Les aides-soignants vont-ils concurrencer les infirmiers ?

Les aides-soignants vont-ils concurrencer les infirmiers ?

Fin janvier, deux syndicats infirmiers avaient alerté sur une modification réglementaire visant à étendre les compétences des aides-soignants aux dépens de celles des infirmières et infirmiers libéraux. Ces craintes sont-elles fondées ? ActuSoins a interrogé les principaux acteurs du dossier.

Les aides-soignants vont-ils concurrencer les infirmiers ?

Au mois de janvier dernier, deux communiqués publiés coup sur coup par deux syndicats d’infirmiers libéraux avaient signalé une menace grave pesant sur la profession. « L’équilibre naturel du système de soins est sur le point de rompre », alertait Convergence infirmière (CI). « Le gouvernement va appauvrir, voire faire disparaître, le rôle propre infirmier », renchérissait le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil).

L’objet du courroux de ces deux organisations ? Un document PowerPoint utilisé par l’Assurance maladie dans le cadre de ses négociations avec les médecins libéraux à propos des assistants médicaux.

Ce document précisait en effet qu’une « modification réglementaire » était en en cours pour « étendre le champ d’intervention des aides-soignants au milieu ambulatoire ». Il indiquait également qu’il était prévu de déléguer aux aides-soignants des missions « directement par les médecins », au lieu de la délégation par les infirmiers qui a cours actuellement.

L’objectif de la Sécu est limpide : les aides-soignants constituent, avec les secrétaires médicaux, le principal vivier dans lequel seront puisés les 4000 assistants médicaux promis aux médecins libéraux par Emmanuel Macron dans le cadre de sa stratégie « Ma santé 2022 ». La modification réglementaire en question vise donc tout simplement à leur donner les moyens de remplir leurs missions sans risquer de sanctions pour exercice illégal de la médecine.

Un mystère bien entretenu

Mais quelle est au juste la nature exacte et l’ampleur des changements envisagés ? Les autorités sont peu disertes sur la question. Contactée par ActuSoins, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la Santé s’est bornée après de multiples relances à rappeler que « plusieurs mesures sont consacrées à la reconnaissance des aides-soignants dans “Ma Santé 2022” », et qu’un « groupe de travail est constitué pour décliner ces différentes mesures ». Ce groupe tiendra sa première réunion début avril, assure la DGOS, et aura à son ordre du jour l’actualisation du référentiel d’activités et de compétences.

L’Ordre national des infirmiers (ONI), représentant officiel de la profession, se refuse de son côté à tout commentaire, évoquant de simples « rumeurs ». Et les associations représentant les aides-soignants ? De manière étonnante, elles ne semblent pas au courant de la moindre réforme en cours. Du moins, elles ne l’étaient pas fin mars, quand ActuSoins les a contactées. « Je n’ai pas été associée à ces réflexions », avoue Thérèse Palla, présidente de l’Union française des aides soignant(es) (Ufas). « Nous n’avons pas du tout été consultés », abonde Arlette Schuhler, présidente de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (Fnaas).

Les deux militantes expliquent que les discussions sur la réingénierie de leur formation, entamées en 2015, se sont brutalement interrompues en mars 2017, et qu’elles n’ont pas été conviées à la moindre réunion sur le sujet depuis.

Une clarification nécessaire ?

On peut donc retenir que si une modification doit intervenir, ce ne sera pas à court terme. Mais le flou dans lequel se situe cette réforme n’est pas de nature à apaiser les craintes syndicales. Pour CI, les aides-soignants munis de leurs nouvelles compétences pourraient concurrencer les infirmière libérales sur certains actes « à des tarifs défiant toute concurrence ». Autre argument : la sécurité des patients. « Va-t-on prendre le risque de confier en toute autonomie des patients à des aides-soignantes qui, malgré leur professionnalisme, disposent d’une formation de dix mois alors que celle des infirmières est de trois ans ? », demande le Sniil.

Tentons toutefois de voir le problème du point de vue des aides-soignants. Car si les infirmiers sont inquiets pour leur « rôle propre », les aides-soignants revendiquent avant tout… d’en avoir un. « Il faut savoir que la profession d’aide-soignant n’est pas reconnue, et que notre formation nous permet de faire des actes qui appartiennent au rôle infirmier », rappelle Thérèse Palla. « Or on nous oblige à faire des actes qui ne sont pas de notre compétence, parce qu’il n’y a personne d’autre pour les faire. » Arlette Schuhler abonde, citant la mise en place de bandes de contention, l’administration de collyre ou encore la glycémie capillaire « faites au quotidien par des aides-soignants en toute illégalité ».

 « Le plus important, c’est que les aides-soignants aient un rôle qui leur appartient », résume Thérèse Palla. Peut-être qu’après tout, une clarification permettrait à tous de travailler dans de meilleures conditions ?

Adrien Renaud

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