L’agression d’un infirmier à Marseille a provoqué un grand nombre de réactions parmi la communauté soignante. Pour Guillaume Gandoin, infirmier aux urgences de l’Hôtel Dieu à Paris, la présence policière systématique au sein des services d’urgences n’est pas la solution.
Les événements récents au sein du service des urgences de Marseille ont provoqué dans la communauté paramédicale des émotions fortes.
Les réactions actuelles des personnels des urgences réclamant une garde armée sont de l’ordre de l’expression affective à chaud visant à trouver une solution qui se voudrait radicale et apaisant la colère.
Beaucoup de ces réactions prônent une présence policière armée au sein des urgences pour prévenir ou contrôler une situation d’agression. L’agression de l’un de nos collègues est en effet un acte inadmissible et qui doit être sanctionné avec la plus grande fermeté.
Mais au-delà de cet acte se pose la question de la sécurité du personnel soignant (et des malades et leurs familles d’ailleurs) dans de les structures d’urgence, en proie à tous les tourments de la société.
Les urgences de l’Hôtel-Dieu fournissent un modèle intéressant et qui montre que la police ne règle pas la violence intrahospitalière. Les urgences sont ici adossées aux urgences médico-judiciaires avec une présence policière permanente. Malgré cette présence, les situations de violence perdurent comme dans toutes les urgences.
Les causes de la violence aux urgences
La violence aux urgences est une réalité quotidienne pour le personnel. Heureusement la plupart des situations se terminent sans actes de violence physique avec retour au calme après discussion, compréhension et empathie. Seuls des cas extrêmes justifie in fine intervention passive de la Police.
Les situations « limites » sont d’abord inhérentes à la médecine d’urgence.
1/ certaines causes sont médicales, comme l’hypoglycémie.
2/ d’autres sont « organisationnelles » et souvent liées à une mauvaise communication :
L’urgence génère du stress. Le fait d’emmener un proche ou de soi-même se retrouver aux urgences crée une inquiétude qui peut vite déborder. Il existe des situations où le personnel et le patient ne se comprennent pas, chacun restant sur ses positions et cette frustration entraîne une situation où le ton peut monter. L’intervention d’un tiers (autre personnel, « autorité » médicale,…) au conflit permet d’apaiser la discussion.
Ces cas sont souvent dus à des peurs, à des interrogations trop souvent restées sans réponses car l’infirmier est lui aussi sous une pression permanente et pas toujours disponible: gestion de plusieurs malades (trop ?), perte de temps dans d’autres tâches que le soin…
Tout cela s’ajoute à des délais d’attente souvent trop longs, facteurs d’agressivité. Comment accepter sereinement pour un patient ou une famille de se retrouver des heures et des heures en salle d’attente ou sur un brancard, avec un personnel débordé qui ne peut répondre à ses interrogations ?
Que l’agressivité soit d’origine médicale ou liée à l’attente, on voit bien que la police armée n’apporterait pas de réponse dans la majorité de ces cas ! De même pour la violence physique la plus fréquente dans les urgences, à savoir celle d’un patient agité psychiatrique ou alcoolisé, la contention physique et médicamenteuse reste un acte…médical et non policier!
Comment pourront nous poser les limites de l’intervention des forces de l’ordre en faction, sans compter « l’excitation » qu’elle peut générer dans la salle d’attente.
Le seul cas pour lequel son intervention serait légitime est la violence gratuite, le vandalisme hospitalier visant à faire peur et à intimider le personnel. Rare heureusement.
Hôtel-Dieu : expérimentation en conditions réelles !
A l’Hôtel-Dieu de Paris, la présence des forces de police du fait de la présence des Urgences Médico-judicaires adossées aux urgences médico-chirurgicales est constante. Avec ses 40 000 patients par an, il y a en permanence des fonctionnaires de police : ceux transportant les gardés-à-vue lors de la visite médicale, ainsi que les policiers affectés à la surveillance et à la sécurité des lieux. Cette présence est certes rassurante et parfois utilisée, mais peut aussi parfois être source d’agressivité et de frictions.
L’intervention de la police est toujours le dernier recours, et fait d’ailleurs très souvent appel aux fonctionnaires extérieurs appelés via la ligne téléphonique directe mise en place comme dans n’importe quel service d’urgences « Circulaire ministérielle du 20 décembre 2004 relative à la sécurité des services d’urgence dans les hôpitaux »
Malgré la présence policière in situ, force est de constater que les actes d’agressivité n’ont pas disparu.
Le recours à l’intervention de la police pour les soignants est et doit rester exceptionnelle ; demander leur présence ou intervention montre avant tout une fragilité voire une insuffisance organisationnelle de l’hôpital.
L’organisation de service : une des solutions à la violence
L’organisation du service, les règles de sécurité, les charges de travail et le respect du nombre de soignants doivent être des moyens de gérer et d’anticiper ces situations.
On ne peut aujourd’hui que constater que ces situations sont souvent en lien avec un manque de personnel, une surcharge des services, des heures d’attentes interminables et la création des méga structures hospitalières qui s’avèrent être plus anxiogènes que bénéfiques. Plus les temps d’attente augmentent, plus la tension dans la salle d’attente grimpe jusqu’au drame, souvent due à une goutte d’eau faisant déborder le vase.
La taille confortable du service, mais surtout un aval fluide (lits d’hospitalisation disponibles) et un circuit court permettant de prendre en charge rapidement les patients les plus graves mais aussi les moins graves désengorge l’ensemble de la file active des patients.
Conclusion : des temps d’attente faibles et une réponse diagnostique et thérapeutique rapides. Le rôle de l’infirmier d’accueil et d’orientation (IAO) est primordial : avec des délais pour voir l’IAO de l’ordre de quelques minutes, les patients et familles ont l’impression légitime d’être pris en charge rapidement et sont rassurés.
Au lieu de policiers aux urgences, il faut donc privilégier la proximité (maintien d’hôpitaux de proximité avec flux de patients en deçà des plafonds de saturation) et des soignants en quantité (ratios suffisants) et qualité (prévention du burn-out, implication dans l’organisation des soins et dans le projet institutionnel de l’hôpital).
A défaut, la violence ne fera que s’aggraver, épuisant les personnels, entraînés dans une spirale incontrôlable.
Guillaume Gandoin
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