu’après 8 heures du matin.

D’autres craignent les postes sur 12 heures pour des questions de fatigue mais aussi financières. Certes, le salaire des heures de nuit est majoré de 1,07 € par heure [Mise à jour :  depuis janvier 2024,  le montant de la rémunération de nuit a été majoré de 25% de l'heure par rapport au salaire de jour]. Un montant unanimement considéré comme minime et qui ne concerne que les heures travaillées entre 21 heures et 6 heures du matin. Toutes les autres, nombreuses sur une période de 12 heures, sont payées au taux normal…

Malgré les avantages en termes de vie familiale, le travail de nuit affecte très souvent le sommeil des soignants et leur manière de se nourrir. Tous semblent tâtonner et composer avec leurs contraintes : horaires des enfants, durée du transport, travail du conjoint… Les infirmiers et infirmières qui ont des enfants se couchent souvent après les avoir emmenés à l’école, voire après avoir rangé un peu la maison ou lancé une machine. Et la deuxième journée des mères de famille ne les épargne pas, d’autant qu’elles vivent à contre-temps. Après une nuit de travail, Aurélie, Joëlle et Valérie Timelli dorment rarement plus de cinq heures.

Seules celles qui n’ont pas d’enfant ou des plus grands vont se coucher juste en rentrant… ou encore plus tard car elles peuvent se réveiller quand elles veulent. Audrey, qui vit seule, dort facilement entre six et huit heures après une nuit de travail et se couche tard le reste du temps sans en souffrir. Mais la plupart évoquent une dette de sommeil.

Lire aussi, sur ActuSoins.com : Le développement des « compétences non techniques » : la gestion de la fatigue

Travail de nuit : dormir, si possible

infirmières de nuit service de réanimation

Au sein de l’unité de réanimation, dans le service de traitement des brûlés, en plein milieu de la nuit… © Stéphane Dubromel

Toutes ne font pas de sieste avant la première nuit de travail : elles restent donc éveillées plus de 24 heures… Certaines en font sur leurs jours de repos, d’autres non. Certaines prennent des somnifères pour dormir et des excitants pour se réveiller. Certaines parviennent à reprendre un rythme de sommeil normal après un jour ou deux de repos, d’autres n’arrivent pas à dormir avant les petites heures du matin…

« Ces derniers mois, constate Valérie Timelli, c’est de plus en plus dur. » Elle ne s’endort parfois que vers 5 heures du matin. Et même en dormant sept à huit heures, Laura a « l’impression que le sommeil n’est pas aussi réparateur ». Comme Joëlle, qui dort « de moins en moins » et se sent « toujours fatiguée, en manque d’énergie, irritable moins patiente ». L’hiver c’est particulièrement dur, souligne Laura, car elle ne voit quasiment pas la lumière du jour…

Certaines prennent du poids depuis qu'elles travaillent de nuit et peinent à avoir une alimentation régulière ou équilibrée. « On ne sait pas vraiment quoi manger et quand », indique Joëlle. Selon Aurélie, les conseils que donnent les diététiciens et les nutritionnistes ne sont pas compatibles avec le travail de nuit.

Les infirmières constatent aussi des répercussions sur leur santé. L’une souffre de l’épaule et d’acouphènes depuis un an et d’hypertension depuis six mois. Une autre ressent des troubles digestifs et du sommeil. Une troisième a développé une hernie discale faute de pouvoir utiliser un lève-malade la nuit, ce qui l’a conduite à repasser de jour. Une aide-soignante d’une soixantaine d’années souligne aussi la perte d’espérance de vie observée chez les personnes qui travaillent de nuit… Un signe de pénibilité qui n’est pourtant plus reconnue pour ces professionnels.

Lire aussi, sur ActuSoins.com : Infirmière : un sommeil dégradé en travail de nuit ou en horaires décalés

Travail de nuit : la santé affectée

La santé mentale des soignants de nuit peut aussi être affectée. Après dix ans à dormir trois à quatre heures par nuit, « je me suis épuisée, confie Marie. Je ne me suis pas vu sombrer et je n’ai pas pu me relever. » Pendant plusieurs semaines « j’ai été en burn-out global. Dans ma vie de maman seule avec des enfants, être infirmière de nuit a décalé et affecté mon sommeil et mon équilibre biologique », ajoute-t-elle.

