Indignation, dépit…. Yaëlle Herz, infirmière, écrit à François Hollande

Nous reprenons, avec son autorisation, la Lettre ouverte au Président de la République de Yaëlle Herz  diffusée sur sa page FB. Et nous la remercions pour ce partage

Indignation, dépit.... Yaëlle Herz, infirmière, écrit à François Hollande

©DR

Monsieur le Président,

Je vous écris ce jour pour vous transmettre mon indignation, mon incompréhension, mon dépit et mon inquiétude.

Je suis infirmière à l'hôpital Rothschild dans un service de rééducation neurologique mais le service importe peu.

Mon indignation tout d'abord, oui.

Il m'est pénible de penser que la santé devienne un secteur rentable et qu'aujourd'hui, elle serve de bouclier pour mettre en place des mesures d'économie reposant essentiellement sur ce qui constitue le pilier sine qua non des hôpitaux, à savoir les soignants.

Que signifie concrètement faire grève pour un soignant? Nous sommes assignés ou en congé car nous travaillons un week-end sur deux. Quel travailleur du lundi au vendredi ferait la grève ou irait manifester 3 dimanches consécutifs ?

Quels soins ne pas effectuer auprès du patient pour pallier l'absence de ceux qui font grève ? Aucun. Ils sont tous nécessaires. La charge de travail est augmentée. Aucun soignant " n'abandonne " paisiblement ses collègues. Aucun soignant n'abandonne ses patients. Il serait criminel de prendre les "usagers de soins" en otage.

Mon indignation nait de cette simple vérité que les dirigeants n'ignorent pas et qui nous rend vulnérables dans la lutte qui est silencieusement la nôtre. La donne des négociations est pipée.

Mon incompréhension, aussi.

Si ma mémoire ne m'égare pas trop, les 35 heures sont le fruit de choix gouvernementaux socialistes. Elles devaient permettre la création d'emplois et alléger ainsi une charge de travail déjà importante.

Je vous entends aujourd'hui rappeler combien l'emploi, la baisse du chômage demeure votre priorité, mais je comprends mal comment les réformes que Monsieur Hirsch souhaite nous imposer vont participer à servir vos desseins et défendre vos valeurs sociales.

Mon dépit, également.

La réduction du temps de travail s'est accompagnée à l'AP-HP de l'instauration de ce que nous nommons la " grande équipe ", un efficace stratagème qui rend les agents plus mobiles et flexibles dans leurs horaires, jours de présence / absence et permet ainsi de mieux faire face aux carences liées à l'absentéisme ou d'une façon plus globale au manque d'effectif.

Aujourd'hui la grande équipe constitue l'engrais le plus fertile à une déshumanisation des politiques de management.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="autopx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]La " grande équipe ", un efficace stratagème qui rend les agents plus mobiles et flexibles dans leurs horaires, jours de présence / absence et permet ainsi de mieux faire face aux carences liées à l'absentéisme ou d'une façon plus globale au manque d'effectif. [/dropshadowbox]J'ai été éduquée à rédiger ce genre de lettre avec l'idée maîtresse qu'elle ne doit pas être empreinte d'émotions, d'affects, mais se contenter d'être la plus factuelle possible. Alors voici des faits :

Nous n'avons aucune visibilité de nos plannings avant le 15 du mois précédent, exceptés les week-ends qui reviennent immuablement une semaine sur deux. Le roulement matin / après-midi/ jours de congés - y compris les RTT et autres repos sont imposés. Ce planning est "sous réserve de modifications" impromptues.

Il plane donc sans cesse la menace d'une modification pour laquelle nous ne sommes pas sollicités afin de connaître nos possibilités, disponibilités. Il nous faut quotidiennement consulter les plannings. En d'autres termes, il nous est pernicieusement signifié que notre vie doit s'organiser et se plier aux obligations du service.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="autopx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]Les RTT représentent notre oxygène, celui qui nous aide et permet de "tenir".[/dropshadowbox]Dévoués aux patients. Dévoués à l'hôpital.

Cette pratique créé une souffrance sourde, inexprimée et inentendue qui participe immensément à un dépit , une acceptation triste voire une résignation amère.

Les RTT représentent notre oxygène, celui qui nous aide et permet de "tenir".

