Surveillance et gestion de la péridurale : Guide infirmier

Surveillance et gestion de la péridurale : Guide infirmier

La surveillance de la péridurale nécessite une compétence et une vigilance accrues, notamment de la part des infirmiers.

La ponction péridurale est réalisée à l’aide d’une aiguille de Tuohy, une aiguille dotée d’une extrémité courbée en biseau, dite « en forme de crayon », pour réduire le risque de perforation accidentelle de la dure-mère. Cette courbure facilite également l’insertion d’un cathéter dans l’espace péridural en offrant un meilleur contrôle de la direction de celui-ci. © DAndreev/ShutterStock

La péridurale est une méthode d’anesthésie loco-régionale qui joue un rôle crucial dans la gestion de la douleur, tant pour l’analgésie périopératoire et post-opératoire de diverses interventions chirurgicales que pour l’analgésie obstétricale.

Cette technique est particulièrement bénéfique lors de chirurgies abdominales et thoraciques, où une gestion efficace de la douleur est essentielle pour la récupération du patient. En obstétrique, la péridurale est souvent choisie pour soulager les douleurs de l’accouchement. En offrant une analgésie efficace et prolongée, elle améliore considérablement le confort et le bien-être des patients.

Pose de cathéter

La pose de péridurale commence par l’insertion d’un cathéter dans l’espace péridural situé au niveau du rachis lombaire du patient. Cette procédure est réalisée par un médecin anesthésiste-réanimateur ou un interne d’anesthésie à l’aide d’une aiguille de Tuohy. Une fois le cathéter en place, il peut être laissé pendant plusieurs heures ou même plusieurs jours, en fonction des besoins spécifiques du patient et du type d’intervention. En obstétrique, le cathéter permet de maintenir l’analgésie pendant la durée du travail et de l’accouchement, alors qu’en contexte chirurgical, il peut rester en place pour une période prolongée afin de gérer la douleur post-opératoire.

Lors de la pose de la péridurale, l’infirmier joue un rôle à la fois auprès du patient et auprès du médecin qui insère le cathéter. En ce qui concerne le patient, il explique le geste et le déroulement de l’intervention, et veille à ce que celui-ci soit correctement installé, généralement en position assise avec le dos arrondi. Cette posture est essentielle pour optimiser l’accès à l’espace péridural : plus le patient est détendu et le dos bien courbé, plus l’espace entre les vertèbres s’ouvre, rendant la ponction plus aisée. En parallèle, l’infirmier assiste le médecin en préparant le matériel stérile nécessaire et en s’assurant du respect strict des règles d’asepsie.

Analgésie

Le cathéter péridural sert de conduit pour l’administration de divers médicaments. Les anesthésiques locaux, tels que la bupivacaïne, la levobupivacaïne, la lidocaïne, et la ropivacaïne, sont couramment utilisés pour anesthésier la région cible et bloquer la transmission des signaux de douleur au cerveau. En plus des anesthésiques locaux, des adjuvants comme le sufentanil, la morphine et la clonidine, peuvent être ajoutés pour améliorer l’efficacité de l’anesthésie et prolonger sa durée.

Péridurale : Surveillance infirmière

Lorsque la pose de la péridurale se fait au bloc opératoire, la surveillance peropératoire est réalisée par l’infirmier anesthésiste sous la responsabilité du médecin anesthésiste. En post-opératoire, cette surveillance est reprise par l’infirmier de salle de réveil, puis par celui du service de chirurgie. Lorsque la pose a lieu en salle de naissance, la surveillance est réalisée par l’infirmier du service ou la sage-femme, en collaboration avec l’infirmier anesthésiste. Une surveillance rigoureuse est essentielle pour garantir l’efficacité de la péridurale, détecter rapidement les complications potentielles et ajuster le traitement en fonction de l’état du patient.

Les éléments de surveillance comprennent :

  • La prise des paramètres vitaux : fréquence cardiaque (FC), saturation en oxygène (SpO2), tension artérielle (TA), fréquence respiratoire (FR).
  • L’évaluation de la douleur à l’aide d’outils d’évaluation tels que l’Échelle visuelle analogique (EVA), l’Échelle verbale simple (EVS) ou l’échelle numérique. 
  • L’évaluation du degré du bloc moteur à l’aide du score de Bromage (il ne doit pas y avoir de bloc moteur) :
    • – 0 = absence de bloc moteur (le patient peut fléchir les hanches, les genoux et les pieds)
    • – 1 = incapacité du patient à surélever les jambes étendues mais fl exion des genoux et des pieds possible
    • – 2 = incapacité à fléchir les genoux mais flexion des pieds possible
    • – 3 = incapacité à fléchir les pieds  
  • La vérification de la conscience.
  • La surveillance de l’apparition d’effets secondaires. 
  • La vérification de l’aspect du point d’entrée du cathéter pour détecter toute infection.
  • La vérification de la bonne connexion et de la fixation du cathéter.
  • La vérification du réglage de la PCEA (Analgésie contrôlée par le patient) selon la prescription médicale.
  • L’évaluation de la reprise de la diurèse et la vérification de l’absence de globe vésical.

Il n’existe pas de consignes particulières pour les patients porteurs d’une péridurale en post-opératoire dans les services de chirurgie, à l’exception de ne pas se lever ou marcher seuls. Ils peuvent dormir sur le dos, mais doivent éviter de le frotter pour ne pas déplacer le cathéter. En général, la péridurale est utilisée pour des interventions lourdes, le patient en convalescence ne se mobilise donc que très peu.

Le rythme de surveillance doit être strictement respecté pour prévenir et identifier les complications à un stade précoce.

