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Évaluation des pratiques professionnelles (EPP) des infirmiers : vers une amélioration continue des soins

L’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) des infirmiers répond à des enjeux professionnels et institutionnels. Sa mise en oeuvre à l’hôpital, indissociable de l’engagement de la direction, laisse place à la créativité. Exemples au CHRU de Tours et à l’hôpital Foch de Suresnes.

Un dossier perdu, des résultats de soins indésirables, des retours négatifs de patients… La démarche d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) vise à réduire les pratiques non adaptées aux besoins du patient en faisant bénéficier à chacun de soins efficaces, efficients, sûrs et conformes aux données actualisées de la science. Les méthodes (voir ci-dessous) permettent d’analyser sa pratique au regard de la pratique idéale attendue (recommandations, protocoles, procédures de soins…). De cette confrontation émergent les actions d’amélioration.

Loin de se réduire aux dysfonctionnements, l’EPP des infirmiers se définit aussi par l’interrogation des pratiques innovantes. On le sait, les bonnes pratiques précèdent souvent les réglementations… « C’est une démarche que les professionnels aiment, à condition que les choses soient encadrées, portées et inscrites institutionnellement. Cela permet de valoriser les professionnels qui ont souvent tendance à banaliser les pratiques intéressantes qu’ils ont mises en place et qui améliorent la qualité des soins », souligne Christine Moriceau, directrice des soins et des parcours, en charge de la coordination générale des soins au CHRU de Tours.

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°54 d’ActuSoins magazine (septembre 2024).

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« Il est important d’être force de proposition dans l’évolution de nos propres pratiques pour les démontrer. Cela signe la dynamique de nos professions. En rhumatologie, nous avons par exemple autorisé un exercice à 50 % de musicothérapie pour une infirmière diplômée en musicothérapie, en ayant auparavant mesuré l’impact sur la gestion de la douleur et la manière dont cela prend place concrètement dans une prise en charge globale. »

Aujourd’hui, le terme semble presque désuet, tant l’EPP recouvre des aspects divers, incluant la formation continue, la recherche en soins infirmiers, la coordination des soins et le développement des compétences. Alors qu’en 2009 des critères d’évaluation de la pratique pour les soins infirmiers étaient proposés par la HAS sur huit thèmes spécifiques (les chambres à cathéter implantables, l’isolement en psychiatrie, le dossier de soins infirmiers du malade à domicile…), les méthodes d’EPP ne font plus l’objet de suivi spécifique de la HAS, ni de nouveaux développements. Certaines ont néanmoins servi de base à la définition de méthodes pour le dispositif « Développement professionnel continu (DPC) » et les actions d’EPP font partie des obligations triennales dans le cadre des actions de DPC (action de formation, action d’évaluation de pratique professionnelle et action degestion des risques). Cette approche prend également place dans la certification périodique des professionnels de santé (ordonnance n° 2021-961 du 19 juillet 2021).

Les différentes approches

  • Les approches par l’analyse de cas : CREX (Comité de retour d’expérience), RMM (Revue de mortalité et morbidité) liées à la déclaration d’EI : espaces collaboratifs (revues de dossiers, staffs EPP, groupes de pair, réunions de concertations pluridisciplinaires)
  • Les approches par les standards de soins (audit clinique, revue de pertinence des soins, chemin clinique, patient ou étudiant traceur)
  • Les approches par la mesure (indicateurs de performance : processus, résultats)

Source : Formation à l’intention des professionnels des 3C Le 15 septembre 2022 en Webinaire, Dr Catherine Pourin et Bénédicte Guerrier, Ccecqa

Démarche protéiforme et enjeux d’attractivité

L’évaluation des pratiques professionnelles se déploie de manière protéiforme, au niveau national, régional et local : référentiels de prise en charge, projet d’établissement, contractualisation de pôle, campagne de mesures des indicateurs de qualité et sécurité des soins (IQSS), préparation à la certification HAS, déclaration des événements indésirables (EI), mesure de la satisfaction des patients… Ce développement de la culture qualité chez les soignants est intégré à la pratique individuelle et en équipe, à la formation continue et aux orientations stratégiques de l’établissement.

