Crise sanitaire : qui fait quoi en France ?

En quelques semaines, la France a transformé son système de santé face au coronavirus. Trop timidement et trop tard, peut-être. Mais une chose est sûre : si la plupart des soignants du pays sont aujourd’hui, directement ou non, mobilisés contre l’épidémie, c’est en vertu de mécanismes pensés de longue date. Décryptage.

Jérôme Salomon, directeur général de la santé, lors d'un point presse quotidien et une traductrice LSF.

Tous les soirs, le même rituel se déroule au ministère de la Santé depuis que le coronavirus a déferlé sur la France.

Le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, égrène des chiffres tous plus inquiétants les uns que les autres : nombre de nouveaux cas, nombre de malades en réanimation, nombre de morts… Il dévoile aussi les dernières mesures mises en œuvre pour combattre l’épidémie sur le terrain.

La France entière est suspendue à ses paroles, à tel point que pour beaucoup, ce médecin de santé publique est devenu le visage de la réponse à la crise sanitaire. Mais en réalité, c’est tout un écosystème qui se mobilise contre l’épidémie.

« La DGS (Direction générale de la Santé, ndlr) est la direction opérationnelle au sein du ministère de la Santé, et il est normal qu’elle soit le porte-parole », comment le Pr François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France et auteur d’un récent ouvrage où il relate comment il a créé puis dirigé cette agence notamment chargée de la sécurité sanitaire*.

Mais la DGS joue en réalité pendant l’épidémie plutôt le rôle de chef d’orchestre qui est habituellement le sien en temps normal. « Tous les mercredis s’y tient la réunion de sécurité sanitaire, explique François Bourdillon. Une quarantaine de personnes de différentes administrations (Agence du médicament, Établissement français du sang, autres ministères…), à un niveau élevé (direction générale…) y exposent les alertes de la semaine. »

 

Des ministères aux établissements

Au sein de la DGS, c’est le Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (Corrus) qui gère les différentes alertes. Celui-ci a trois niveaux d’activité, et nous sommes actuellement au niveau le plus élevé.

Concernant la réponse sur le terrain, celle-ci est coordonnée par les Agences régionales de santé (ARS). « Dans les situations sanitaires exceptionnelles, ce sont elles qui vont faire le rouage pour transmettre les directives aux établissements, mais aussi pour faire remonter les informations », détaille depuis l’autre bout de la chaîne le Pr Pierre-Édouard Bollaert, chef du pôle « urgences-réanimation médicale » au CHRU de Nancy qui coordonne notamment un diplôme de médecine de catastrophe à l’Université de Lorraine.

Dans les faits, le Lorrain constate que beaucoup de choses sont gérées au niveau de l’établissement lui-même. « Comme dans tous les hôpitaux, nous avons activé le plan blanc (plan prévu pour faire face à un afflux exceptionnel de patients, ndlr), qui prévoit la constitution d’une cellule de crise, indique le Lorrain. C’est comme cela que nous avons pu recruter et redistribuer le personnel, adapter l’activité, etc. »

Les établissements ont également la possibilité (que Nancy n’a pas utilisée) de faire appel à la réserve sanitaire, gérée par Santé publique France. « Ce sont des soignants susceptibles de venir suppléer le système de soins quand il est débordé, ainsi qu’un établissement pharmaceutique avec des stocks », détaille François Bourdillon.

 

L’art délicat de l’anticipation

Le dimensionnement de ces stocks (notamment en ce qui concerne les fameux masques) fait justement l’objet de débats houleux ces derniers temps. Mais l’ex-directeur général de Santé publique France souligne la difficulté qu’il y a à prévoir la réponse appropriée. « C’est le propre de la planification : on cherche à anticiper quelque chose qu’on ne connaît pas », explique-t-il. Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître que le système peut être encore amélioré, notamment pour être plus autonomes. « Nous restons extrêmement dépendants de la mondialisation, et notamment de la Chine, comme par exemple pour les réactifs », regrette-t-il.

Autre point susceptible d’amélioration : la réactivité. Car au lieu de préparer la guerre précédente, les systèmes de santé doivent accepter qu’on ne sait jamais d’où viendra la menace à l’avenir.

Faudra-t-il pour la prochaine crise des masques ? Ou bien des seringues ? Ou encore des poches de perfusion ? « L’important, c’est d’identifier des industries que l’on peut qualifier de stratégiques, capables de se réorienter pour produire ce dont on a besoin face à une pandémie, rêve François Bourdillon. Cela ne pourra probablement se faire qu’à l’échelle européenne. »

Un beau chantier en perspective pour l’après-crise.

Adrien Renaud

* Agir en santé publique, Presses de l’EHESP, février 2020

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Réactions

1 réponse pour “Crise sanitaire : qui fait quoi en France ?”

  1. Lionel-13 dit :

    Bonjour

    Je pense malheureusement que dan ces conditions il ne vaut mieux pas compter sur l’Europe
    https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/03/la-france-a-t-elle-intercepte-des-masques-a-destination-de-la-suede_1784053

    Déjà que sur le territoire français nous ne sommes pas capables de nous coordonner!
    https://www.lexpress.fr/actualite/politique/guerre-des-masques-entre-la-region-bourgogne-franche-comte-et-l-etat_2123068.html

    Avant que le dirigeants ne se mettent d’accord; Il reste aux personnes elles même à gérer leurs ressources, mais encore faut il les en informer…

    On conçoit aussi les difficultés que cela peut entraîner quand on lit les actes d’effraction pour s’en procurer…!

    Lionel

    Lionel

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