Psychiatrie : l’isolement et la contention ont encore la vie dure

Psychiatrie : l’isolement et la contention ont encore la vie dure

Les résultats d'une étude sur l'emploi de la contention et de l'isolement dans les services de psychiatrie publiée récemment révèlent qu'il reste élevé en France. Les surprenantes très fortes variations de leur usage entre établissements interrogent mais montrent aussi que faire autrement est possible.
Psychiatrie : l'isolement et la contention ont encore la vie dure
© Benjamin Clapp / ShutterStock

Alors qu’ils devraient être employés de manière exceptionnelle, en dernier recours dans des situations de crise, et que la réduction de leur usage est promue aux niveaux national et international, la contention et l’isolement sont toujours mis en œuvre auprès d’une part non négligeable des patients hospitalisés sans leur consentement en psychiatrie, révèle une récente étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES).

« L’ampleur (de cet usage, NDLR) n’est pas marginale, souligne Coralie Gandré, maîtresse de recherche en santé publique à l’IRDES et co-autrice de l’étude. Cela concerne un nombre relativement élevé de personnes, quelque 8 000 pour la contention et près de 30 000 pour l’isolement » sur l’année 2022. Sur les 76 000 personnes hospitalisées sans leur consentement cette année-là, 37% ont été concernées par un recours à l’isolement et 11% par une contention mécanique.

Les comparaisons entre pays sont difficiles, mais les estimations récentes dans neuf pays « suggèrent que la France se situe au-dessus de la médiane de ces pays » pour l’usage de ces deux mesures mais spécialement la contention, peut-on lire dans l’étude. La réduction de leur usage est pourtant à l’agenda de l’ONU et de l’OMS et de la feuille de route ministérielle sur la santé mentale et la psychiatrie de 2018 mais les chiffres de 2022 sont peu ou prou les mêmes qu’en 2021.

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Pas de baisse

« Nous avons été frappées par le profil assez homogène des personnes concernées, ajoute la chercheuse. Il s’agit essentiellement d’hommes jeunes, admis en psychiatrie après une arrivée aux urgences, dans des situations de crise. » Et plus d’un quart des personnes concernées présente en outre une vulnérabilité économique.

Cela « questionne l’impact possible sur leur parcours de soin et de vie ultérieure », écrivent les autrices. Autre spécificité marquante : la sur-représentation des séjours concernant des détenus dans ceux où l’isolement est employé. Pour les autrices, cela peut témoigner d’une fréquence supérieure des épisodes violents mais aussi d’une réponse à des « exigences de sécurité non justifiées par des motifs purement cliniques » voire d’une « méfiance de la part des équipes soignantes vis-à-vis de ces personnes ».

Quasiment la moitié des patients faisant l’objet d’une mesure de contention ou d’isolement sont prises en charge pour un trouble psychotique (les autres le sont pour un trouble bipolaire ou un épisode maniaque ou encore un trouble de la personnalité ou du comportement). Certes, soulignent les autrices, la fréquence de l’agressivité ou de l’auto-agressivité lors d’épisodes psychotiques ou maniaques pourrait expliquer leur sur-représentation dans les séjours où la contention et l’isolement sont employés. Mais « cela invite à interroger les alternatives qui auraient pu être déployées ou n’ont pas fonctionné », écrivent-elles. D’autres facteurs les conduisent à penser que « les mesures d’isolement et de contention pourraient être mobilisées dans certains cas pour compenser des difficultés à répondre aux besoins spécifiques de populations vulnérables ».

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Fortes variations

« Nous avons aussi été interpellées par l’ampleur des variations de pratiques entre des établissements qui déclarent ne pas recourir à l’isolement et à la contention et d’autres où l’usage de la contention peut atteindre 30% des hospitalisations sans consentement et celui de l’isolement presque 80% », poursuit Coralie Grandé. Ces variations surprenantes, ne sont pas uniquement liées à quelques établissements avec des valeurs extrêmes, précise Esther Touitou-Burckard, co-autrice de l’étude.

La deuxième phase de ce travail consistera à analyser les déterminants conduisant à employer ces pratiques. A priori, il n’existe pas un type d’établissement qui recourt plus à l’isolement et à la contention que d’autres. En revanche, le partenariat des chercheuses de l’IRDES avec l’équipe Plaid-Care, qui étudie quatre établissements où le recours à la contention est faible ou inexistant et le recours à l’isolement exceptionnel ou en baisse, apporte un éclairage sur les facteurs qui favorisent le moindre recours à ces pratiques – et qui ne sont pas forcément liées à un faible ratio de patients par soignant.

Les autrices évoquent un « cercle vertueux de la moindre coercition » qui agit à l’échelle des unités de soins (organisation, principes d’action) mais aussi de l’établissement (valeurs défendues, politique de ressources humaines…). Ces exemples montrent en tout cas que « c’est possible » de réduire fortement l’usage de ces mesures, remarque Coralie Grandé.

Pour parvenir à le faire à grande échelle, les autrices soulignent la nécessité d’engager des « politiques plus ambitieuses et structurelles » mais aussi, « au préalable, de donner les moyens aux équipes soignantes » de parvenir à moins les utiliser, par exemple via la formation et le soutien à l’innovation, en prenant exemple notamment sur des programmes qui ont fonctionné à l’étranger.

Géraldine Langlois

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