Coopération : quand les infirmiers exécutent des actes médicaux

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Effectuer des actes de soins qui ne figurent pas dans son décret de compétences n’est jamais anodin, même si un protocole a été signé. Pourtant, depuis la loi du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST), le développement de la coopération entre professionnels de santé est fortement encouragé. La pratique fait débat au sein de la communauté infirmière et médicale. 

Coopération : quand les infirmiers exécutent des actes médicaux

Anesthésie locale avant la réalisation d'un myélogramme en région iliaque - © http://www.leucemie-espoir.org

Marseille. Institut Paoli Calmettes. Dans une salle qui juxtapose le service de chirurgie ambulatoire, Hélène Fumat, infirmière, effectue un myélogramme. Jusqu’à présent réservé aux seuls médecins, cet examen est depuis un an également pratiqué par quelques infirmières de ce centre de lutte contre le cancer.

Une réalité de terrain, réglementée par un protocole établi dans le service, et validé par la Haute Autorité de Santé ainsi que par l’Agence Régionale de Santé de la région.

 « Les protocoles de coopération se développent un peu partout en France. Le but  principal étant de garantir aux patients un accès aux soins de qualité tout en optimisant le parcours de soins » explique Liliana Jovic, référente coopération pour l’ARS Ile-de-France.

C’est ainsi que dans certaines régions, les infirmières volontaires peuvent se voir attribuer des actes comme des échographies ou encore des suivis en consultation de malades chroniques. Une pratique qui ne met pourtant pas tout le monde d’accord. « On est particulièrement réservé » explique Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI). « Tout d’abord parce que ces protocoles représentent des risques.  Même si l’article 51 de la loi HPST réglemente la coopération, rien ne figure dans le décret de compétences. S’il y a procès en responsabilité civile, on ne sait pas ce que ça peut donner, car il se peut que l’acte soit jugé comme exercice illégal ».

Un cadre réglementaire qui mériterait révision ? Une formation aussi, d’après les ordres professionnels. Dans un communiqué datant de 2010, le Comité de liaison des institutions ordinales (CLIO secteur santé) pourtant en faveur du développement de la coopération entre professionnels de santé, désapprouve la façon de faire. « Ces protocoles ne comportent  aucune garantie pour les usagers sur les qualifications et les compétences des professionnels impliqués, ainsi que sur la régularité et les modalités de leur exercice » souligne le communiqué.

Car les formations, obligatoires pour le personnel concerné, ne seraient ni vérifiées, ni réglementées. « D’autre part, le suivi annuel se fait sur la base de l’autoévaluation. En clair, on va demander au médecin que ça arrange et qui est à l’initiative du protocole, s’il est satisfait », ajoute Thierry Amouroux, dénonçant ainsi un manque d’objectivité.

À qui profite vraiment la coopération ?

Aux patients en premier lieu, qui ont un temps d’attente moindre et une relation privilégiée avec les infirmières, selon les Agences Régionale de Santé.  Aux hôpitaux et à l’assurance maladie car cette pratique génère de grosses économies - une consultation et un salaire d’infirmière sont moins onéreux qu’une consultation et un salaire médicaux -. Aux médecins, dont les effectifs diminuent et qui peuvent ainsi se décharger de certaines tâches.

À certaines infirmières aussi. « Je prends ça comme de la reconnaissance » explique Hélène, l’infirmière des myélogrammes. Pour Thierry Amouroux cette valorisation serait « illusoire ». « Il y a toujours des gens qui veulent aller au-delà, mais ont-ils vraiment les compétences pour cela ? » s’interroge-t-il. Côté salaire, Hélène bénéficie d’une prime d’environ 150 euros à la fin du mois, pour ses responsabilités supplémentaires. Une revalorisation salariale, qui est propre à l’Institut Paoli Calmettes car ailleurs en France, en général, cette augmentation n’est pas courante. Les infirmières effectuent des actes médicaux non légiférés, sans aucune compensation.

Des solutions alternatives ?

Si les protocoles de coopération permettent de régulariser des situations existantes, ils ne règleraient pas pour autant la reconnaissance de la compétence infirmière. Ces protocoles, signés entre personnes, confineraient aussi les infirmières désireuses de ces pratiques à leurs seuls services. « Si le médecin initiateur du protocole change de service ou d’hôpital, l’infirmière retourne à la case départ et ne peut plus continuer cet exercice ». Pour Thierry Amouroux, la solution réside dans une reconnaissance officielle et nationale de ces pratiques, avec une rémunération et une formation conséquentes. « Plutôt que cette coopération, propre à chaque hôpital et à chaque service, nous sommes en faveur de pratiques avancées dans un cadre clair. Des pratiques autorisées après l’obtention d’un master 2, comme dans d’autres pays d’Europe. L’infirmier aura alors toute sa légitimité et pourra exercer sur tout le territoire ».

