Au Salon infirmier, en mai dernier, difficile de ne pas remarquer l’énorme mascotte rose de Gustave Roussy – qui généralement fréquente les couloirs du service pédiatrique de la structure – avec, à ses côtés, une personne distribuant des flyers, incitant à postuler à Gustave Roussy.
« Le symbole de la mascotte, c’est pour ″dédramatiser″ Gustave Roussy, faire moins peur », confie Sylvain Ducroz, directeur général adjoint. « Nous savons que le rapport de force s’est inversé. Désormais, c’est à nous de convaincre les infirmiers de l’intérêt de nous rejoindre, et non plus l’inverse. »
Gustave Roussy, connu pour la sélectivité de son recrutement, préférait jusqu’à présent des infirmiers ayant de l’expérience pour travailler au sein de l’établissement.
« Aujourd’hui, nous essayons d’élargir notre mode de recrutement, notamment aux jeunes sortis de l’école sans pour autant perdre de vue les plus expérimentés », fait savoir Sylvain Ducroz.
Car ce sont 130 infirmiers c’est-à-dire 20 % des effectifs infirmiers qui manquent à l’appel, entraînant une fermeture de 20 % des lits. « Nous compensons en partie avec l’ambulatoire, indique le directeur adjoint. Mais ce n’est pas l’unique solution possible. »
Du côté de l’Institut Curie, autre centre de lutte contre le cancer francilien (sites sur Paris et Saint-Cloud), le manque d’infirmiers aussi est criant : une quarantaine sur un peu moins de 320 infirmiers, ce qui entraine une fermeture d’environ 12 % des lits. « Aujourd’hui, cela ne suffit plus de s’appeler ‘’Curie’’, alerte Anne-Claire de Reboul, directrice adjointe de l’ensemble hospitalier. C’est la première fois de son histoire que l’Institut est amené à fermer des lits depuis 18 mois, et nous ne parvenons pas à les rouvrir. » Un choc pour les professionnels.
Changer d’image et insister sur les valeurs
Pour favoriser le recrutement, l’Institut Curie entend valoriser son identité, ses valeurs et son histoire : un hôpital spécialisé en cancérologie, un centre de recherche et une fondation à but non lucratif. « Nous sommes fondés sur des valeurs et nous en discutons avec les candidats, en insistant sur l’excellence des soins dispensés », rapporte Anne-Claire de Reboul, précisant que la structure a été certifiée par la Haute autorité de santé (HAS) « très haute qualité des soins ».
Car malgré le manque de soignants, le ratio du nombre d’infirmiers au lit du malade, à savoir un infirmier pour quatre à cinq patients, précise-t-elle.
De son côté, Gustave Roussy entend changer son image car « les jeunes diplômés n’y postulent pas spontanément », regrette Sylvain Ducroz. Outre la spécialité oncologie qui ne séduit pas toujours les plus jeunes en raison, notamment, de sa technicité, Gustave Roussy dégage une image de « château fort perché sur sa colline, que nous souhaitons changer ».
A la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle (MSPB), vingt-sept infirmiers sont recherchés sur un effectif de cinq cents. Sur la page d’accueil de son site Internet, un bandeau pop-up, annonce des recrutements en cours, en CDI, pour des Infirmières de bloc opératoire (Ibode), des IDE et des aides-soignantes.
« Ce qui est éprouvant, c’est que nous parvenons à recruter, mais nous avons toujours un chiffre impressionnant de démissions, engendrant donc un turn-over, qui fait perdre de l’énergie et de la performance », reconnaît le Dr Blandine Filet, directrice générale.
Pour contrer ce phénomène, la structure mise sur la fidélisation des équipes en insistant sur les conditions de travail, la politique de formation continue, le management, la cohésion et la solidarité entre les soignants et les médecins. « A titre d’exemple, nous nous sommes engagés à ne plus redéployer les IDE pour des raisons d’effectifs, car la mobilité a détruit la cohésion dans les services », explique-t-elle, reconnaissant que le vrai sujet reste la politique de rémunération constante.
Nouvelles méthodes de recrutement
En parallèle de ces valeurs mises en avant, les établissements déploient de nouvelles techniques de recrutement. Parmi elles les afterwork. C’est le cas à l’Institut Curie, qui organise ce type d’événements pour faire connaître de nombreux métiers en tension : infirmier, assistant médical, manipulateur radio, technicien de laboratoire.
« Des professionnels de terrain en exercice se rendent disponibles de 17 heures jusqu’au début de la soirée pour échanger avec des personnes intéressées par notre établissement », explique Anne-Claire de Reboul.
Et de poursuivre : « Nous communiquons sur la tenue de cet événement via les réseaux sociaux. » Des vidéos sur des soignants présentant leur métier sont également diffusés sur Internet.
La MSPB aussi mise sur les after-work afin de permettre la rencontre des candidats avec les soignants de la structure. Outre une communication sur les réseaux sociaux, la MSPB a effectué une campagne d’affichage dans la ville et publié un article dans le journal local.
Sur 60 personnes venues assister à l’événement fin mai, dix-neuf ont laissé leur CV et quatre infirmiers sont en cours de recrutement. Le retour sur investissement est considéré comme bon.
A l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, où, pour la quarantaine d’établissements qui la compose, environ 1400 infirmiers sont recherchés, le job dating « 7 minutes pour un emploi d’infirmier » a intégré la campagne de recrutement.
Comme expliqué sur son site Internet, après une première édition en novembre 2021, la deuxième édition s’est déroulée en mars au Centre de documentation sur le Campus Picpus à Paris, où plus de 450 étudiants de 3e année d’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) ou jeunes diplômés sont venus postuler aux offres proposées.
