Infirmiers et auteurs : soignants jusqu’aux touches du clavier

La variété des domaines d'intervention et la richesse humaine de l'exercice infirmier constituent un gisement inépuisable d'expériences et de réflexions qui amène certains IDE à les retranscrire et les partager dans des livres. A la confluence de la démarche d'écriture de trois de ces infirmiers-auteurs, un moteur très « soignant » : l'utilité.

© BernardaSv / iStock

Journal intime, partage d'expérience, témoignage... l'écriture, associée ou pas au dessin, remplit différentes fonctions chez les infirmiers et infirmières qui l'adoptent.

Emmanuelle Mercier, infirmière en psychiatrie dans une consultation pour les adolescents, a écrit « Avec des mots » (décembre 2020, Editions de la châtaigneraie), un livre qu'elle a conçu comme « un outil de prévention et thérapeutique pour les adolescents et les parents ».

Elle y partage son expérience des entretiens qu'elle mène avec des adolescents sur les grandes problématiques qui les préoccupent (confiance en soi, sexualité, famille, amitié, conduites à risques, etc.).

Elle les évoque à travers les histoires de vie de patients, des « cas cliniques très représentatifs », résume-t-elle. « Mon métier est un métier de mots », souligne cette infirmière qui fait l'expérience du « pouvoir des mots » et de l'importance de bien les choisir dans sa pratique quotidienne.

Pour elle, ce livre est « un moyen d'aller vers les jeunes qui ne viennent pas en consultation », de leur ouvrir la porte des lieux où ils peuvent trouver une écoute et une aide.

Ouvrir une porte

L'écriture n'était pas totalement étrangère à cette bachelière littéraire mais elle est devenue plus « fluide » quand, clavier sous les doigts, elle s'est mise dans la posture d'une « infirmière qui s'adresse à ce public [qu'elle] connaît bien. C'était comme si je leur parlais ».

Elle a considéré publier son livre à compte d'auteur mais une petite maison d'édition locale a accepté de l'éditer. Son livre est donc disponible sur toutes les plateformes de vente en ligne (mais pas forcément en librairie). « Ce qui a été le plus porteur, confie Emmanuelle Mercier, c'est que le Dr Xavier Pommereau ait accepté d'écrire la préface. » Un signe de confiance qui l'a confortée dans son projet. Cette première expérience a développé chez elle « le virus de l'écriture » et elle envisage d'ailleurs d'écrire un nouveau livre, peut-être à l'intention des parents...

Xavier, plus connu sous son pseudo d'instagrameur « L'homme étoilé » a quant a lui publié chez Calmann Levy deux albums de BD depuis janvier 2020 : « A la vie » (15000 exemplaires vendus) et « Je serai là » (15000).

Des recueils d'histoires dessinées publiés au départ sur son compte Instagram. « A la base, je ne destinais pas ces histoires à un livre en tant que tel », précise l'infirmier, qui a « toujours adoré dessiner ». Il les imaginait, les dessinait et les publiait pour « rendre hommage aux personnes qui ont jalonné [son] parcours, qui [l'] ont inspiré et fait grandir comme soignant et comme homme », dans le service de soins palliatifs où il travaille.

Pour témoigner aussi. Parce que le travail dans ce type de service est considéré comme particulièrement éprouvant, « on ne me demande jamais comment s'est passée ma journée de travail, poursuit Xavier. Il y a un fossé entre mon expérience au quotidien et la manière dont je l'envisage. Moi je kiffe mon travail, je suis heureux de ce que j'y fais, même si ce que j'y fais n'est pas toujours agréable, comme dans tous les boulots. »

Hommage

A travers ses dessins, il veut proposer « un regard plus juste » sur ce qu'il vit au quotidien.

Le succès de ses publications sur le réseau social a attiré l'attention des éditeurs et propulsé à une toute autre échelle de notoriété ses histoires - et leur auteur. L'infirmier est ainsi vu par certains lecteurs comme un « infirmier super héros » qu'il ne cherche pas du tout à être. « On a fait un peu de moi un ambassadeur des soins palliatifs et de la fin de vie alors que ce n'est pas un rôle auquel je prétends », insiste-t-il. Alors il envisage un troisième album moins autobiographique. Un projet qui pourrait l'inciter à travailler un peu moins à l'hôpital.

Chez Morgan Perruez, infirmier depuis quatre ans et auteur de deux livres sous le nom de "Monsieur Piqure" (« Trois ans », en 2019, et « L'enfer c'est d'abord soi-même », en 2021), l'écriture remplit plutôt une fonction d'exutoire. « J'ai toujours eu besoin d'écrire, confie-t-il. Cela a toujours été un moyen pour moi de décharger mes émotions. » Quand il était étudiant en soins infirmiers, il a ainsi tenu un blog anonyme sur lequel il publiait des anecdotes sur sa formation, ses questionnements d'étudiant, les situations vécues, heureuses ou pas.

Témoignage

Encouragé par des amis et des collègues de promotion, « j'ai eu envie de publier ces textes pour mesurer l'évolution de mon parcours durant ma formation et offrir un témoignage aux ESI et futurs ESI ». Il a auto-édité ce premier livre (comme le suivant) sur une plateforme numérique bien connue.

Une option qui ne génère quasiment aucun revenu mais ce n'était pas son objectif. « Je cherchais quelque chose de facile et rapide et je n'avais pas de contact dans le monde de l'édition », explique Morgan Perruez. Il souhaitait aussi que ses textes ne soient pas retouchés et restent tels quels, bruts.

Un choix d'autant plus revendiqué pour son second livre, qui contient des textes, intimes, écrits en 2020 lors de son burn-out et de sa dépression. Ecrire ce tome 2, poursuit l'infirmier, « m'a aidé à avoir les idées plus claires sur ce que je vis et sur le chemin parcouru depuis le début de la dépression. Cela m'a aussi aidé à être fier de moi et de ce que j'ai mis en place pour aller mieux ».

L'idée que son témoignage puisse aussi être utile à d'autres soignants dans la même situation lui importe aussi beaucoup.

L'utilité, un fil rouge entre ces trois démarches d'écriture. Une caractéristique profondément soignante ?

Géraldine Langlois

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