Covid-19 : les stages de certains étudiants en soins infirmiers perturbés à la dernière minute

Covid-19 : les stages de certains étudiants en soins infirmiers perturbés à la dernière minute

La crise sanitaire perturbe de nouveau les stages de certains étudiants en soins infirmiers, à Paris et en régions. Plusieurs centaines d'entre eux se retrouvent au dernier moment à prêter main-forte à des équipes Covid, dans des conditions très éloignées de celles d'un stage, ou à faire fonction d'aide-soignant. 
Covid-19 : les stages de certains étudiants en soins infirmiers perturbés à la dernière minute
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Les étudiants concernés par cette réaffectation de stages à la dernière minute fréquentent des IFSI de Paris, Marseille, Nantes et Saint-Etienne, selon la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi).

Leur nombre n’est pas connu mais, à Paris, plus de 400 étudiants se sont trouvés dans cette situation en octobre.

Six jours avant le début de leur stage de cinq semaines, alors qu’ils organisaient leur arrivée sur les terrains, les deuxième année ont été prévenus que leurs stages initiaux étaient annulés et qu’ils étaient mobilisés sur des missions Covid, raconte Camille*, une des étudiantes concernées. Ils ont dû annoncer aux cadres qu’ils ne venaient plus, ce qui n’a pas toujours été très apprécié, note Marie, une autre ESI, qui avait trouvé son stage elle-même…

Stages annulés

Les 440 ESI ont été affectés à la plateforme téléphonique Covidom, aux équipes Covisan (dépistage à domicile) dont le dispositif Covidiag (dépistage collectif), à des équipes opérationnelles d’hygiène ou de santé au travail, des centre de prélèvement Covid à l’hôpital ou encore des unités de HAD dédiées au Covid.

Mais le jour J, tous n’ont pas pu s’y rendre, soulignent les étudiantes parisiennes, car ils n’y étaient pas attendus ou parce que les ESI mobilisés étaient trop nombreux…

Selon Camille, « 35 sont repartis dans leur stage initial, d’autres ont été renvoyés chez eux, d’autres encore ont été affectés sur des missions de secrétariat ou de chauffeur pour des équipes de HAD Covid ».

En tout, 348 étudiants franciliens ont été effectivement mobilisés sur des missions Covid au lieu de leur stage initial, souligne l’étudiante. Alors qu’elle devait aller en stage dans un service clinique hospitalier correspondant à son projet professionnel, elle a été affectée à la plateforme Covidom. Marie, elle aussi, a du renoncer à son premier stage hospitalier pour une mission à Covidom pendant deux semaines puis dans une équipe de HAD covid.

Les conditions de ces réaffectations posent tout d’abord la question de l’articulation des stages avec leur formation. S’agit-il bien de stages à proprement parler, qui permettent de relier savoirs théoriques acquis en IFSI et pratique? 

A Paris, les étudiants concernés valideront, certes, leur service sanitaire. L’AP-HP insiste sur le fait que « ces stages ne doivent en aucun cas se faire au détriment de l’acquisition des compétences théoriques et pratiques nécessaire à l’exercice clinique ». Elle indique également que « ces stages contribuent à l’acquisition de soins techniques et de soins relationnels et éducatifs listés dans le référentiel du métier infirmier » et  « permettent de découvrir des plateformes innovantes de prise en charge ». Elle assure enfin que « l’AP-HP et les IFSI proposeront un accompagnement renforcé et des options supplémentaires d’expérience clinique ».

Quelle évaluation ?

Marie n’a pas le sentiment, en HAD « voiture », d’apprendre grand-chose ni d’être très utile : « on est trois ESI et une aide-soignante d’HAD dans une voiture, et chez le patient, l’une fait le prélèvement PCR, une autre prend les coordonnées du patient, une troisième prépare le matériel, raconte-t-elle. Aujourd’hui j’ai fait deux PCR, c’était une journée un peu déprimante… »

A Covidom, Camille reconnaît qu’elle apprend des techniques de soins à distance, de communication, de soins relationnels et de recueil de données. Mais elle s’interroge sur la manière dont le stage sera évalué. Les deux cadres détachés pour valider la « feuille d’évaluation » des 170 étudiants de son IFSI ne les ont pas vus sur le terrain, constate l’infirmière…

Certes, la rémunération de ces stages, après négociation, a été fortement réévaluée (238€ par semaine, 1190€ pour cinq semaines). Mais la question de la pertinence de ces stages dans le parcours d’apprentissage des ESI reste posée. Quant à cette prime, elle ne concerne qu’eux, et pas les autres étudiants appelés en renfort à la dernière minute ailleurs.