Des faits encore : je lis que les patients ont changé. Leur souffrance, leurs douleurs et leurs besoins ont-ils changé ? La lutte contre la maladie ou son acceptation ont-elles changé ? Le handicap a-t-il changé ?

La notion de responsabilité a, par contre, changé ; celle de la culpabilité aussi.

II nous est exigé une traçabilité de plus en plus importante et contraignante.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="autopx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]J'ai connu les 39 heures et je peux témoigner que les 35 heures nous ont forcés à effectuer le même travail technique et relationnel dans un temps plus restreint[/dropshadowbox]J'ai connu les 39 heures et je peux témoigner que les 35 heures nous ont forcés à effectuer le même travail technique et relationnel dans un temps plus restreint, dans lequel nous avons dû faire une place pour appliquer toutes les procédures de traçabilité correctement. Ce temps dédié n'est aucunement chiffré, quantifié. Il est bien souvent responsable de débordements quotidiens sur le temps de travail.

Nous rencontrons de plus en plus de patients exigeants , procéduriers qui, in fine, réclament d'être écoutés et entendus.

Alors mon inquiétude. Evidemment.

Celle de devoir consacrer encore moins de temps à ceux pour lesquels je me lève à 5 heures du matin, ou rentre à 22h30 le soir. Celle de devoir les éconduire pour essayer de terminer ma journée à peu près à l'heure en ayant transmis au mieux à l'équipe qui prend ma relève afin d'assurer un suivi optimal de la prise en charge.

Mon inquiétude de devoir écorcher l'essence même de mon métier, à savoir la clinique, celle qui étymologiquement m'amène au chevet de mes patients, auprès d'eux. Celle qui me permet de me sentir utile, celle qui fait de moi autre chose qu'un simple dispensateur de soins. Celle qui me fait aimer mon métier. Mon inquiétude de ne pas être écoutée et entendue, à mon tour. Aussi.

Mais je souhaite aussi, Monsieur le Président de la République, vous dire ma fierté. Celle de participer à la diffusion de cette magnifique institution que seule la France offre dans le monde. Oui, je suis fière d'être une soignante française.

[dropshadowbox align="none" effect="lifted-both" width="autopx" height="" background_color="#ffffff" border_width="1" border_color="#dddddd" ]Oui, je suis fière d'être une soignante française. [/dropshadowbox]Et je refuse de me résigner à penser que vous participez à défendre un projet qui atteint les soignants au plus profond de leur intégrité professionnelle.

Nous partageons des valeurs fortes telles le respect, la collaboration et l'optimisme.

C'est pourquoi je me permets de vous inviter à participer à un véritable échange où nous pourrions réfléchir ensemble , car j'entends et comprends aussi la nécessité de certains remaniements et d'économie raisonnées.

Instiguons une nouvelle " grande équipe " !

Monsieur le Président de la République, j'espère que vous me lirez, et vous vous prie d'agréer l'expression de ma plus haute considération.

Yaëlle HERZ

Pourquoi écrire à François Hollande plutôt qu'à Marisol Touraine ?

Marisol Touraine ne semble pas très ouverte au dialogue, et surtout la question de l'emploi , préoccupation majeure du président , semble mise à mal de bien des façons dans cette réforme que propose Martin Hirsch. J'ai pensé aussi que cette lettre serait mieux diffusée, que l'impact serait plus important pour tous les soignants qui souffrent et qui n'osent pas parler. Qu'ils se reconnaitraient. Savoir que l'on n'est pas seul aide à combattre. C'est une profession où finalement on est seul, on rentre chez soi directement en sortant du travail après avoir couru toute la journée. On parle des patients, pas de soi.

(Propos recueillis par Malika Surbled)

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Réactions

23 réponses pour “Indignation, dépit…. Yaëlle Herz, infirmière, écrit à François Hollande”

  1. Qu’une cadre supérieure de santé, un directeur d’établissement, un ministre etc soit hospitalisé ne serait ce qu’une journée lui ou même ou un membre de sa famille dans un service hospitalier, pour voir à quel point il est dur d’être un patient par les temps qui court, car par manque de personnel nous mettons du temps pour répondre à une sonnette, à venir administrer un antalgique, accompagner aux wc et les exemples sont long, ou alors qu’ils viennent vivre notre vie « en enfer » une journée. Peut être que ça leur ferait voir notre profession sous un autre angle et même comme ça je ne suis pas sur que les choses changent. Car un hôpital tournera toujours même en effectif réduit, car notre conscience professionnelle pour le coup ne joue pas en notre faveur elle nous désert.