Le travail de nuit peut également peser sur les relations affectives. Marie, séparée de son conjoint, pense que son travail de nuit a « un peu joué ». « Quand je travaillais de nuit en long séjour, on s’est toutes séparées », se souvient-elle.

Aurélie et son conjoint ont juste le temps de se croiser cinq minutes le matin et le soir quand elle travaille. « Pour l’instant, cela ne l’embête pas, souligne-t-elle, mais je lui ai demandé de me dire tout de suite si cela commence à l’embêter car quand on voit le taux de divorce des personnes qui travaillent de nuit… ». Une autre infirmière raconte : « sur les sites de rencontres, quand on dit qu’on est infirmière, cela ne dérange pas. Ce métier est même associé à des fantasmes. Mais quand on dit qu’on est infirmière de nuit, c’est non, direct ».

Lire aussi, sur ActuSoins.com : Maud, infirmière de nuit : après deux ans, j’ai atteint mes limites

Le temps de la nuit

Si les infirmières interviewées ne regrettent pas de travailler ou d’avoir travaillé de nuit, les effets négatifs qu’elles ressentent sur leur sommeil et leur santé les conduisent à retravailler de jour ou à envisager de le faire. Au fil des années, remarque Joëlle, « un épuisement s’installe et on en prend conscience peut-être un peu trop tard ». Certains signes physiques ont aussi fait comprendre à Laura qu’il est peut-être temps de travailler de jour.

Selon Marie, il existe un risque de « s’enfermer » dans le travail de nuit pour ses aspects pratiques. Il y a deux ans, après son burn-out, elle a décidé de repasser de jour. Mais faute d’infirmiers volontaires pour travailler de nuit, elle est restée. Idem pour Aurélie, qui ne veut plus travailler de nuit en 12 heures. Valérie Timelli a choisi de quitter le métier. À 43 ans, elle prépare le concours d’enseignante en sciences et technique médicosociales (SMTS), en lycée professionnel. Elle explique : « je veux retrouver un rythme normal et une vie de famille ».

Même Audrey Gaulois, qui pense avoir trouvé dans le travail de nuit sa « formule », estime qu’elle ne devrait pas le faire toute sa vie. La plupart préféreraient ne pas alterner postes de jour et de nuit mais conseillent de ne pas travailler plus de deux à cinq années de nuit.

Soignants : huit conseils pour mieux vivre le travail de nuit

La manière dont le décalage de l’horloge biologique impacte la santé n’est pas encore bien connue mais ses conséquences le sont, et elles sont même probablement sous-estimées. Pour les limiter, voici les conseils du Dr Claude Gronfier, neurobiologiste, directeur de recherches à l’Inserm et président du conseil scientifique de l’Institut national du sommeil et de la vigilance, et du Dr Sarah Hartley, médecin généraliste spécialiste du sommeil et praticien hospitalier à l’unité sommeil de l’hôpital de Garches (APHP).

Travail de nuit : sanctuariser le temps de sommeil

Pour éviter de souffrir de troubles du sommeil (endormissement, sommeil interrompu), insiste Claude Gronfier, « il faut prendre un soin extrême de son sommeil ». En qualité et en quantité. Il recommande d’aller se coucher tout de suite en rentrant du travail, sans entamer de « deuxième journée » ni regarder son téléphone (à mettre en silencieux) et en programmant plusieurs alarmes pour ne pas craindre de se réveiller trop tard. Il propose aussi de basculer les appels concernant les enfants sur une autre personne et d’afficher sur sa porte d’appartement un panneau demandant aux voisins de ne pas faire de bruit.

Des conseils pas toujours faciles à appliquer, observe-t-il, en particulier par les femmes qui ont la charge des enfants. Selon lui, il faut « convaincre son compagnon que ce n’est pas une question de confort et que cela va prévenir des troubles graves sur la santé ».

Dormir sans lumière et sans bruit

Le sommeil sera de meilleure qualité si la personne dort dans un endroit calme, sans aucune lumière et aucun bruit, souligne Sarah Hartley. Certains soignants s’aménagent une chambre de jour isolée, au sous-sol de leur maison, par exemple, d’autres se bouchent les oreilles.

