Tabacologie : « Les infirmiers doivent se saisir de leurs compétences »

Novembre, mois sans tabac. L’occasion de présenter l’Association francophone des infirmières en tabacologie et addictologie (Afit&a), qui œuvre notamment à une meilleure appropriation des compétences infirmières dans ce domaine. Le point avec sa présidente Isabelle Hamm.

L’association prévoit-elle une action particulière pour le mois sans tabac ?

Sur notre site, nous informons sur le mois sans tabac mais l’association ne met pas en place d’action dédiée.

En revanche, les adhérents de l’Afit&a déploient des actions dans le cadre de leur travail dans leurs services respectifs.

Notre association regroupe des infirmiers adhérents qui exercent dans des lieux très divers. La compétence infirmière en tabacologie est transversale. Elle peut être intégrée à tous les modes d’exercice et à tous les services.

Quelle est la finalité de l’association ?

Créée il y a vingt ans, notre objectif est de donner un espace de parole aux infirmiers concernés par la tabacologie et l’addictologie. Nous travaillons à la reconnaissance de notre métier, à la valorisation de nos compétences, aux échanges et à l’information.

Très rapidement, nous avons mis en place une journée dédiée pour permettre une rencontre entre les infirmiers adhérents pour discuter de thèmes qui concernent la tabacologie, pour accompagner les IDE, faire valoir leur droit.

Par exemple, l’un de nos grands chantiers porte sur la prescription infirmière. L’objectif est de la faire connaître, de diffuser les bonnes pratiques. Pour y parvenir, nous collaborons avec des sociétés savantes, notamment avec le Réseau de prévention des addictions (RESPADD), avec lequel nous avons travaillé à l’édiction de plusieurs guides sur la pratique infirmière en tabacologie notamment celui sur les premiers gestes en tabacologie.

Les infirmiers se sont-elles saisies de cette nouvelle compétence de prescription de substituts nicotiniques ?

C’est très « infirmiers-dépendant ». Depuis la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, les infirmiers disposent de cette compétence, comme les chirurgiens-dentistes et les masseurs-kinésithérapeutes.

Mais beaucoup se sont retrouvés démunis face aux recommandations à donner à leurs patients, d’autres ne savent toujours pas qu’ils disposent de cette compétence même si nous essayons de diffuser l’information au maximum. Certains ont intégré la compétence mais on ne leur donne pas l’opportunité, dans leur service, de s’en saisir.

L’idée du législateur était de permettre à un plus grand nombre de professionnels de santé cette possibilité de prescrire, charge à eux ensuite de se former. Nous sommes vraiment satisfaits de cette compétence, mais nous plaidons nous aussi pour la formation – soit un diplôme universitaire en tabacologie et addictologie, soit des formations sur le repérage précoce et les interventions brèves telles que celles dispensées par le RESPADD, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ou encore les MOOC de la Société francophone de tabacologie (SFT).

De notre côté, nous ne dispensons pas de formation car au sein de l’association, nous sommes tous bénévoles, et pour une question de temps, c’est difficile à mettre en œuvre. En revanche, nous participons tous les ans au congrès de la SFT, au cours duquel nous animons une session dédiée aux infirmiers.

L’année dernière par exemple, nous sommes intervenus sur comment utiliser l’appel à projet pour implanter une prise en charge en tabacologie, l’infirmier libéral et la consultation de tabacologie ou encore la prescription infirmière de substituts nicotiniques. Le thème de la santé au travail sera abordé en 2021.

Qu’en est-il pour les infirmiers libéraux ?

C’est compliqué pour eux de mettre en œuvre cette compétence, car il n’y a pas de cotation dédiée à la consultation infirmière en tabacologie dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Il est donc difficile pour les Idels de se saisir de cette compétence, car certes, ils peuvent prescrire des substituts nicotiniques, mais si ils ne sont pas rémunérés pour mener une consultation associée, cela n’a pas de sens.

Certains sont parvenus, en lien avec leur Caisse primaire d’assurance maladie, à se faire rémunérer via la Démarche de soins infirmiers (DSI), mais celle-ci a vocation à disparaître au profit du Bilan de soins infirmiers (BSI).

Nous plaidons vraiment pour une rémunération dédiée car la prescription en tant qu’acte est une belle avancée, mais il manque la consultation infirmière associée, rémunérée.

En raison de la crise sanitaire, votre journée annuelle de rassemblement a été annulée. Sur quoi portera-t-elle l’année prochaine ?

Nous reprenons la thématique qui aurait dû être traitée cette année, à savoir la santé mentale et les interactions médicamenteuses avec le tabac.

Il s’agit d’une composante du sevrage qui est très importante à connaître. Lorsqu’on prescrit des substituts nicotiniques à des patients en psychiatrie, il faut tenir compte de leur traitement, et les adapter si nécessaire car certains d’entre eux sont sensibles à l’arrêt du tabac et deviennent plus efficaces.

C’est le cas aussi pour d’autres maladies chroniques notamment en diabétologie ou en pneumologie. Bien entendu, l’adaptation du traitement ne se fait pas dans l’immédiat, mais il faut l’anticiper, et donc également travailler en lien avec le médecin traitant.

Propos recueillis par Laure Martin

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