 Malika Surbled

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Réactions

22 réponses pour “Coopération : quand les infirmiers exécutent des actes médicaux”

  1. Sansebastien dit :

    C’est clair que c’est une belle arnaque, nous avons suffisamment de compètences sous-payées pour ne pas en rajouter de nouvelles.
    C’est quand « qu’elle « dégage »???

  2. nani24 dit :

    Ce qu’il nous faut c’est une formation intermédiaire qui nous permet d’évoluer professionnellement autrement que passer cadre derrière un bureau, moi je n’attend que ça de pouvoir approfondir mes connaissances et exercer en conséquence. Je trouve ça génial reste plus qu’a trouver un cadre légal et ouvrir les formations !!!!!

    • Sansebastien dit :

      Il fallait faire médecine ma grande!
      La profession infirmière, c’est tout d’abord l’interface entre la science médicale et la relation humaine…

  3. jbxpo dit :

    Je crois que beaucoup n’ont pas compris ce qu’était un protocole de coopération entre professionnels de santé… c’est bien dommage. Et à la vue de vos réactions, on est pas près d’avancer avec des mentalités pareilles. Quittez vos oeillères et ouvrez-vous, le monde change, les soins aussi. Et franchement le secrétaire général du SNPI, no comment ! Parler de ce que l’on ne connait pas en faisant des raccourci, ça donne l’idée de raisonnement à l’emporte pièce. Qu’en est-il de toute l’ingénierie de formation à créer pour mettre en place un PCPS ?? qu’en est-il de la garantie à démontrer de la sécurité des soins dans les PCPS ?? Franchement, éveillez votre esprit critique au lieu de prendre ces déclarations pour argent content. Quand à la revalorisation, il ne faut pas être dupe, je sais pas si vous vous en rendez compte mais c’est pas propice dans le contexte actuel.
    Je suis désolé de vos commentaires.

  4. christiane dit :

    du boulot en plus, des responsabilités en plus, et personne ne sera derriere nous quand il y aura un pepin…et bien sur une revalorisation salariale nulle dans la plupart des cas…c’est sur on nous prend vraiment pour des con(nes) !!!

  5. Gerard dit :

    Enfin, mais certains sont encore dans le monde des bisounours…On a juste le temps de faire du boulot IDE…! Et puis je renvois à notre decret de competences pour savoir ce qu’on peut faire…Deja que dans l’exercice, on est parfois « border line », faut peut etre pas abuser!g

  6. Anonyme dit :

    ça n’est pas plus de boulot mais un travail différent. Dans ce que je comprends de l’article, l’IDE devient spécialisée dans un acte. Je ne pense qu’elle fasse un myélogramme entre deux bilans. Ces protocoles ne sont pas acceptables en l’état mais on va inévitablement aller vers des IDE spécialisées dans des gestes médicaux à la base. à nous de négocier une spécialisation (master comme les IBODE et Iade…)

  7. Nicolas dit :

    et pendant ce temps les as qui font du boulot ide.

  8. Elisabeth dit :

    Bientot ns ferons les incisions et les medecins les ablations ou autres puis ns refermerons tout cela pour à peine 1500 euros par mois !!!!!

  9. Céline dit :

    Ils peuvent toujours espérer… celui qui va me donner encore plus de boulot n’est pas né… et après quoi ? Je ferais aussi le boulot de l’anesthésiste ???!!

  10. Saskia dit :

    quelles sont ces infirmières assez stupides pour en être fières ??????

  11. Ambu66 dit :

    et on fait encore des débats sur l’autorisation de l’HGT pour les Secouristes………

  12. Anonyme dit :

    Je ne suis pas contre le glissement de tâches sous conditions de formations ,diplomantes si possible, et la revalorisation de salaire qui va avec. C’etait justement le sujet de conversation de midi mais je n’ai pas le souvenir que nous déjeunions ensemble…

  13. Pauline dit :

    C est de pire en pire, il y a de plus en plus de dépassement de tâche mais le salaire reste inchangé !!!!

  14. Evelyne dit :

    ce sont les IDE qui sont fautifs. Certes ils se sentent valorisés mais ils jouent contre la profession. Les choses ne changeront pas tant qu’il y aura des professionnels pour accepter ces glissements de tâches.

  15. Mimi dit :

    Qu’on le sache on est des dindes lol, a nous aussi de refuser de pratiquer certains soins…

  16. Jean Charles dit :

    On y va tout droit…et tant qu’on continuera à ne pas bouger et râler chacun de son côté .. Ça changera pas. On est autant fautif.. Rien n à chengé c pas maintenant que ça va changer alors
    Bougeons ns

  17. Morgane dit :

    Et l augmentation qui va avec ?

  18. Nathalie dit :

    qu’en est il du salaire? et de la responsabilité de l’infirmière en cas de problème?

  19. Vincent dit :

    Clair que c’est une belle arnaque!

  20. Brice dit :

    Ce n’est que le début avec la pénurie de médecins ! A quand des salaires augmentés pour de bon pour les IDE !!!

  21. Sali dit :

    Vive l’arnaque… Il est encore temps de changer de métier… Sous payés et glissements de tâches, chouette…

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