Les soignants dans la rue pour sauver l’hôpital public

C’est leur amour pour leur métier, mais surtout leur volonté de pouvoir soigner les patients dans des conditions optimales, que les professionnels de santé sont venus clamer dans les rues de Paris, en ce jour de Saint-Valentin. ActuSoins y était, au pied de l’hôpital Necker, point de départ de la manifestation revendiquant plus de moyens pour l’hôpital public.

Les soignants dans la rue pour sauver l’hôpital public

© L.Martin

« Je passe ma journée à m’excuser auprès des parents, de ne pas pouvoir passer assez de temps avec leurs enfants, dénonce Julie, infirmière à l’hôpital pédiatrique Robert Debré. J’ai honte de travailler dans de telles conditions. On crie à l’aide et on nous répond qu’on ne sait pas s’organiser… On n’a même pas le temps de manger, de boire ou d’aller aux toilettes. »

Dégradation des conditions de travail

Manque de personnels, pénibilité non reconnue, salaires au rabais : les témoignages se succèdent et les revendications aussi. Le Plan Hôpital annoncé par la ministre de la Santé en fin d’année dernière fait doucement sourire les soignants aujourd’hui dans la rue.

« Ses annonces ne suffisent pas, souligne Céline, Infirmière depuis 12 ans au service des urgences de Tonnerre. C’est comme si nous donnions du Doliprane au lieu de la morphine à un patient qui a les deux jambes cassées. »

Les soignants qui ont répondu, en ce 14 février, à l’appel à la grève et à la manifestation de 14 organisations syndicales et professionnelles pour sauver l’hôpital public, veulent montrer à quel point « la situation dans leur service est grave ».

« Cela fait 29 ans que je suis infirmière en psychiatrie, témoigne Patricia, Infirmière à l’hôpital Giraud de Villejuif. Les conditions de travail se sont dégradées, avec des fermetures de lits et un manque de personnels. »

L’augmentation du nombre de soignants dans les services fait partie des principales revendications des professionnels de santé. « Les départs en retraite ne sont pas remplacés, les arrêts maladies sont donc plus nombreux et nous ne sommes plus en nombre suffisant pour bien travailler », poursuit Patricia.

Augmentation des salaires

Les soignants dans la rue pour sauver l’hôpital public

© L.Martin

Bien entendu, ce n’est pas qu’en psychiatrie que les infirmiers font défaut. C’est aussi le cas en pédiatrie, en anesthésie, aux blocs, aux urgences. Attirer le personnel passe par de meilleurs salaires. « En dehors de 100 euros brut d’augmentation tous les quatre ans, mon salaire n’a pas bougé », constate tristement Patricia.

« L’indice n’a pas augmenté depuis dix ans, renchérit Céline du service des urgences de Tonnerre. Nous travaillons de nuit, les weekends, les jours fériés, nous vivons en décalé avec nos familles, ce n’est pas facile. Nous n’avons aucune reconnaissance. »

Ce qui fait également défaut au sein de cet hôpital de proximité, c’est le matériel. « Tout est vieillissant, cela nous inquiète beaucoup, explique-t-elle. Rien n’est renouvelé, nous voudrions ne serait-ce que des brancards qui roulent. » Et de poursuivre : « Nous sommes un hôpital de proximité et nous avons failli fermer les urgences la nuit. Nous nous sommes battus pour que ce ne soit pas le cas mais nous avons l’impression que le gouvernement souhaite garder les gros hôpitaux et nous tuer. Notre laboratoire a d’ailleurs déjà fermé. »

Plus de reconnaissance

© L.Martin

Est-ce qu’un meilleur salaire ferait accepter la pénibilité qui caractérise, pour les soignants, leur journée de travail ? Rien n’est moins sûr… Pour Marine, infirmière pédiatrique à l’hôpital Robert Debré, c’est tous les jours les heures supplémentaires non payées.

« Légalement, nous devons travailler en 12 heures mais il n’y a pas un jour où je ne pars pas au minimum une heure plus tard, souligne-t-elle. Je ne suis pas payée pour autant car l’hôpital devrait alors reconnaître qu’on fait plus de 12 heures ce qui n’est légalement pas possible. »

« Nos conditions de travail sont dégradées, la pénibilité n’est pas reconnue, poursuit Martine, infirmière anesthésiste (Iade) au Centre hospitalier régional d’Orléans. Nos horaires sont flous, nous travaillons en moyenne entre 50 et 80 heures par semaine puisque nous enchaînons les gardes. »

Conséquences : la fatigue s’installe, l’efficacité s’amoindrit et la prise en charge du patient en pâtit. « Hier, ma collègue Iade en gynécologie a du prendre en charge neuf patientes entre 8h et 17h, raconte Martine. Elles viennent principalement pour des IVG, des prélèvements d’ovocytes, elles sont souvent en pleurs et on n’a plus le temps de s’en préoccuper. Nous sommes de moins en moins dans l’humain. »

Et de poursuivre : « Cette pénibilité est lié au manque de personnel, le turn over est important. J’ai décidé de me mettre à 80 % non pas pour avoir une qualité de vie, mais pour avoir une vie tout simplement car je suis fatiguée. J’en suis réduit à cela, alors que cela va impacter mes cotisations pour ma retraite. Nous voudrions plus de flexibilité dans nos plannings car avec les gardes et les astreintes, c’est notre santé qui en paie le prix. »

Laure Martin

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