Les premiers résultats du règlement européen sur le médicament pédiatrique, voté en 2006, se font attendre. Faute de produits adaptés aux enfants, les services hospitaliers mettent en place des bonnes pratiques pour limiter les risques d’erreur.
« Les données sont toujours les mêmes : faute de formes pédiatriques, 20 à 25% environ des médicaments en ville sont prescrits hors AMM. A l’hôpital le pourcentage se monte à près de 2/3 des produits, et pour les nouveau-nés en réanimation, il atteint 90% », détaille Gérard Pons, pédiatre et pharmacologue au sein du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent de Paul, à Paris.
En 2006, a été voté un règlement européen visant à accélérer la mise sur le marché des formes pédiatriques. Les industriels doivent ainsi soumettre au Comité Pédiatrique de l’Agence européenne du médicament un Plan d’investigation pédiatrique, c’est-à-dire la réalisation d’études pédiatriques, pour l’obtention d’un autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament. Le règlement européen évoque aussi la possibilité de développer des formes pédiatriques pour les produits déjà mis sur le marché mais ce n’est obligatoire que lorsque sont en projet de nouvelles formes galéniques ou une nouvelle indication.
Pas avant 3 ou 4 ans
Le temps de développement est long. « Les premiers médicaments ne devraient pas être sur le marché avant 3 ou 4 ans », reconnaît Gérard Pons, également vice-président du comité pédiatrique de l’EMEA, l’agence européenne du médicament. « Pour les médicaments les plus anciens, souvent des formes génériques, le règlement n’est pas incitatif, estime Jean-Marc Treluyer, pédiatre en réanimation et pharmacologue (hôpital Cochin et à Necker à Paris). Le règlement européen prévoit aussi un dispositif dit «PUMA» afin d’inciter les petites entreprises du privé ainsi que le secteur public à s’occuper des produits ayant perdu leur brevet de protection. Mais là aussi, les résultats ne seront pas immédiatement visibles.
Au quotidien, le problème de l’administration des produits reste entier. « Il faut prendre une solution injectable pour adulte et le diluer en fonction du poids de l’enfant, précise le pédiatre-réanimateur. Le cas plus flagrant, en réanimation c’est l’adrénaline. Nous devons diluer le dosage au 10ème alors que l’enfant est en arrêt cardiaque, ce qui nous fait perdre du temps et entraîne des risques d’erreur».
Protocoles de dilution
Diluer ne veut pas dire affaiblir l’effet du médicament mais « selon les fonctions du solvant, les propriétés du médicament peuvent changer », ajoute le pédiatre. Des protocoles de dilution ont donc été mis en place dans les services de réanimation, dans lesquels il travaille, notamment des standards de dilution pour la morphine. A l’hôpital Cochin, un prélèvement sanguin est effectué sur l’enfant afin de vérifier la concentration du produit injecté et permettre au prescripteur d’ajuster le dosage si nécessaire en fonction des résultats. « Nous le faisons pour les produits pour lesquels la marge de tolérance est étroite tels que les antiépileptiques, les antirétroviraux, les produits contre l’insuffisance cardiaque, certains antibiotiques… », souligne Gérard Pons, qui rappelle que les prescriptions doivent être impérativement et systématiquement écrites. « Le prescripteur engage ainsi sa responsabilité. N’oublions pas qu’à la fin, c’est l’infirmière qui fait le geste. »
Anne Thiriet
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