Covid-19 : rééduquer après la réanimation

Covid-19 : rééduquer après la réanimation

L’unité de Soins de réadaptation post-réanimation du Centre hospitalier de Bligny, situé à Briis-sous-Forges, dans l’Essonne, est l’une des trois structures franciliennes à accueillir les patients anciennement positifs à la Covid-19 pour une rééducation respiratoire et corporelle. Ces personnes ont un long chemin à parcourir pour leur sevrage ventilatoire et leur rééducation motrice. Cet article a été publié dans le n°40 d'ActuSoins Magazine (mars 2021).
Faire marcher les patients dans les couloirs est l'une des étapes de la rééducation mise en oeuvre par les soignants de l'unité de SRPR.
Faire marcher les patients dans les couloirs est l’une des étapes de la rééducation mise en oeuvre par les soignants de l’unité de SRPR. Affaiblis par leur longue hospitalisation, ils doivent se remuscler pour pouvoir rentrer chez eux. © Ayoub Benkarroum.

Au milieu du couloir, les infirmières et les aides-soignantes applaudissent Roger, un patient du service.

Soutenu par deux kinésithérapeutes, il s’entraîne comme tous les jours à la marche. Aujourd’hui, il a fait trente mètres, soit presque l’intégralité du couloir qui est aussi son objectif à atteindre avant de quitter le service. En octobre 2020, cet homme de 70 ans a été contaminé par la Covid-19. Et a passé deux mois de coma dans le service de réanimation de l’hôpital de Versailles.

« A plusieurs reprises, les médecins ont hésité à me débrancher », raconte cet ancien motard professionnel, la gorge serrée. A son réveil, il cumule certaines séquelles du Covid-19 et du long séjour en réanimation – trachéotomie, sonde nasogastrique – et souffre de neuromyopathies.

Les médecins décident de l’envoyer au sein de l’unité de Soins de réadaptation post-réanimation (SRPR) du CH de Bligny. « Quand je suis arrivé le 23 décembre, j’avais des difficultés à marcher, puis au fur et à mesure, j’ai commencé par faire quelques mètres », se félicite-t-il, assis dans sa chambre, attendant impatiemment de rentrer chez lui. 

Une rééducation respiratoire et musculaire

L'unité de SRPR est spécialisée dans la prise en charge des maladies repiratoires
L’unité de SRPR est spécialisée dans la prise en charge des maladies repiratoires. La crise sanitaire n’a donc fondamentalement modifié les actes de l’équipe. En revanche, les mesures barrières et le port du masque rendent la communication plus difficile. © Ayoub Benkarroum.

C’est la prise en charge pluridisciplinaire qu’offre l’équipe qui permet de travailler au sevrage ventilatoire des patients ainsi qu’à leur rééducation motrice et fonctionnelle. Ce service spécifique sert de transition aux patients, entre la réanimation et la réhospitalisation conventionnelle ou le domicile.

« A l’origine, l’unité de SRPR reçoit des patients chroniques avec des troubles respiratoires, explique Cécile Guérif, cadre de santé de l’unité. Nous avons une forte empreinte en pneumologie. »

Avec la crise sanitaire, la typologie des patients a changé. Sur les douze lits de l’unité, neuf sont occupés dont sept par des patients anciens positifs à la Covid-19. Ils font partie des patients qui ne sont pas parvenus, en réanimation, à se sevrer des respirateurs artificiels et qui requièrent une prise en charge en post-réanimation.

Tout le travail de l’équipe pluridisciplinaire, à savoir des infirmières et aides-soignantes qui exercent en binôme, des kinésithérapeutes et des diététiciens, est de concourir à cette réhabilitation respiratoire et musculaire. « Nous prenons en charge des patients qui ont été longtemps hospitalisés en réanimation, explique Vanessa, aide-soignante dans le service depuis six ans. Ils sont restés allongés sans bouger, avec des sédatifs et la moindre mobilisation est compliquée. »

Dès le matin, tout est mis en œuvre pour y parvenir. Après les transmissions avec l’équipe de nuit, la journée commence par la prise des constantes, les traitements et le petit-déjeuner. « Nous vérifions le dispositif de la canule, la présence d’un bouchon, nous aspirons si nécessaire puis nous ventilons ou déventilons si besoin », rapporte Amandine, infirmière depuis trois ans dans le service.

Redonner de l’autonomie

Covid-19 : rééduquer après la réanimation
© Ayoub Benkarroum

En parallèle, les kinésithérapeutes commencent la mobilisation des patients. « Notre rôle est d’associer des exercices sur le système respiratoire afin de redonner de l’autonomie aux patients et les sevrer du ventilateur artificiel, à des exercices de refonctionnalisation et de rééducation motrice », détaille Camille, kinésithérapeute, qui mobilise un patient avec Marine, étudiante. Elles l’aident à se verticaliser, à remarcher et à se resservir de leur main.

Pendant toute la prise en charge, les kinésithérapeutes, les infirmières et les aides-soignantes sont en échange permanent pour la mobilisation des personnes hospitalisées. « Lorsqu’on veut positionner un patient mais qu’il a une escarre, nous leur demandons si les pansements ont été effectués, donne en exemple Camille. De leur côté, les infirmières peuvent nous solliciter lorsqu’elles ne savent pas si elles peuvent ou non mobiliser un patient. »

A midi, le binôme infirmier/aide-soignant effectue de nouveau un tour des chambres des patients pour les traitements et le plateau-repas. Amandine et Vanessa commencent aujourd’hui par le fond du couloir de l’unité.

