Recrutement infirmier : des objectifs à court et moyen termes

Recrutement infirmier : des objectifs à court et moyen termes

Face aux pénuries de professionnels de santé, les structures hospitalières redoublent d’effort pour séduire, en tête de lice, les paramédicaux. Les tutelles, les organisations professionnelles, les fédérations déploient des plans de bataille. Reste à convaincre les principaux intéressés.  

Lors de ses vœux aux forces vives le 30 janvier, le ministre de la Santé, François Braun, a fixé 10 priorités pour le système de santé pour 2023.

Parmi elles, de nombreuses mesures portant sur l’attractivité des métiers et l’amélioration des conditions de travail, afin d’assurer la continuité des soins.

Deux jours plus tard, la Fédération hospitalière de France (FHF), qui se présente comme « un acteur puissant de la transformation » du système de santé, a présenté son « plan de bataille pour les ressources humaines », avec, au cœur de cette campagne, des mesures pour « l’attractivité des métiers de santé à l’hôpital ».

« Améliorer les conditions de travail est impossible sans augmenter les recrutements afin de pourvoir les postes vacants et permettre aux équipes de retrouver des temps d’échange, a rappelé Arnaud Robinet, président de la FHF. Cependant, améliorer les conditions de travail est un préalable pour que les structures soient attractives et puissent recruter davantage. » Le serpent se mord la queue.

Ce plan RH intervient également sur la base de deux constats. D’après une enquête de la FHF, 99 % des établissements de santé déclarent rencontrer des difficultés de recrutement.

De fait, ils ne comblent pas les vacances de poste à savoir 5 à 6 % d’infirmiers (15 000 postes) et 2.5 % d’aides-soignants (5000 postes). En parallèle, les structures font face à un taux d’absentéisme grandissant qui a atteint les 10 % en 2022.

125 000 recrutements sur cinq ans

Les objectifs affichés sont ambitieux : la FHF plaide pour le recrutement de 125 000 professionnels paramédicaux d’ici cinq ans, « 25 000 pour pourvoir les postes vacants, et 100 000 créations, indispensables pour faire face aux besoins de prise en charge », a-t-elle fait savoir.

La stratégie RH entend mettre l’accent sur la hausse du nombre de professionnels formés, mettre la formation au service de la coordination et du travail en équipe, et amplifier les politiques d’attractivité et de fidélisation au sein des hôpitaux publics notamment avec la formation continue afin de proposer des perspectives de carrière.

Pour ce dernier axe, la FHF défend une revalorisation pérenne des indemnités hospitalières des professionnels de santé notamment en rénovant le dispositif des astreintes pour aller vers davantage de forfaitisation.

Elle entend également mieux valoriser l’engagement individuel et collectif avec une refonte du régime indemnitaire, « devenu illisible », autour des critères liés à la technicité du poste, du management, des contraintes d’exercice et de l’investissement individuel.

« Nous avons également tout un enjeu autour des conditions de travail car nous souhaitons prévenir l’usure professionnelle », a fait savoir Sophie Marchandet, responsable RH au sein de la FHF.

Elle plaide pour davantage de prévention autour de cette usure, plus de souplesse d’organisation au sein des établissements afin qu’ils puissent adapter les cycles de travail et faciliter la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle.

Dans le secteur privé

Dans le secteur privé à but non lucratif, les établissements sont également force de propositions pour encourager au recrutement.

En juin dernier, ActuSoins faisait un point sur les méthodes déployées par différents établissements hospitaliers afin d’attirer des infirmiers dans leur équipe.

Six mois plus tard, ces mesures commencent à porter leurs fruits. « Nous allons mieux, confie Anne-Claire de Reboul, directrice adjointe de l’Institut Curie, centre de lutte contre le cancer francilien (sites sur Paris et Saint-Cloud). Nous avons pu rouvrir des lits fermés depuis plus d’un an, et nous avons transformé une partie de nos capacités en lits d’ambulatoire. »

Les mesures mises en place en juillet ont ainsi permis de stabiliser les effectifs et de recruter. Désormais, l’Institut Curie n’affiche « plus que » 37 postes vacants, là où il en manquait 40 en juin.

« L’écart reste faible pour le moment, mais nous n’avons plus de démission et nous arrivons à faire des entrées », ajoute-t-elle.

Les mesures de l’Institut Curie se traduisent, pour rappel, par une valorisation des compétences, sous forme d’une valorisation financière de 180 euros bruts par mois, après 18 mois de travail effectif, à condition de remplir des compétences visées dans une grille de scoring.

« L’ambiance est aujourd’hui apaisée, se félicite Sylvie Arnaud, directrice des soins. Les infirmières sont satisfaites de la dynamique, de l’accent mis sur leurs compétences et de la hausse des salaires. »

La direction reste néanmoins en alerte et ne laisse pas retomber le soufflé pour autant. Début 2023, elle a enclenché la deuxième partie de son « plan » de fidélisation des effectifs : la reconnaissance des infirmiers ayant acquis une expertise, l’objectif étant de valoriser financièrement les compétences des infirmières exerçant dans l’établissement depuis au minimum sept ans.

Des travaux sont également prévus sur l’intégration et l’accueil des nouveaux collaborateurs, ainsi que sur les missions des cadres afin de mettre l’accent sur les conditions de travail.

En parallèle, les équipes continuent d’investir sur les réseaux sociaux sur la promotion des métiers via des vidéos et l’organisation de job dating deux fois par an.

Un bilan en demi-teinte à Gustave Roussy

À Gustave Roussy, autre centre de lutte contre le cancer francilien, les mesures prises en milieu d’année 2022 ont permis de combler 20 à 25 des postes sur les 130 infirmiers manquants, essentiellement des postes de jour. « Nous estimons pouvoir augmenter notre capacité en lits de 5 % cette année, par rapport à 2022, mais c’est encore en-dessous des lits ouverts en 2019 et 2020 », regrette Sylvain Ducroz, directeur général adjoint. Nous avons repris une pente positive, mais l’écart reste important. »

Outre les difficultés identiques aux autres établissements de santé, Sylvain Ducroz pointe du doigt l’absence de station de métro à proximité de l’établissement. « Son ouverture est prévue pour la fin de l’année 2024, nous devons trouver des solutions d’ici là », reconnaît-il.

« Sur la politique salariale, je pense que nous sommes désormais concurrentiels, souligne-t-il. Du moins ce n’est plus un sujet lorsque nous en parlons avec les équipes. »

Pour rappel, Gustave Roussy a introduit un grand nombre de primes (attractivité, fidélité, technicité). Avec un salaire de base en début de carrière à 2800 euros brut, il est possible d’atteindre, en fonction des postes, jusqu’à 3700 euros par mois.

Parmi les nouveautés pour être attractif, l’établissement offre également des places en crèches à tous les infirmiers en ayant besoin et déploie des financements complets pour les aides-soignants et les assistants médicaux souhaitant devenir infirmiers.

« Nous avons l’impression d’avoir freiné les départs, mais aujourd’hui, il est difficile de faire des bonds spectaculaires en termes de recrutement, car tous les établissements de santé proposent des packages qui se ressemblent, et nous arrivons un peu au bout de nos idées », Sylvain Ducroz.

Reste à savoir si les ambitions affichées des tutelles trouveront une traduction concrète dans les services en 2023.

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