L’objectif ? Augmenter la sécurité, l’efficacité et l’efficience des soins. « Sans évaluation des pratiques, on prend d’énormes risques dans la pertinence de nos soins et dans nos formations. C’est la performance du système qui est en jeu », assure Christine Girault, directrice des soins, en charge de la coordination générale des écoles et des instituts au CHRU de Tours. L’EPP répond ainsi à des enjeux professionnels (maintien de la qualité des soins, harmonisation des pratiques, espaces de travail collaboratifs à retrouver) et à des enjeux institutionnels (orientation stratégique du projet d’établissement, image et attractivité…), résument le Dr Catherine Pourin et Bénédicte Guerrier (Formation en Webinaire, 15 sept 2022, Ccecqa).

Le développement de la culture qualité chez les soignants passe par la pratique d’une EPP au fil de l’eau. Au cours d’une transmission ciblée par exemple, les évènements indésirables seront tracés afin de mettre en place en temps réel une démarche de prévention des risques.

Recherche d’amélioration continue

Autre approche proactive : le choix d’une thématique qui correspond à une prise en charge diagnostique, thérapeutique ou préventive fréquente, grave ou coûteuse, avec un potentiel d’amélioration de la pratique. À l’hôpital Foch, à Suresnes, 343 paramédicaux ont ainsi suivi en février 2024 une formation institutionnelle sur la bientraitance dans le soin. Les échanges autour des différentes situations vécues dans la relation au patient ont permis d’identifier des situations emblématiques à travailler, avec un ancrage dans la réalité du quotidien des soignants. Cadre de santé référente sur la qualité, Laurence Raffin animait de son côté une trentaine d’ateliers interéquipes (brainstorming et vidéos sur des situations de maltraitance ordinaire), lors de la formation d’intégration des nouveaux infirmiers et lors d’animations dans les services de soins.

C’est en observant l’intérêt grandissant des paramédicaux pour la recherche clinique que Dominique Reynaert, la directrice des soins de l’hôpital Foch, a souhaité renforcer en parallèle l’évaluation des pratiques. Un sujet clé pour la fidélisation des professionnels, de plus en plus nombreux à s’impliquer dans des groupes de réflexion et des travaux institutionnels. « L’engagement des professionnels dans les EPP doit satisfaire une recherche d’amélioration continue des pratiques professionnelles et ne pas répondre simplement à un attendu de certification », indique Dominique Reynaert, qui a par ailleurs lancé des audits ponctuels entre pairs sur divers sujets autour des thématiques en lien avec l’intimité, le respect des libertés du patient, la prévention du risque infectieux (les portes fermées, les contentions, les pansements des voies veineuses ou le lavage de mains). Les résultats d’enquête e-satis sont une source intéressante sur les pratiques. La préparation à la sortie a par exemple fait l’objet d’une nouvelle procédure de bonnes pratiques en dix points qui sera évaluée aussi de façon périodique. « J’essaie de challenger les cadres de santé pour qu’ils organisent ces évaluations dans leurs services, en partageant avec leurs équipes les sujets qu’ils veulent traiter, mais surtout en leur imposant le moins de contraintes possible », précise-telle, en insistant sur l’importance « de mettre en valeur ce qui est bien fait ».

Pour qu’elle soit intéressante pour les équipes, la démarche d’EPP doit être intégrée dans une approche globale et continue de l’offre de soins. Christine Girault, directrice des soins, en charge de la coordination générale des écoles et des instituts au CHRU de Tours, en est convaincue : « C’est une véritable acculturation des personnels. On ne peut considérer l’EPP sans penser la recherche, la qualité et la gestion des risques ». La mise en place de ce processus dynamique conduisant l’ensemble des professionnels vers l’amélioration continue de la qualité de la prise en charge des patients.

La mise en œuvre d’une EPP (évaluations des pratiques professionnelles)

  • Choisir les thèmes et définir leurs objectifs
  • Faire valider (cohérence institutionnelle entre les différentes approches et les ressources à mobiliser)
  • Choisir la méthode d’évaluation en fonction des objectifs (audit clinique, revue de pertinence, chemin clinique)
  • Identifier les acteurs du projet et leurs rôles
  • Planifier et réaliser les EPP
  • Restituer et valider les résultats
  • Définir les plans d’action d’amélioration
  • Faire le suivi des actions et mesurer les résultats

Source : Formation à l’intention des professionnels des 3C Le 15 septembre 2022 en Webinaire Dr Catherine Pourin et Bénédicte Guerrier, Ccecqa

Gaëlle DESGREES DU LOU

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