  2. Une lettre très bien écrite qui soulève bien les difficultés actuelles pour nous, soignants de prendre soin des patients de façon qualitative. Bravo !
    Quelques soient les réformes, la politique de soin, etc mon métier reste une partie de moi que nul ne peut ébranler.

    N’oubliez pas que nous sommes formés à être le plus objectif possible, à être lucide là où d’autres pourraient paniquer, et cela vis à vis de certains autres commentaires qui ressemblent plus à de la démagogie ou à de la tentative de récupération. Ceux sont parfois les mêmes qui défendent « soi disant » les soignants qui dénonce les fonctionnaires… Pour ma part, je suis les deux, indissociable…

  3. aerius51 dit :

    Le nombre des soignants paramédicaux est largement au delà de 500000 agents en France (493500 infirmières).Si les soignants ne se syndiquent pas,ne se rassemblent pas autour de leurs revendications,ne manifestent pas massivement dans la rue pour crier haut et fort les conditions de travail et la souffrance et créent un rapport de force avec le gouvernement alors RIEN ne se fera jamais pour se sortir de cette situation.Cette superbe lettre ouverte ira malheureusement à la déchiqueteuse.IL FAUT UNE PRISE DE CONSCIENCE COLLECTIVE ET UNE LUTTE dans la rue ,toucher l’opinion public,bousculer les décideurs qui sont censés nous représenter.

  4. Il faut faire une grève générale une Révolution mais les Français ne sont pas prêts ?

  5. Un beau résumé de la situation et du mal être des soignants

  6. elle aurait du bosser chez Ferrero pour etre entendue

  7. Suzanne Mery dit :

    s’il avait besoin de soins en urgence et qu’il soit hospitalisé dans l’hôpital le plus proche sans suffisament de personnel ,et au milieux de nulle part …..avec la trouille d’y passer !.. mais  » ceux là » sont protégés par leur système ! avions , hélicos et cie …TANDIS QUE CERTAINS MEURENT SUR LE PERIPH !!! manque de place !!.. ça LA FRANCE !! comme au fond de l’Afrique ……FRIC ! FRIC !

  8. C est pas en faisant rien que les choses changeront. Tout le monde de à cas écrire! Moins facile à faire que de dire que c est naïf. …. personne je l ai fait il y a 5 ans. Lettre suivi par plus de 1000 ide j ai même pas eu de réponse de sarko. Tampi mais si on ne fait rien, rien ne changera

  9. Paul Ine dit :

    Les choses ne sont pas prêtes de changées, vu que contrairement à d’autres professions, les soignants ne sont pas soudés. Elle , au moins, fait quelque chose pour dénoncer nos conditions de travail. Continuez de vous critiquez les uns les autres c’est sûrement comme ça qu’on fera bougé les choses!!!!

  10. Maud Jeandot dit :

    je ne crois pas non plus que Mr Hollande daignera écouter les demandes et ressentis des soignants…néanmoins, nous faisons un métier où nous savons qu’il est essentiel de pouvoir exprimer son mécontentement, son ressenti, et surtout quand il est négatif…alors oui, je trouve vraiment bien que des voix s’élèvent pour dire le ras-le-bol général…je le fais à ma petite échelle d’infirmière, dans mon service, je sais que la réponse sera presque toujours qu’ils n’ont pas de sous, qu’il n’y aura pas plus d’embauche etc…mais non seulement je me sens moins passive et « victime », mais en plus parfois on a des surprises… 😉 courage à toutes et tous…

  11. mclove dit :

    les lettres écrites à des politiques sans coeur , sans oreilles , sans état d’âme , n’ont qu’un seul effet celui d’avoir permis de mettre sur le papier à cette IDE, son quotidien donc le seul effet thérapeutique est pour celui qui la rédige . L’effet attendu de la prise de conscience du mal de vivre des agents de toutes les catégories ,qui permettent par leur bonne volonté, de donner au système hospitalier encore un semblant d’humanité tout le monde s’en fout !!!

