Les impacts multiples de l’universitarisation de la formation infirmière sur les cadres formateurs

Les impacts multiples de l’universitarisation de la formation infirmière sur les cadres formateurs

Le rapprochement des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) avec les universités a modifié peu à peu les contours de certaines unités d'enseignement (UE) et la manière dont elles sont enseignées ou évaluées, et entrainé des changements dans les missions
© Matej Kastelic / ShutterStock

le quotidien et la posture des cadres formateurs. Ceux des instituts participant aux expérimentations d’universitarisation plus poussées lancées en 2020 sont particulièrement concernés.

 

Le fait que les universités assurent certains cours magistraux de la formation infirmière n’est pas nouveau mais le rapprochement des instituts avec les universités s’est intensifié ces dernières années, et les cadres formateurs sont impactés à plusieurs niveaux.

L’universitarisation se traduit souvent par des collaborations entre une université et plusieurs instituts, comme par exemple entre l’université de Strasbourg et tous les IFSI de ce bassin universitaire.

Pour plusieurs cadres formatrices, cela crée de nouvelles relations entre collègues de différents IFSI. « Assez curieusement, cela m’a rapprochée de mes collègues formateurs des UE de biologie des autres IFSI, observe Florence Martin, cadre formatrice et responsable de l’UE de cette matière à l’IFSI de Saverne (Bas-Rhin). Avant, chacun menait son projet de son côté mais à présent, nous nous côtoyons plus ».

Les cours magistraux de ces UE sont désormais assurés par des enseignants universitaires sous forme de cours sonorisés identiques pour tous les IFSI partenaires et les cadres infirmiers référents d’UE (ici de biologie) se mettent d’accord sur le contenu des TD de reprise dispensés dans les instituts et sur le contenu des évaluations, désormais identiques. « Nous avons tous les mêmes objectifs et une finalité commune », souligne la cadre alsacienne.

Plus de relation entre IFSI

Vanessa Pleven, cadre formatrice à l’IFSI de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), apprécie aussi cette nouvelle collaboration entre cadres formateurs de dix instituts inaugurée avec leur entrée dans une expérimentation de de double licence avec l’université de Rennes 1.

« Travailler les uns avec les autres sur le référentiel de formation a renforcé -voire créé- des liens entre nous et la réflexion sur nos enseignements. Nous avons partagé nos outils, nos techniques pédagogiques et gardé le contact. »

Selon Sandrine Grenon, cadre formatrice dans un IFSI d’Ile-de-France impliqué dans une autre expérimentation, « un travail collaboratif et partenarial s’est mis en place » qui a permis « d’harmoniser les contenus des enseignements et des évaluations, ce qui réduit les inégalités entre étudiants ».

Certains cadres formateurs ont vu les contours de leurs enseignements modifiés, dans des proportions variables. Les UE dont s’occupe Vanessa Pleven ont connu des changements importants : le volume d’heures de l’une, par exemple, a doublé et une autre est passée du semestre 3 au semestre 2. « L‘ajout d’une nouvelle UE axée sur l’accompagnement individualisé des étudiants constitue un autre grand changement », souligne-t-elle. Elle a contribué à structurer une mission qui s’effectuait auparavant au fil de l’eau.

Ce qui change le plus, pour elle, c’est le fait d’accueillir des étudiants en cours de formation, en semestre 3 mais aussi dès le semestre 2, via la passerelle créée entre le Parcours accès spécifique santé (PASS) de l’université et les IFSI. (Lire l’article : A Rennes, la formation infirmière expérimente l’universitarisation). 

Qu’ils décident de se réorienter vers les soins infirmiers ou de retenter le concours de médecine, ce sont des profils d’étudiants bien différents qu’il faut accompagner, de manière spécifique. Une logistique interformation a été mise en place pour les accueillir, indique Vanessa Pleven, et un stage d’acclimatation et d’acculturation a été conçu pour eux.

« Cela décloisonne nos missions dans le parcours de formation », estime-t-elle. Idem dans l’IFSI où travaille Sandrine Grenon, même si elle considère que ces nouveaux profils d’étudiants s’ajoutent juste à la grande diversité de profils déjà présents à l’institut. Elle apprécie en tout cas de pouvoir davantage « développer l’interprofessionalité » au sein des étudiants.

Diversité accrue des profils d’étudiants

Comme l’a souligné le Cefiec dans son récent Livre blanc sur l’évolution des profils de formateurs en lien avec l’universitarisation des formations, l’articulation entre université et instituts se déroule de manière diversement collaborative.

Les cadres formatrices interviewées apprécient en tout cas les modalités de collaboration avec les universités partenaires des IFSI où elles travaillent.

Pour Sandrine Grenon, c’est « une opportunité à saisir » qui « n’enlève rien à la dimension professionnalisante de la formation ».

La multiplication des échanges avec des enseignants universitaires, entre personnes d’identités professionnelles différentes, « enrichit nos réflexions », remarque Sandrine Grenon, et lui permet de développer ses compétences en pédagogie, en ingénierie pédagogique et en accompagnement des projets de formation des étudiants. « C’est un plus, apprécie-t-elle. Une opportunité de travailler différemment, d’évoluer », en complémentarité avec l’université.

Florence Martin partage cet avis. Le contenu des UE dont elle s’occupe et dont le cours magistral est assuré par l’université a été co-construit et cela a conduit selon elle à une approche différente et plus approfondie des notions.

Elle s’y est d’ailleurs plongée plus qu’avant. Les uns comme les autres se sont apprivoisés. Les formateurs d’IFSI, ajoute-t-elle, ont sensibilisé les universitaires à la culture professionnelle infirmière et à la manière de l’intégrer dans les enseignements et les documents de support ; et vice versa. « Cela m’apporte beaucoup d’échanger avec les partenaires universitaires, ajoute la cadre formatrice alsacienne. Au début c’était moins facile, peut-être de mon fait car je n’ai pas d’expérience universitaire. Mais nous avons appris à parler le même langage. »

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