Les soignants des secteurs social et médico-social obtiendront-ils la revalorisation du Ségur ?

Des dizaines de milliers d'infirmiers et d'aides-soignants travaillant dans des services sociaux et médico-sociaux n'ont pas eu droit à la revalorisation salariale décidée en 2020 lors du Ségur. Une exclusion largement considérée comme injuste et qui mobilise très fortement. Une mobilisation nationale est prévue demain. 

MISE À JOUR DU 22 /01 : la revalorisation salariale a été actée pour le secteur médico-social  (pour les agents rattachés à un établissement public de santé). 

Le fait que les soignants (comme les autres agents) des établissements médico-sociaux et sociaux de la Fonction publique hospitalière comme du privé non lucratif ne soient pas concernés par la revalorisation de leur rémunération mensuelle*, actée lors du Ségur de la santé, a provoqué une onde de choc qui se répercute dans la rue.

La CFDT a cependant annoncé le 13 janvier dans un communiqué que « le Ministère s'est engagé, devant la délégation reçue (la veille, NDLR), a étendre le versement d'un CTI (complément de traitement indiciaire, c'est-à-dire la revalorisation décidée lors du Ségur de la santé, NDLR) aux salarié.es des établissements sociaux et médico-sociaux rattachés à un établissement sanitaire public ».

Comme le souligne Evelyne Rescanières, secrétaire générale de la fédération CFDT Santé sociaux, avec précaution, « on n'a qu'un engagement ». Mais « c'est acté, indique-t-elle aussi. On attend le texte ». Du côté de Force ouvrière, signataire comme la CFDT (et l'Unsa) de l'accord de juillet, cette annonce a suscité le doute : selon FO, les décisions, arbitrées par le Premier ministre, devaient être annoncées aux trois signataires du Ségur en même temps.

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Annonce non confirmée

Le cabinet d'Olivier Véran, que nous avons interrogé, n'a ni infirmé ni confirmé l'information communiquée par la CFDT. Le ministre réserve-t-il cette annonce en réponse à la journée de mobilisation de demain ? « On aimerait y croire, témoigne Danièle, infirmière dans une maison d'accueil spécialisée rattachée à un hôpital psychiatrique, mais tant qu'il n'y a pas de décret, on n'est pas rassurés. »

Depuis que les soignants des services concernés ont eu la confirmation, à l'automne, qu'ils n'allaient pas toucher cette revalorisation, ils se sont mobilisés, avec leurs syndicats, et de très nombreuses manifestations ont eu lieu en région et à Paris.

« Quand on l'a appris, en octobre, on a été très surpris, raconte Danièle, car nous avions reçu durant l'été un courrier d'Olivier Véran disant qu'on y aurait droit. Pour nous, c'était acquis. »

Quand ils ont compris que ce n'était pas le cas, elle et ses collègues se sont sentis « méprisés ». Cela a signifié pour eux que « ce qu'on apporte à nos patients n'a pas la même valeur que ce qu'apportent nos collègues du sanitaire, y compris du même établissement que nous, poursuit-elle. Un collègue m'a dit "je ne suis pas un vrai infirmier" ».

François, IDE dans un établissement de la protection de l'enfance, a ressenti un fort sentiment d'exclusion. « On s'est sentis dévalorisés, ajoute-t-il, par le fait qu'on soit mis de côté et qu'on estime donc qu'il n'y a qu'à l'hôpital qu'on travaille, qu'on mérite une revalorisation et qu'on soigne des gens. Cela signifiait que ce qui se fait à l'extérieur est moins compliqué, moins glorieux. Quand on en en parle entre collègues, on a l'impression d'être des sous-soignants, des soignants low cost, alors qu'on a le même diplôme que les collègues » qui, eux, ont obtenu la revalorisation.

Situation assez inédite : certains directeurs d'établissements ont admis l'injustice de cette mesure et l'ont exprimé. La Fédération hospitalière de France aussi.

Soignants "low cost" ?

Pour François, octroyer cette revalorisation uniquement aux professionnels de l'hôpital et des Ehpad relève du « coup de com », face à la mise en avant de ces établissements durant la crise liée au Covid. Mais comme le rappelle Patrick Bourdillon, secrétaire fédéral de la CGT Santé et action sociale, le Ségur n'a pas été organisé en réponse à la crise du Covid et à la mobilisation exceptionnelle des soignants : la crise sanitaire a accéléré la tenue de ce « Ségur », dont la portée est générale.

