Quelle mesure pour le vécu des personnels hospitaliers ?

Le malaise des personnels hospitaliers est omniprésent. Mais quelle mesure « scientifique » peut-on faire de leur ressenti? Et avec quelles conséquences pour eux comme pour l’institution ? C’est le défi que s’est lancé Loïc Raynal, président fondateur d’Hospitalidée, plateforme de recueil d’avis de patients sur les hôpitaux, qui, invité au Salon Infirmier le 21 mai, a délivré les résultats d’une étude qu’il vient de mener.

Quelle mesure pour le vécu des personnels hospitaliers ?

Le terrain, Loïc Raynal connaît. Déjà, pour le lancement d’Hospitalidée, le « Trip Advisor » des séjours en hôpital ou clinique, il avait créé une grille de collecte des informations en collaboration avec des patients et des associations de patients, afin de mieux cerner leurs problématiques et de ne pas les penser à leur place. Pour l’étude qu’il vient de mener de l’autre côté de la barrière, cette fois, du point de vue des soignants, il a repris la même recette. Une grosse cinquantaine de personnels l’a ainsi aidé à construire une grille adaptée, loin des fiches QVT que les RH appliquent sans zèle.

Ce questionnaire, auquel ont répondu 501 personnes (22 % de médecins, 3 % de directeurs, 20 % de cadres de santé et 53 % d’IDE et d’AS…) a permis de dégager des grands axes de ce malaise en notant des propositions de 1 à 5.

Premier chiffre percutant de l’étude : la question « Envisagez-vous de changer d’établissement ? » remporte la note de 4 /5, signe d’une vraie perte d’attachement à son établissement, au-delà d’un dévouement sincère à son équipe de travail. « Dans les établissement, les problèmes rencontrés sont d’ordre hiérarchiques et organisationnels, beaucoup plus que par rapport à ses collègues de travail », a-t-il ainsi estimé.

N’empêche, pour les DRH, dont la priorité numéro 1 est « l’engagement des salariés », cette note fait tache.

Vers un management vertueux ?

Car, pour la santé comme pour d’autres secteurs comme l’industrie ou les services, tout commence par la satisfaction des salariés. Cette satisfaction, si elle est suffisante, permet d’entraîner la motivation, c’est-à-dire de l’énergie pour générer des actes nouveaux, avec, pour but, l’investissement, qui se traduit par de l’intelligence de situation, autrement dit, l’émergence d’idées… Dans un système qui fonctionne, tout le monde ressort gagnant. Mais sans satisfaction, la recette ne prend pas.

Du côté des chiffres, 32 % des personnels hospitaliers se disent satisfaits, une proportion que l’on retrouve identique dans le secteur industriel. Mais la motivation et l’investissement pèchent, avec 81 % des sondés qui envisagent de changer de métier, et la même proportion subit des situations difficiles ! Cependant, 90 % partagent des idées, signe qu’ils veulent s’en sortir. Pour les soignants, « il n’y a pas que des plaintes et des complaintes », au contraire.

Des problèmes en cascade

89 % des sondés constatent des dysfonctionnements dans leur service (changements d’horaires, absence de week-ends, manque de moyens matériels...) « Tous ces petits cailloux dans la chaussure polluent le quotidien ». Mais cette proportion tombe à 54 % chez les cadres, qui, visiblement, n’ont pas le même vécu que les infirmières.

76 % des sondés ressentent un sentiment de solitude, et 46 % se sentent « vraiment » seuls dans leur travail. Les témoignages abondent d’IDE qui racontent être seuls face aux urgences, ce qui les met dans des situations difficiles, voire dangereuses…  Quatre grands critères ressortent : certains objectifs, comme les conditions de travail, l’accès inégal au droit à la formation, pas toujours appliqué, d’autres subjectifs comme la fatigue due à l’absence de reconnaissance, l’absence d’écoute de la direction en cas d’alerte ou le comportement des managers, parfois qualifié de paternaliste.

Des données précises pour que les RH (ré)agissent « mieux » ?

Loïc Raynal a évoqué sept leviers d’action qui permettent d’améliorer l’attachement des salariés à leur entreprise. Et qu’il a appliqués à l’hôpital. La fierté du métier, l’autonomie, le développement des compétences, l’évolution des parcours, l’ambiance et les conditions de travail, les pratiques managériales et la rémunération.

Si la fierté du métier fait consensus chez les soignants (4,4/5), ce n’est pas le cas du développement des compétences qui n’obtient que 2,3/5, ni pour les parcours, avec un petit 2,1/5. Carton rouge pour les pratiques managériales, avec seulement 1,6/5 ! Pourtant des actions sont possibles, en faveur des « budgets de formation ou de la rémunération ». Il faudrait que les salariés deviennent des « salariés partenaires », habilités à faire des suggestions, à évaluer quelles marches de manœuvre peuvent être mises en place.

« A l’hôpital, il est nécessaire de lier ce concept à la ‘’symétrie des attentions’’ : c’est-à-dire mesurer les moments clés du patient, ajuster la posture des infirmiers, les processus et les services de l’organisation pour répondre aux besoins du patient, par parcours de soin… Pour que l’IDE ait la bonne posture face au patient, il faut que l’organisation ait la même posture à son égard », précise-t-il.

Car à ses yeux, pas de doute : toutes les entreprises qui réussissent sont passées par là. En témoigne la revitalisation de Kiabi, en faillite, qui a depuis lors ressuscité.

Pour les DRH, l’enjeu est de taille, face à 20 % des salariés, qui en France, se disent désengagés. « Mais il leur faut d’abord les bonnes datas ». C’est tout l’enjeu de cette étude, pérenne. Car dans un second temps, Loïc Raynal aimeraient que les RH fassent appel à ses services, afin de leur restituer des données -évidemment anonymes - périmétrées à leur hôpital et qui leur donneraient une connaissance plus précise des problématiques de leur établissement. Afin d’y trouver les réponses les plus adéquates.

Delphine Bauer

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