  • Le médecin qui pose la péridurale effectue une surveillance rapprochée de vingt minutes après l’administration de la dose test, pour s’assurer d’une absence d’intoxication aux anesthésiques locaux.
  • Durant les quatre à six premières heures suivant l’insertion du cathéter péridural, une surveillance horaire est impérative. Cette période est critique car le risque de complications est le plus élevé.
  • Passé ce délai, la fréquence des contrôles peut être espacée, généralement toutes les six heures, en fonction de l’état clinique du patient. Un ajustement peut être nécessaire si l’état du patient évolue.

Pour tout problème détecté il est impératif d’appeler immédiatement le médecin anesthésiste-réanimateur (MAR) selon le protocole de l’établissement.

Péridurale : Gestion du pansement

Sauf indication contraire d’un protocole de service, le pansement est en général changé tous les deux à trois jours. S’il est souillé ou si les bords se décollent, il est remplacé plus tôt. La zone autour du site d’insertion est nettoyée avec une solution antiseptique, puis laissée à sécher à l’air avant l’application d’un nouveau pansement stérile. Lors du changement, il est important de décoller doucement le pansement pour éviter de tirer sur le cathéter, et d’éviter l’utilisation de ciseaux pour prévenir le risque de section.

Le nouveau pansement en place, transparent pour permettre de visualiser le site d’insertion, adhère totalement à la peau. L’objectif principal est de minimiser le risque d’infection tout en maintenant l’intégrité du dispositif.

Péridurale : complications et effets secondaires

Bien que la péridurale soit considérée comme une méthode sûre et efficace elle peut entraîner certaines complications. Ces dernières peuvent varier en gravité :

  • Bradycardie : une diminution de la fréquence cardiaque peut survenir
  • Hypotension artérielle : une des complications les plus courantes causée par la vasodilatation induite par la péridurale
  • Brèche durale : ponction accidentelle de la dure-mère
  • Péridurale extensive
  • Rachianesthésie totale
  • Hématome péri-médullaire
  • Abcès péridural
  • Asymétrie d’analgésie
  • Anesthésie sous-durale : administration accidentelle sous la dure-mère
  • Intoxication aux anesthésiques locaux : l’absorption systémique excessive des anesthésiques locaux peut provoquer des symptômes de toxicité, y compris des convulsions, une arythmie cardiaque et, dans les cas extrêmes, un arrêt cardiaque.

La péridurale peut également provoquer des effets secondaires.

  • Dépression respiratoire
  • Bloc moteur des membres inférieurs
  • Nausées/vomissements
  • Prurit
  • Analgésie insuffisante
  • Infection sur cathéter
  • Douleurs lombaires ou dorsales. 

Infirmiers cadre législatif

Le cadre législatif confère aux infirmiers une responsabilité significative dans la gestion de la péridurale. En pratique, cela signifie que les infirmiers doivent être formés et compétents pour évaluer et gérer la douleur, ainsi que pour administrer les médicaments de manière sécurisée via les cathéters périduraux. Ils doivent également être en mesure de reconnaître et de réagir rapidement aux complications potentielles, garantissant ainsi une prise en charge optimale et sécurisée des patients. Leur intervention s’inscrit dans un cadre juridique qui met l’accent sur la surveillance, le rôle propre et le rôle prescrit.

Surveillance de la douleur

L’article R.4311-2 du Code de la santé publique (CSP) stipule que l’infirmier participe activement à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes. Ce rôle fondamental s’étend à diverses situations cliniques, y compris la gestion des dispositifs de péridurale.

L’article R.4311-5 du CSP indique que dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier est tenu d’évaluer la douleur. Cette évaluation est essentielle pour adapter les soins et assurer une prise en charge efficace de la douleur, particulièrement importante dans le contexte de l’utilisation d’un cathéter péridural.

L’article R.4311-8 du CSP précise que l’infirmier est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques dans le cadre de protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Cela permet une réponse rapide et adaptée aux besoins changeants des patients sous péridurale.

Administration de médicaments dans un cathéter péridural

Les infirmiers sont autorisés à effectuer des réinjections de médicaments à des fins analgésiques dans les cathéters périduraux, sur prescription médicale, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment (article R.4311-9 du CSP). L’IADE, quant à lui, est habilité à gérer les dispositifs d’anesthésie loco-régionale dont fait partie la péridurale (article R.4311-12 du CSP) et prend en général en charge la péridurale pendant toute la durée de l’intervention. Il est souvent présent lors de la pose, travaillant en binôme avec le médecin anesthésiste réanimateur.

En salle de naissance

En 2021, l’enquête nationale périnatale a montré que 82 % des femmes accouchaient avec une péridurale, faisant de la France le pays où cette anesthésie est la plus couramment utilisée dans ce cadre. La péridurale est une analgésie efficace pour le travail et l’accouchement dans plus de 98 % des cas. Elle offre également une analgésie adéquate en cas de manoeuvres d’extraction instrumentale ou de césarienne en urgence, ce qui permet d’éviter les risques associés à l’anesthésie générale.

Au-delà du choix de la mère, certaines indications obstétricales et médicales peuvent rendre cette intervention nécessaire. Les indications obstétricales incluent la présentation du siège, la grossesse gémellaire, l’utérus cicatriciel, les anomalies d’insertion placentaire. Les indications médicales englobent les antécédents d’hémorragie du post partum sévère, l’obésité morbide, les facteurs de risque d’intubation difficile ainsi que les contre indications aux efforts expulsifs, telles que le pneumothorax et certaines pathologies ophtalmologiques.

Aucune dilation minimale n’est requise pour administrer une péridurale, tant que le travail est en cours. De même, aucune dilatation maximale ne contre-indique la pose, sauf si la naissance du bébé est imminente.

Julie VIOLET
IADE, Master en pédagogie en sciences de la santé

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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazineactusoins magazine pour infirmière infirmier libéral
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