Organiser son exposition à la lumière

En quittant le travail le matin, s’il fait jour, les deux médecins préconisent de porter des lunettes de soleil car la lumière signale qu’on peut être actif. Et de s’exposer le plus possible à la lumière au réveil, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il recommande par ailleurs d’augmenter l’intensité lumineuse sur le lieu de travail. « Cela peut sembler contre-intuitif mais cela va favoriser le maintien de l’éveil et la vigilance pendant le poste », indique-t-il, et ainsi retarder le moment où l’horloge biologique considérera qu’il est temps de dormir.

Faire des siestes

Les personnes qui travaillent de jour se réveillent environ deux heures avant la prise de poste. Celles qui travaillent de nuit beaucoup plus, ce qui accroît leur niveau de fatigue et diminue leur vigilance. « Il ne faut jamais hésiter à faire des siestes, de 15-20 minutes, quelques heures avant la prise de poste », indique Claude Gronfier, de préférence avant 19-20 heures, moment où « le système d’éveil culmine ». Il suggère aussi de se resynchroniser le plus possible sur des horaires ordinaires les jours de repos.

Utiliser une appli ?

L’appli Shifters, conçue par une pharmacienne passionnée de neurosciences vise à aider les personnes qui travaillent de nuit à gérer leur sommeil. À partir des réponses à un agenda de sommeil et à un questionnaire, un algorithme fournit des conseils personnalisés.

Surveiller les symptômes

Les deux médecins insistent sur la nécessité d’être vigilant quant à la santé physique et mentale. Pour Sarah Hartley, « si une infirmière a l’impression qu’elle ne dort pas assez, c’est probablement vrai » et c’est un signe d’alerte qui mérite de l’attention. Le réseau Morphée (reseau-morphee.fr) propose aussi un agenda du sommeil à télécharger et un questionnaire pour obtenir des conseils. Les soignants peuvent aussi consulter des spécialistes.

Lire aussi, sur ActuSoins.com : Travail de nuit : l’Anses confirme les risques pour la santé

Le travail de nuit est associé à des troubles de santé mentale, à des pathologies du métabolisme (diabète, obésité), des maladies cardio-vasculaires et même à un surrisque de cancer. Une infirmière qui a longtemps et souvent travaillé de nuit, vient même d’obtenir la reconnaissance de son cancer du sein comme maladie professionnelle. Le Dr Gronfier recommande ainsi de se faire suivre de près sur le plan médical.

Lire aussi, sur ActuSoins.com : Infirmière de nuit : Le travail de nuit augmente le risque de cancer

Manger normalement

Selon ce neurobiologiste, pour éviter les effets négatifs sur le métabolisme, « les études les plus récentes montrent qu’il est préférable de garder la rythmicité des repas des personnes qui travaillent le jour », en dînant avant la prise de poste, en prenant un petit-déjeuner le matin et un déjeuner copieux après avoir dormi. Et en mangeant peu la nuit.

Ne pas travailler de nuit trop longtemps

Les données manquent encore sur la durée à partir de laquelle le travail de nuit produit des effets négatifs sur la santé mais, pour le neurobiologiste, éviter de travailler « trop d’années » la nuit relève du bon sens. Des études ont aussi montré que le risque de souffrir d’un cancer du sein chez les personnes travaillant de nuit est d’autant plus grand chez les jeunes femmes, indique-t-il. « Le travail de nuit est un facteur de risque, ajoute le Dr Gronfier. Vraisemblablement, plus on fait de postes de nuit par semaine, par mois et par an, plus il y a de conséquences sur la santé. » La récupération s’effectue en effet quand on ne travaille pas de nuit.

Géraldine Langlois

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Réactions

1 réponse pour “Travail de nuit : les soignants de l’ombre”

  1. baka dit :

    Quelle magnifique article, avec que des vérités, je me suis reconnu tout de suite dans ces paragraphes, merci à tous les soignants qui fond se job de nuit. Si je peux rajouter 2 éléments :
    le premier est le risque quand passant de jour après une longue période de nuit le couple est plus de mal à s’accorder car toutes les habitudes de l’un ou de l’autre sont changer.
    la deuxième est qu’après avoir fait des nuits pendant un moment, repasser en journée et vous aurez très probablement perdu un temps « standard de sommeil », vous dormirez moins…

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