Pascal, hospitalisé depuis le 2 février (cet article a initialement été publié en mars 2021, ndlr), se plaint de douleurs à l’abdomen. Il présente des difficultés à la respiration : il est dyspnéique, hyperventilé et sa saturation est mauvaise. Amandine le reventile et le stabilise avant d’appeler le médecin « car le respirateur a déclenché une alarme », explique l’infirmière.

Le Dr Thierry Villevieille, chef de service, arrive rapidement. Il décide de lui faire en urgence une fibroscopie trachéo-bronchique, notamment pour aspirer les sécrétions. Après plusieurs minutes, le patient respire de nouveau correctement. 

Soins et alimentation

Lucilia, infirmière, intervient dans le service pour la prise en charge des escarres, plus nombreuses et plus graves chez les patients contaminés et hospitalisés pour la Covid-19
Lucilia, infirmière, intervient dans le service pour la prise en charge des escarres, plus nombreuses et plus graves chez les patients contaminés et hospitalisés pour la Covid-19. © Ayoub Benkarroum.

A 15 h, le binôme infirmier/aide-soignant repasse dans les chambres pour la prise des constantes, recoucher les patients et faire de l’effleurage afin d’éviter au maximum les escarres. Pour soigner au mieux ces plaies, les soignants de l’unité peuvent faire appel à l’expertise de Lucilia, infirmière stomathérapeute, détachée sur l’ensemble de l’hôpital pour répondre aux besoins des équipes pour les pansements ainsi que les stomies urinaires et digestives.

« Je me rends régulièrement au sein de l’unité car les patients sont lourds et ont très souvent des escarres. Ceux qui ont été contaminés par la Covid-19 ont été longtemps en réanimation, allongés, en insuffisance respiratoire. Ayant eu moins d’apports, les escarres sont généralement plus nombreuses et plus graves », explique-t-elle.

Lucilia intervient sur demande des infirmières ou du médecin, le jour même où, au plus tard, le lendemain. « Je mets en place un protocole, réalise le premier pansement, puis je repasse tous les deux à trois jours pour observer l’évolution de la plaie », précise-t-elle, alors qu’elle vient de prendre en charge pendant quarante minutes un patient atteint notamment d’une escarre sacrée. 

Dans le couloir, Romàn, diététicien, échange avec Vanessa, sur la prise des repas d’un patient. Il a besoin de savoir s’il est parvenu à boire et à manger afin d’adapter son alimentation. Il se rend ensuite dans sa chambre pour l’informer du maintien de sa nutrition artificielle mais « je vais rajouter un yaourt et une compote à votre alimentation, et il faudrait aussi que vous buviez un peu d’eau pour réhabituer votre bouche et votre gorge », lui explique-t-il.

Romàn, diététicien, joue un rôle clef dans la prise en charge des patients
Romàn, diététicien, joue un rôle clef dans la prise en charge des patients. L’alimentation est une composante majeure de la rééducation des patients, souvent alimentés artificiellement à leur arrivée dans le service. © Ayoub Benkarroum.

L’alimentation est une composante fondamentale de la rééducation des patients hospitalisés au sein de l’unité de SRPR. « La plupart d’entre eux ont eu ou ont encore une trachéotomie et une sonde nasogastrique, ils ont donc été alimentés artificiellement et mon objectif est de les faire parvenir à reprendre une alimentation normale », souligne le diététicien. Après un test de déglutition, effectué par les infirmières et aides-soignantes sur prescription du médecin, il décide du menu de chaque patient et de la texture des aliments. « En raison des troubles de la déglutition et de la dénutrition, la réalimentation est progressive, précise-t-il. Elle contribue également activement à la résorption des escarres en permettant au corps de refabriquer des tissus musculaires. »

Rassurer les familles…et les patients

Au début de la crise sanitaire, la méconnaissance du virus a entraîné une réorganisation du service, qui a fait face à un afflux massif de patients en provenance des services de réanimation. « Ils cherchaient à libérer des lits, nous avons donc pris en charge des patients qui n’étaient pas forcément stables, indique Amandine. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. »

L’unité de SRPR étant spécialisée dans la prise en charge des maladies respiratoires, l’accueil des patients Covid n’a pas réellement modifié les actes de l’équipe. En revanche, les gestes barrières et donc le port du masque en permanence, rend la communication difficile. De même que l’isolement social des patients en raison de l’interdiction des visites a un impact prégnant sur eux. « Nous utilisons des tablettes pour qu’ils puissent échanger avec leur famille », rapporte le Dr Villevieille. Mais celles-ci ont beaucoup plus inquiètes qu’à l’accoutumée.

Matin, midi, après-midi et soir, le binôme infirmier/aide-soignant fait le tour des chambres pour la prise des constantes
Matin, midi, après-midi et soir, le binôme infirmier/aide-soignant fait le tour des chambres pour la prise des constantes, et des traitements ainsi que pour faire de l’effleurage afin d’éviter au maximum l’apparition des escarres. © Ayoub Benkarroum.

« Nous les avons plusieurs fois par jour au téléphone, nous avons un grand rôle de réassurance », raconte Amandine. Auprès des patients également… « Ils sont très demandeurs car angoissés d’être hospitalisés en SRPR et par la crise sanitaire qui sévit, ajoute l’infirmière. Avoir une trachéotomie et savoir qu’on est dépendant d’une machine pour respirer peut être très angoissant. De plus, ils ne peuvent pas s’exprimer comme ils le souhaitent et ont peur de ne pas pouvoir nous alerter en cas de problème. Nous sommes donc dans la bienveillance. Il faut les encourager et les féliciter sur leur parcours et leurs progrès pour les rassurer. »

 

Laure Martin

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actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans le n°40 d’ActuSoins Magazine (mars – avril – mai 2021)

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