Santé : Chimiothérapie orale à domicile : un suivi spécifique par des infirmiers libéraux pour agir face aux effets indésirables

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Fondée en 2017, une start-up a développé une plateforme pour le suivi à domicile de patients sous chimiothérapie orale, par des infirmiers libéraux notamment. Désormais, ce suivi fait l’objet d’une expérimentation article 51.

© fizkes/ShutterStock

Objectif affiché des cinq co-fondateurs de Continuum + : créer des parcours pour permettre aux patients sous anticancéreux oraux, d’être suivis à domicile pour une meilleure observance et une meilleure gestion des effets indésirables de leur traitement.

« De plus en plus de patients sont renvoyés à leur domicile et se retrouvent seuls à gérer leur thérapeutique, pointe Florence Ambrosino, infirmière et co-fondatrice de Continuum +. Les six premières semaines, ils peuvent se trouver au pic de la manifestation des effets indésirables, certains décidant parfois même d’arrêter leur traitement. »

Pour ne pas compromettre leur chance et permettre une adaptation des doses en fonction des effets indésirables rencontrés, Continuum + propose, avec sa plateforme AKO@dom, un suivi à domicile.

« D’un point de vue psychologique aussi, il est important pour le patient de savoir qu’il n’est pas seul mais accompagné par son infirmier de proximité », insiste Florence Ambrosino.

Cet article a été publié dans n°49 d’ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2023).

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Première étape : l’inclusion

L’inclusion du patient se fait par l’équipe hospitalière composée de l’oncologue, de l’infirmier de coordination ou de l’infirmier en pratique avancée (IPA), qui sollicite la cellule de coordination de Continuum +. « Notre rôle est de mettre en place l’accompagnement du patient demandé par l’équipe hospitalière et de le suivre du début jusqu’à la fin de la prise en charge en s’assurant du bon respect du protocole », explique Flora Cherruault, l’une des infirmières coordinatrices.

Après que le patient a été informé du traitement oral qu’il va recevoir, et qu’il a donné son consentement à la mise en place du suivi, il est contacté par l’infirmière de coordination. « Elle lui fait part des modalités de suivi qui vont être déployées par l’infirmier libéral (Idel) afin de sécuriser la prise de son traitement les premières semaines, période pendant laquelle les effets indésirables sont les plus élevés », rapporte Flora Cherruault.

Lors de ce rendez-vous, le patient l’informe de la présence ou non d’une équipe de soins primaires à ses côtés. Si ce n’est pas le cas, il peut soit se charger lui-même d’en trouver une, soit confier cette mission à Continuum +.

« Je contacte les professionnels de santé libéraux, afin de savoir s’ils sont d’accord pour intégrer le dispositif et échanger sur notre plateforme », indique Flora Cherruault.

Certains infirmiers libéraux refusent parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec l’informatique ou parce que leur tournée est déjà chargée. Cela reste plutôt rare. L’infirmière de coordination transmet également au pharmacien d’officine la fiche du traitement afin qu’il puisse le commander en amont de la venue du patient.

Surveillance rigoureuse

Lorsque l’infirmier accepte d’intégrer le dispositif, il lui est demandé de suivre une formation de trois heures en ligne, idéalement en aval de la prise en charge du patient. « Elle porte sur les principaux cancers, les modes d’action, les toxicités, les différents niveaux de conduite à tenir en fonction des grades, le travail de coordination et l’utilisation de la plateforme », énumère Florence Ambrosino.

Dans le cadre de la prise en charge, l’Idel est amené à assurer le suivi à domicile du patient, une fois par semaine pendant un mois, puis une fois tous les quinze jours pendant deux mois.

Lors des visites, il assure le relevé des constantes, des données d’observance et de qualité de vie. Il doit également remplir un questionnaire préétabli destiné à mesurer les effets du traitement sur le patient. « Ce questionnaire permet une surveillance très rigoureuse du patient, puisque les effets indésirables sont listés et gradués », précise Flora Cherruault.

