La prise en charge des consommateurs de crack*, un dérivé fumable de la cocaïne, est devenu un défi de santé publique.
Toutes les régions sont concernées, l’Île-de-France en particulier : Paris et la Seine-Saint-Denis sont les seuls marchés organisés de France (selon L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies). « Le circuit des trafics conjugué à des situations de vie très difficiles, exacerbe ici un problème devenu plus visible depuis quelques années », précise la direction de l’Agence régionale de santé francilienne.
Fin 2022, le Ministère de la santé a lancé un dispositif qui fait appel à la solidarité entre régions pour mobiliser des places dans des structures de soins addictologiques résidentiels, comme les CSAPA, à même de prendre en charge ces usagers, en sevrage et post sevrage. « La rupture géographique est essentielle », confie-t-on à l’ARS Île-de-France qui délocalise une cinquantaine de consommateurs parisiens. Douze régions (hors Corse et Outremers) participent au dispositif piloté et coordonné par l’ARS Île-de-France.
La cinquantaine d’établissements – CSAPA résidentiel, Communauté thérapeutique, Soins Médicaux et de Réadaptation en Addictologie (SMR-A), Famille d’accueil, Appartement thérapeutique relais – qui ont répondu présent offrent toute une diversité d’accompagnement. « Il faut être volontaire pour s’éloigner des lieux où l’on a l’habitude de se procurer cette drogue, se ”dépayser”», précise Catherine Choma, directrice de la santé publique à l’ARS Occitanie.
Traitement médical et étayage éducatif
L’an dernier, dix à onze places ont été affectées au dispositif dans cette région qui est la première à avoir accueilli des fumeurs de crack autrement nommé « free base » dans ce cadre. Des soignants formés aux addictions y interviennent ainsi que des travailleurs sociaux. Avec une particularité : l’ARS Occitanie a mis en place, à Montpellier, un sas de réorientation dans le Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) où deux places sont dédiées à l’année. « Ce dispositif expérimental devrait bientôt être déployé ailleurs », indique Catherine Choma.
« Ils viennent ici pour un séjour de rupture de 6 semaines pendant lequel ils vont vivre une expérience de soins sans consommation de produit », indique Jean-Christophe Dubois directeur de ce CSAPA qui accueille en cure, deux ou trois usagers en file active. « Le crack est assez addictif et les fenêtres de lucidité où ces usagers disent ”je veux arrêter” sont assez courtes. Il faut pouvoir répondre assez rapidement », ajoute-t-il. « Avoir, dans les territoires, des structures fléchées, permet aux gens de venir plus facilement. » La prise en charge est nécessairement globale.
Au CSAPA de Montpellier ils bénéficient d’un traitement médical adapté et d’un étayage éducatif. En fonction des vécus, des stratégies d’évitement spécifiques sont proposées. «Il est plus facile de contenir un usager qui n’a plus ses habitudes de quartier où se fournir… », constate Jean-Christophe Dubois.
L’objectif est de stabiliser ces usagers et de commencer un sevrage, avant de les diriger vers d’autres structures compétentes (l’Occitanie en mobilise neuf pour les accueillir). « Si l’un d’eux à un projet personnel, nous faisons en sorte qu’il puisse le lancer – après son séjour ici », ajoute le directeur.
Éducation et soins adaptés
Ces usagers apprennent à lâcher un moment addictif répétitif, très usant qui a des conséquences sur la santé. Certains usagers présentent des comorbidités somatiques telles que lésions cutanées, plaies, problèmes cardiaques ou pulmonaires… – qui nécessitent un accompagnement médical et infirmier. Le sas héraultais est précisément formé et équipé. « Le crack est une dINFrogue particulière, son effet est beaucoup plus bref mais plus intense que la cocaïne pure, ce qui entraîne une consommation accrue », explique Dorian Mas, infirmier au CSAPA
Dans le cadre d’un sevrage de crack (comme pour la cocaïne), l’effet craving – envie irrépressible de consommer – est un peu plus fort. Pendant cette période de ”crash” où, dans sa lutte contre la compulsion à consommer, le crackeur peut être sujet à de l’agitation. Le CSAPA de Montpellier propose un traitement à forte dose d’acétylcystéine (Mucomyst). « Ça marche bien, on donne généralement 3 ou 4 sachets par prise, soit 9 à 12 sachets par jour. Ça les pose », indique l’infirmier. « Il y a peu d’études sur ce sujet, c’est encore expérimental, mais l’efficacité est assez remarquable. »
Pendant son séjour au CSAPA Montpellier, le consommateur de crack travaille aussi sur la suite de son parcours de soin. « Nous nous adaptons, s’il a un projet de post cure nous l’accompagnons sur cette post cure pour qu’il puisse durer plus longtemps dans le soin », note l’infirmier. « Cette population est le plus souvent précaire, nous essayons de poser des objectifs assez simples pour qu’ils y arrivent », précise l’infirmier. « On ne peut pas tout faire en 6 semaines, nous les accompagnons petit à petit sur leur projet. »
Le cas échéant, ils partent dans une structure plus adaptée – centre de post cure, communauté thérapeutique, dispositif d’addictologie – pour une prise en charge de long terme**. « Nous faisons tout ce travail de réorientation », indique Jean-Christophe Dubois. « Cela montre qu’une micro structure, une petite unité à échelle humaine hors Paris, peut contribuer à la réhabilitation et a vocation à se multiplier parce qu’elle donne des résultats. » Selon ce directeur, certains usagers ne veulent plus retourner à Paris. « Ils adhèrent – en tout cas momentanément – plus que certains autres dépendants. »
L’ARS Île-de-France pilote l’opération avec un chargé de mission, IDE de formation, qui coordonne les orientations. « Il fait le lien entre les professionnels des différentes régions, à l’instar des bed managers hospitaliers », indique Catherine Choma. En bref, il organise les échanges entre les structures pour une prise en charge optimale. « Il y a des personnes pour qui ça marche », indique la directrice de la Santé Occitanie, « mais les rechutes sont possibles. » Fin 2023, 77 usagers ont été orientés et accueillis en région***.
Myriem Lahidely
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* Le crack, une cocaïne basée, c’est-à-dire coupée avec du bicarbonate ou de l’ammoniac, est une drogue moins chère que la cocaïne, autrement dite ”cocaïne du pauvre”.
** En Occitanie 2 communautés thérapeutiques – CSAPA du Val d’Adour (Hautes-Pyrénées) et Le Mas Saint-Gilles (Gard) – et Intermède, une section d’appartement thérapeutique à Castlenaudary (Aude), accueillent des usagers dans le cadre de ce plan crack.
*** Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), le nombre de “crackeurs” est passé en France, de 12 800 usagers de 15 à 64 ans en 2010 à 42 800 en 2019, dont 13000 à Paris.
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