Zoé, par exemple, étudie dans un IFSI rattaché à un CHU en région. ESI de première année en formation promotionnelle (aide-soignante auparavant), elle n’aurait pas dû effectuer de stage cet autonome car les étudiants dans son cas sont dispensés de ce premier stage. Durant cette période où les autres ESI sont en stage, « nous sommes à l’école pour travailler nos cours, explique-t-elle. Nous sommes accompagnés par des formateurs, nous devons rendre des travaux. On l’a fait trois jours. »

Le troisième jour, ces ESI ont été informées qu’elles étaient affectées deux jours plus tard en « stage renfort » d’aide-soignante, leur ancien métier. En service covid, gériatrie, cardiologie ou soins intensifs pneumologiques, « en anticipation des besoins au vu de la crise sanitaire », précise Zoé. Leur demande de dispense de stage, une simple formalité, normalement, n’était pas encore passée en commission et donc pas encore actée…

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Retour des aides-soignants

Dans ces services, alors qu’elle sont sous convention de stage, elles travaillent bien en tant qu’aides-soignantes, insiste l’étudiante, y compris certains week-ends et jours fériés alors que, selon elle, les stagiaires ne devraient pas travailler ces jours-là.

Aussi, certaines n’ont pas été doublées, déplore-t-elle. Ces ESI ont obtenu d’être libres un jour par semaine pour travailler leurs cours et d’être payées en heures supplémentaires si elles travaillent le week-end ou les jours fériés. Mais elles estiment, ajoute Zoé, que « ce n’est pas juste » d’être ainsi employées pour combler des difficultés de recrutement. « Ironie de l’histoire, poursuit l’étudiante, certaines se retrouvent dans le service avec une ESI de leur classe qui, elle, est en stage infirmier... »

La crise du covid a rendu encore plus prégnant le manque de soignants. Lisa, étudiante de troisième année qui devait rattraper cet automne son stage du sixième semestre, s’est vue au bout d’une semaine de stage à l’hôpital réaffectée par la cadre du service au remplacement d’une aide-soignante absente, sans encadrement ni apprentissage… Ni rémunération particulière…

Au final, ces réaffectations de dernière minute, la deuxième fois pour les ESI de deuxième ou de troisième année, sont parfois douloureuses. « On a déjà été mobilisés sur la première vague, on a souffert, et on ne prend pas en compte notre état psychologique, déplore Camille. On est à bout, inquiets, on veut apprendre et pas être utilisés comme bouche-trous. »

Au final, elle se demande même si elle a vraiment envie de continuer sa formation… Marie se dit également très « frustrée » par cette expérience et se demande si elle ne tentera pas d’emprunter la passerelle vers les études de médecine, son projet initial.  « Certains s’inquiètent pour leur diplôme, remarque Bleuenn Lot, présidente de la Fnesi. Ils sont peur d’avoir un diplôme covid ». « Quelles infirmières va-t-on être, se demande en effet Zoé, si on ne fait pas les stages qu’il faut ? ».

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Diplôme « covid » ?

Comme le soulignent dix organisations d’étudiants en santé, dont la Fnesi, dans un communiqué du 26 octobre, les étudiants ne refusent pas de prêter main forte aux équipes, dans le contexte de crise sanitaire actuel, bien au contraire : « ils répondront présent pour soutenir les patients et le système de santé ».

Mais par à n’importe quel prix. Les signataires demandent que leur mobilisation soit menée « ni au détriment de leur formation (avec un encadrement, une continuité pédagogique et un suivi, NDLR), ni à celui de leur santé ».

Pour Bleuenn Laot, « ce qui s’est passé lors de la première vague, on peut à la limite le comprendre car il y a eu un effet de surprise. Mais alors que nous alertons depuis six mois, nous avons l’impression que la même situation se reproduit ».

La Fnesi s’est rapprochée de l’AP-HP, et du ministère de la Santé, puisque le problème ne concerne pas que les étudiants parisiens. « On attend avec impatience que des directives soient données, ajoute sa présidente, car on voit la vague arriver et on voudrait savoir à quelle sauce on va être mangés. »

Géraldine Langlois

*Certains prénoms ont été modifiés

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Une réaction

  1. lors de la première vague covid les ESI ont été appelé en renfort et ont travaillé en collaboration avec les aides soignantes en ne pratiquant aucun soins techniques infirmiers nécessaire à leur apprentissage.
    il est évident que cela engendre un manque d’acquisition de pratiques indispensables pour la prise en charge optimale du patient.
    aujourd’hui encore les ESI sont sollicité mais à quel prix puisque le temps réquisitionné pour l e covid est validé en temps de formation ??
    ne serait il pas judicieux de suspendre leur formation comme il en est actuellement le cas pour la formation des infirmiers IBOD et IADE ?

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