« D’un rendez-vous à l’autre, cela peut sembler répétitif, mais cela permet une surveillance rapprochée, confirme Véronique Jouve, infirmière libérale dans le Grand Est, qui a déjà pris en charge cinq patients dans le cadre d’AKO@dom. Lorsque nous validons les informations, dans la demi-heure ou l’heure qui suit, nous pouvons recevoir un retour du spécialiste si nécessaire. »

Le prescripteur peut demander des informations complémentaires à l’infirmier, contacter le patient pour lui demander d’aller consulter son médecin traitant ou encore envoyer une ordonnance au pharmacien pour un traitement permettant d’agir sur les effets secondaires.

Infirmiers et patients satisfaits

La plateforme de télésurveillance, doublement sécurisée, permet aux professionnels de santé d’échanger sur le suivi du patient. Marion Norrault, infirmière libérale à Tarbes (Occitanie) suit un patient dans ce depuis début 2023.

Elle a été contactée par Continuum + car l’une de ses patientes a été placée sous chimiothérapie orale pour son cancer du sein. « J’ai accepté, car j’ai trouvé très intéressant de pouvoir échanger facilement avec l’équipe pluriprofessionnelle via l’application, témoigne-t-elle. Les bilans sont envoyés à tous les professionnels de santé concernés, et, de fait, la communication est facilitée. »

Gaëtan Desaintdenis, Infirmier libéral dans le Calvados, lui, confie ne pas avoir été convaincu d’emblée, redoutant une contrainte supplémentaire. Très vite, il a changé d’avis. « En réalité, toutes les informations sont centralisées, et les liens entre la ville et l’hôpital sont simplifiés avec une seule plateforme et un seul mode d’échange », racontet- il. « Nous n’avons pas eu, pour notre patiente, d’alertes majeures, mais des adaptations nécessaires impliquant des prises de rendez-vous. Avec cette organisation, les modifications de planning sont facilement possibles. L’organisation est vraiment simplifiée. »

« Si c’était à refaire, nous le referions, car le fonctionnement est simple, et sécurisant car nous sommes en contact direct avec les spécialistes », confirme Marion Norrault.

Les patients apprécient également le suivi. « Ils sont rassurés. Le suivi peut aussi leur permettre de devenir autonomes dans la gestion de leurs effets indésirables, indique Véronique Jouve. Il leur évite également des déplacements à l’hôpital et donc de la fatigue et du stress. »

« Notre patiente craignait que ce soit une autre équipe qui intervienne pour cette prise en charge et que ce dispositif complexifie la prise en charge, se souvient Gaëtan Desaintdenis. Elle a été rassurée de savoir que nous allions nous en charger, et très vite, elle a pu constater la plus-value de cet accompagnement bien cadré. »

Certains patients demandent même aux infirmiers de poursuivre l’accompagnement après la fin de la prise en charge prévue. Mais aucun acte dédié n’existe actuellement au sein de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) permettant aux infirmiers d’effectuer ce type de suivi.

Rémunération attractive

De fait, « le modèle économique repose sur des fonds propres des co-fondateurs, ceux des investisseurs et des laboratoires pharmaceutiques acceptant de financer des parcours-patients sur des molécules qui ne sont pas nécessairement les leurs », se félicite Florence Ambrosino.

Continuum + assure ainsi la rémunération des infirmiers, sur une base de 25 euros par visite. La start-up a par ailleurs décidé de participer à une expérimentation article 51* dans la région Grand Est, « car pour entrer dans le droit commun, il faut passer par une étude d’impact ou une expérimentation. »

Cette expérimentation a débuté en décembre 2021 pour trois ans. Dans ce cadre exclusivement, les visites sont rémunérées 20,50 euros. « D’un point de vue financier, le montant des consultations est appréciable, surtout comparé aux tarifs de nos autres actes », estime Marion Norrault.

Depuis 2018, 2 600 infirmiers ont participé à AKO@dom, dont 600 dans le cadre de l’expérimentation article 51. 3 000 patients ont, eux, bénéficié du suivi, dont 620 dans le cadre de l’article 51.

* L’expérimentation se déroule avec le réseau de cancérologie Grand Est NEON et les hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Laure MARTIN

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Cet article est paru dans ActuSoins Magazine
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