  12. Peut – être voire surement que cette lettre ne servira à rien. Mais les soignants sont épuisés, et si écrire et crier son ras le bol peut aider ne serait – ce qu’une infirmière à ne pas tomber dans une grave dépression parce qu’elle a juste voulu faire son travail correctement, c’est déjà ça de gagner!!!

  13. C’est sur qu’ils n »ont pas fait le bon choix en appuyant le budget de la santé mais qui est ce que ça va gêner pas leur père pas leurs enfants qui sont soignés dans des cliniques pour nantis.
    Et qui c’est qui sera impopulaire auprès du public lambda,ça ne sera pas eux de prime abord mais l’aide soignante ou l »infirmière débordées qui ne pourra pas se couper en quatre.

  14. Eric Couty dit :

    écrire à un menteur c’est comme être riche au monopoly … c’est du flan

  15. n’importe quoi !! qu’est-ce que hollande en a à faire de cette infirmière ?? nous sommes dans un système de rentabilité : fric fric fric ..ils veulent la polyvalence !! un jour en dermato , l’autre en chir (relationnel patients ou pluôt clients zero !! par économie des actes qu’on faisait au bloc se font maintenant en consult sans salles équipées , aseptisées etc …abbérant je sais …. il le sait hollande tout ça !!! les rtt grosse erreur de la gauche !!! aucune ambauche , faire en 35h ce qu’on faisait en 39h …les heures sup s’accumulent , les rtt sont bloqués sur un compte épargne temps …tout va bien !!! descendez enMASSE dans la rue , criez votre colère ….!!! organisez vous avec les syndicats !! a 2ans de la retraite je ne serais pas avec vous , c’est bon j’ai donné !!! écrire à fh alors que c’est lui qui veut ça !! stop la naiveté !!!

  16. Maryse Aron dit :

    Qui qui soit l auteur de cette lettre …..il est sûr que l essoufflement du personnel soignant est à son paroxysme. ….
    Il est bien évident qu aujourd’hui on s occupe plus de la rentabilité et de fermeture de services plutôt que du confort et de l écoute des patients. …..
    Il est bien évident qu on est arrivé au plus haut de l inconcevable. …..et ce n est pas en supprimant 22 000 postes que ça va changer les choses
    Une aide soignante en colère

  17. Motarde de DIJON dit :

    Cette lettre semble trop bien rédigée… L’auteure est-elle réellement infirmière ? Ne serait-ce pas l’œuvre d’un rédacteur lambda d’Actusoins?

    Néanmoins, sur le fond tout est dit !

    Continuité des soins ou permanence des soins…

    L’article R. 4312-30 du Code de la Santé Publique qui s’applique à tout infirmier quelque soit son mode d’exercice (fonctionnaire, salarié du secteur privé, libéral) énonce : ‘’Dès lors qu’il a accepté d’effectuer des soins, l’infirmier est tenu d’en assurer la continuité’’.

    Pour un infirmier ou une infirmière, assurer la continuité des soins est donc un impératif auquel il ne peut se soustraire. S’il ne peut réaliser les soins lui-même, l’infirmier doit prendre toutes les dispositions pour garantir les soins nécessaires aux patients qui lui ont été confiés.

    Pour les infirmiers et les infirmières, le piège est là ! Le devoir de servir !

    Nulle autre profession n’a de telles obligations. Les cheminots, les enseignants peuvent faire grève pour obtenir satisfaction. Une vraie grève. Pas une grève où l’on vient travailler en affichant au mieux  »Je suis en grève » sur sa blouse blanche…

    Alors si ça peut consoler, on peut toujours écrire au Président de la République du moment, aux ministres interchangeables au gré des évolutions politiques, cela ne sert à rien. La lettre finira dans la corbeille à papiers. Ils s’en foutent des infirmières et des infirmiers.

    Et même Martin HIRSCH, Directeur Général de l’AP-HP a les mains liées…

    Ce qui compte, c’est les comptes !

    • ti chaat dit :

      Alors motarde de dijon qu’ insinuez-vous par votre réflexion « cette lettre semble être trop bien rédigée ». Les infirmières ont un niveau médiocre d’écriture ? Un niveau d’étude médiocre? Sachez que ces réflexions du quotidien aggrave la considération déjà assez mauvaise des infirmiers. Sachez pour votre gouverne que parmi les infirmiers nous trouvons d’ancien master en droit,d’ancien DRH désirant un métier plus humain….

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