Ramon Vila, secrétaire fédéral SUD Santé sociaux, insiste ainsi sur le fait qu'il ne doit pas y avoir de « différence de traitement entre les premiers de corvée et les autres », qui « creuse la division » entre les uns et les autres.

Le secrétaire fédéral de la CGT résume le fondement du sentiment d'injustice ressenti par les exclus du Ségur : l'unicité du diplôme d'infirmier a été mise à mal par la décision initiale. A diplôme unique, « il faut une uniformité » dans la manière de répondre aux attentes des professionnels, ajoute-t-il.

Pour François, le DE d'infirmier « nous permet de passer du sanitaire au social si on veut. Il n'y a aucune raison de penser que parce qu'on travaille dans le médico-social, on mérite moins de bénéficier de cette revalorisation, d'autant plus quand on fait aussi partie de la Fonction publique hospitalière. » Et l'infirmier de souligner qu'il réalise les mêmes soins qu'à l'hôpital, dans les mêmes conditions (postes de 12 heures, sept jours sur sept, jours et nuits) et avec de lourdes responsabilités.

En tant qu'infirmier de la FPH dans un service non rattaché à un établissement sanitaire (et dépendant de la Fonction publique territoriale), il pourrait cependant ne toujours pas avoir le droit à la revalorisation annoncée par la CFDT... « Une exclusion dans l'exclusion », résume-t-il, qui concernera probablement aussi les professionnels des services sociaux et médico-sociaux du privé.

Fuite vers le sanitaire

L'extension des revalorisations du Segur aux agents des services sociaux et médico-sociaux de la FPH (40000 personnes selon la CGT) mais aussi aux professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif (400000 personnes environ), figure parmi les revendications des syndicats pour la journée de mobilisation de demain.

A défaut, il pourrait y avoir une « fuite majeure, par une logique salariale », des professionnels vers le secteur hospitalier, souligne Patrick Bourdillon, et une tension accrue sur le métier d'infirmier dans les secteurs non sanitaires. « Des collègues parlent de se mettre en disponibilité ou de postuler ailleurs, observe Danièle. Cela pose la question de l'accompagnement de nos futurs résidents. Certains comprennent d'ailleurs très bien ce qu'on vit. Qu'est-ce que ça veut dire pour eux d'entendre que nous ne sommes pas traités comme les soignants de l'hôpital ? »

Dans la rue demain, les syndicats, les collectifs et les agents mobilisés réclameront non seulement l'application du CTI du Ségur au plus grand nombre mais surtout une augmentation du point d'indice dans les grilles salariales de la Fonction publique hospitalière, qui touchera tous les agents.

Géraldine Langlois

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* 183€ net pas mois supplémentaires pour tous les professionnels non médicaux des hôpitaux et Ehpad publics et privés non lucratifs, plus 35€ nets en moyenne par mois de  rémunération supplémentaire pour les personnels au contact des patients via la revalorisation des grilles indiciaires .

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Réactions

4 réponses pour “Les soignants des secteurs social et médico-social obtiendront-ils la revalorisation du Ségur ?”

  1. Netode lima Maria dit :

    Moi je travaille à la mas comme agent de entretien ménage et mon salaire et très bas j’ai a peine à vivre nous le smic reste le même depuis des années

  2. Mld dit :

    Tous les soignants y compris à domicile ont été pris pour des dindes !! C’est scandaleux. Limite à vous dégoûter et vouloir changer de métier même à 41 ans. Je fais le même travail que lorsque j’étais en ehpad public et pourtant moi comme beaucoup d’autres apparament on ne vaut pas cette hausse.

  3. Mina paccoud dit :

    As depuis trente ans à la retraite personne ne savait en quoi constituait notre travail on connaissait sur les Ide à l heure du covid on nous a encensés Mais à l heure des primes le gouvernement nous oublie on aurait dû obliger le ministre à faire quelques heures avec nous quel remerciement !!!

  4. Robin dit :

    Je suis comme soeur Anne je ne vois toujours rien venir on changera d établissement ehpad pour avoir augmentation salaire bonne chance

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