Grève des cliniques privées : suivie par les médecins, pas par les soignants

La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) appelle à une grève de trois jours, entre le 3 et 6 juin, totale et reconductible, dans les cliniques privées à but lucratif qu’elle représente. Un mouvement inédit en réponse à la hausse des tarifs pour ce secteur, qu’elle estime trop faible. Il est soutenu par des syndicats de médecins libéraux mais pas par ceux des soignants du privé.

© hxdbzxy / ShutterStock

Le mouvement, très rare, de grève des cliniques privées à but lucratif, annoncé pour trois jours début juin par la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), va entraîner la fermeture de certains établissements et notamment de services d’urgences et d’obstétrique, a déclaré son président, Lamine Gharbi.

Seules quelques activités seront maintenues comme la dialyse et les soins aux personnes déjà hospitalisées. Mais en vue de cette grève, une diminution progressive de l’activité commencera entre le 15 et le 20 mai, a-t-il indiqué à l’APM, pour que le nombre de patients pris en charge pendant les jours de grève soit le plus bas possible.

Les interventions chirurgicales déjà prévues à ces dates seront d’ailleurs déprogrammées. Cela va impacter les soignants de ces établissements. Durant les jours de grève de leurs clinique, ils seront payés, a précisé le président de la FHP à l’APM, et ils se verront proposer des formations, des travaux de certification et des réunions ou pourront porter ces jours sur leurs compte épargne temps, selon le choix des établissements.

Motifs financiers

Les syndicats de soignants du privé – CGT, FO, Unsa et CFDT – ne se sont pas associés à ce mouvement, que la plupart d’entre eux identifient comme une démarche patronale, décidée par les dirigeants et actionnaires des cliniques du secteur privé lucratif.

La raison de cette grève, un bras de fer entre les établissements et groupes de ce secteur et le gouvernement, est en effet financière. La FHP entend exprimer par ce biais son indignation face à la faiblesse de l’augmentation des tarifs des prestations des cliniques privées en médecine, chirurgie et obstétrique notamment, annoncée fin mars par le ministère de la Santé et qui s’applique à ces cliniques depuis le 1er mars.

Tandis que les tarifs des établissements publics et privés à but non lucratif augmentent de 4,3%, la hausse de ceux des cliniques du secteur lucratif est limitée à 0,3%. Cette différence va entraîner plus de 500 millions de pertes pour ces derniers, a estimé Lamine Gharbi à l’APM. Selon lui, le déficit des cliniques privées à but lucratif atteindra 800 millions fin 2024 et 60% des établissements du secteur connaîtront un déficit cette année (contre 40% en 2023).

Entre 2013 et 2024, a-t-il ajouté, les tarifs des cliniques relevant de la FHP ont augmenté de 9 points contre 20 points pour ceux des hôpitaux publics. Le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, a justifié la différence d’augmentation des tarifs par la « forte croissance » de l’activité dans le secteur privé, qui se répercute sur la santé économique des groupes et établissements. Mais pour la FHP, cette différence de traitement n’est pas injustifiée. « Il n’y a aucune différence entre les missions accomplies par l’hospitalisation publique et par l’hospitalisation privée au service des patients, à autorisation d’activité identique », martèle la fédération, qui réclame au gouvernement une rallonge de 500 millions d’euros. « On nous stigmatise au lieu de nous protéger », a déploré son président à l’APM.

Deux poids, deux mesures ?

De nombreux syndicats de médecins libéraux soutiennent le mouvement de grève dans les cliniques privées (Avenir-Spé-Le Bloc, CSMF, FMF, MPD, SML et UFML). Il n’est pas possible aujourd’hui de savoir dans quelle mesure les médecins libéraux, dont ceux exerçant dans les cliniques suivront ce mouvement.

Mais l’Union des chirurgiens de France (membre d’Avenir-Spé-Le Bloc), par exemple, juge par exemple que les chirurgiens du privé doivent « tous arrêter tout » le 3 juin.

Le collectif Inter blocs (CIB), association professionnelle pour les IBODE et IDE de bloc opératoire, s’est insurgé contre cette prise de position. Il s’agit selon lui d’une « preuve de plus que l’UCDF agit seulement dans l’intérêt des chirurgiens libéraux et non des patients ». Quand le CIB appelle à la mobilisation des Ibode pour faire reconnaître leur profession, argumente Grégory Chakir, membre du bureau national du collectif, ce syndicat de chirurgiens s’offusque qu’un tel mouvement porte atteinte au fonctionnement des blocs et oblige le report d’interventions. Mais aujourd’hui, ajoute-t-il, « paralyser les blocs et reporter des opérations pour des raisons financière, parce qu’ils se sentent lésés, ne leur pose pas de problème. Ils annoncent ici que c’est leur propre intérêt qui compte ». Ce qui pose, selon lui, des questions sur le plan « déontologique et éthique ».

Géraldine Langlois

Je m'abonne gratuitement à la newsletter

Abonnez-vous au magazine Actusoins pour 14€90/an