L’AP-HP explique que 374 entretiens « flash » de pré-embauche ont été conduits par les équipes présentes, suivis d’un rendez-vous de recrutement sur site. Les candidats ont pu échanger avec les infirmiers présents, sur leur quotidien et leur parcours à l’AP-HP. Les recruteurs ont, de leur côté, répondu aux questions des candidats sur les spécialités médicales, les organisations de travail proposées, les roulements horaires.
Avant et après le Salon infirmier, Gustave Roussy a lui aussi organisé deux job dating sur site. « Nous avons dit aux jeunes de venir nous rencontrer à telle date, afin de discuter avec des cadres et des professionnels, indique Sylvain Ducroz. Nous voulions leur faire passer la porte de l’hôpital, tout en limitant au maximum les formalités, et cela fonctionné. »
La direction incite également ses professionnels à être présents au maximum sur les réseaux sociaux afin de ne pas véhiculer uniquement la parole institutionnelle. « L’idéal est de disposer de nos propres influenceurs internes », pointe-t-il du doigt.
Techniques financières d’attractivité
L’opération séduction des établissements ne s’arrête pas là. Gustave Roussy, par exemple, propose des Contrats d’allocation d’étude (CAE) aux étudiants en soins infirmiers.
Ce dispositif, co-financé par l’ARS, permet aux établissements de santé ainsi qu’aux établissements et services médico-sociaux de verser une allocation forfaitaire aux étudiants en dernière année d’études, inscrits dans les écoles ou instituts de formation en santé relevant de métiers en tension, en contrepartie d’un engagement de servir de 18 mois au sein de ces établissements.
Concernant les salaires, Gustave Roussy respecte la convention collective d’Unicancer, à laquelle s’ajoutent des dispositions en lien avec des négociations internes. Tout d’abord, une prime d’attractivité de 5000 euros – dont la pérennité n’est pas encore actée – pour les infirmiers qui rejoignent Gustave Roussy et qui s’engagent pour 24 mois.
Après deux ans d’exercice, une prime de fidélité de 3000 euros par an, tous les ans, pour tous les infirmiers. S’ajoutent une prime de technicité de 150 euros par mois et une prime de nuit à 530 euros brut par mois. Avec un salaire de base en début de carrière à 2600 euros brut, il est possible d’atteindre, en fonction des postes, jusqu’à 3700 euros, sans compter la prime d’attractivité.
« Pour accompagner les jeunes, l’Institut Curie, nous travaillons beaucoup sur l’intégration et le parcours de nos infirmières », indique de son côté, Anne-Claire de Reboul. A partir du 1er juillet, des étapes de valorisation des compétences vont être introduites dans leur carrière, avec une valorisation financière. « Nous avons élaboré une grille de scoring, et lorsque les IDE atteignent la compétence visée, cela se traduit par une augmentation de salaire de 180 euros par mois après 18 mois de travail effectif », précise-t-elle.
L’Institut Curie valorise également les IDE présents depuis longtemps et qui forment les nouvelles recrues. Autre étape dans le parcours : celui de l’infirmière spécialisée, qui offre la possibilité d’une augmentation de salaire de 100 euros par mois pour des IDE ayant des compétences spécifiques acquises via une formation en interne. « Il faut attirer et fidéliser tout en gardant un niveau d’exigence dans le soin », insiste Anne-Claire de Reboul.
Accompagnement
Après avoir recruté, de nombreux établissements mettent en place désormais des parcours d’intégration, du tutorat, un compagnonnage afin d’éviter toute prise de poste en autonomie, et ainsi rassurer les nouvelles recrues.
L’AP-HP propose par exemple, depuis cette année, un séminaire d’accueil de trois jours. Outre l’histoire de l’AP-HP destiné à faire connaître l’institution et sa place dans le système de soin à l’échelle de l’Union européenne, le séminaire aborde également le volet statutaire des infirmiers, la rémunération, l’évolution de carrière ou encore la promotion professionnelle.
« Il s’agit d’une présentation de l’institution d’un point de vue historique et sociale », rapporte Véronique Fournier, responsable pédagogique au centre de formation continue de l’AP-HP.
Ce séminaire permet aussi de mettre en avant l’accompagnement à l’intégration avec la notion de sens de l’équipe car « les anciens étudiants n’ont pas toujours vécu de bonnes expériences et nous voulons leur montrer que cela ne va pas nécessairement se reproduire », assure Christophe Flageul, également responsable pédagogique.
Pendant ce séminaire, une demi-journée est consacrée à un escape game afin de renforcer les compétences des nouveaux recrutés.
« L’objectif est de leur montrer qu’ils détiennent les compétences pour prendre un poste, ce qu’ils remettent parfois en cause », fait savoir Christophe Flageul. L’escape game repose sur une histoire d’espionnage et d’empoisonnement, permettant de mobiliser les connaissances sur le métier, avec des calculs de dose et de l’identitovigilance, introduits de manière subtile.
« Cela nous permet aussi de faire ressortir la notion de travail d’équipe, ajoute-t-il. Les étudiants vont parvenir à résoudre toutes les énigmes en croisant leurs compétences. »
Et le Dr Filet de conclure : « La qualité des soins passe par la qualité des soignants, il faut redonner une valeur à ce savoir-faire et aux professionnels. »
Laure Martin
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Bonjour l’article est très intéressant,mais je suis perplexe car je suis infirmière diplômé d’un pays étrangers qui fais pas partie de l’union European et qui n’a pas d’accord convention signé avec 16 ans experience dans différents département hospitalier, pour faire cours de résumé ma situation meme pas travailler comme aide soignant en France …et j’ai fais 4 ans d’étude dans mon pays les soin d’hygiène c’est la base qui sont les même.