Quel est l’intérêt d’actualiser le décret infirmier dans sa forme actuelle ?
C’est indispensable, le texte actuel est très ancien, il date de 2004, et n’a pas intégré les dernières évolutions de la profession.
Certains actes sont devenus courants dans la pratique des infirmiers, pourtant ils ne sont ni valorisés, ni reconnus.
Par exemple la consultation infirmière est un pivot de la prise en charge du patient, mais c’est un acte invisible aujourd’hui. D’autre part il y a des incertitudes sur ce qu’on peut faire ou non dans notre exercice quotidien, et où sont les limites.
Ces travaux font partie d’un processus global, entamé par le Ségur de la santé. Aujourd’hui la profession infirmière est l’une des dernières à se rendre au domicile des patients, elle doit être prise en compte à la hauteur de ce qu’elle représente pour la population, et des services qu’elle rend au quotidien. C’est dire l’importance de ne pas perdre de temps.
En 2019, l’ONI a mené une consultation auprès des professionnels. Qu’avez-vous fait depuis pour répondre aux attentes des infirmières et infirmiers ?
La grande consultation était articulée autour de cinq thèmes (la consultation infirmière, la prescription infirmière, les soins, le statut infirmier et la prévention), c’était une façon de revisiter le décret infirmier et cela nous a permis de mobiliser la profession. Grâce cette concertation, la profession infirmière a aussi été remise en lumière dans les médias, auprès des conseils régionaux, auprès des politiques. Au final nous avons été écoutés dans l’élaboration des textes qui sont passés par la suite.
De la grande consultation, l’Ordre a tiré un livre blanc, remis à Agnès Buzyn (à l’époque ministre des Solidarités et de la Santé, ndlr). Je pense que c’est un élément qui va permettre d’entamer les discussions avec la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) pour les travaux à venir.
Qu’attendez-vous concrètement de l’actualisation du décret infirmier ?
Nous souhaitons que tous les sujets soient sur la table et sans tabous. On va réviser un texte qui a près de 20 ans, donc il faut penser le métier dans son contexte actuel mais également à plus long terme, en tenant compte de la façon dont il va évoluer.
C’est un travail de prospective, qui doit être très concret parce que c’est un métier clinique.
La profession infirmière est la profession de santé qui comporte le plus grand nombre de professionnels et les besoins vont continuer à augmenter.
Le décret doit être en phase avec les besoins de santé et continuer à assurer l’attractivité de la profession, pour les futurs infirmiers notamment. Il faut penser l’infirmière de demain.
Espérez-vous voir évoluer le cadre du rôle propre des infirmiers ?
Je le répète : nous souhaitons des discussions sans tabous.
Le changement ne pourra venir que des acteurs du système. Nous avons mené des enquêtes durant la crise de la Covid-19, les infirmiers nous ont fait remonter des situations très concrètes du terrain. Par exemple les professionnels libéraux ont souvent du mal à obtenir une prescription et cela constitue un frein à l’accès au soin.
Certains patients n’ont pas de médecin traitant, d’autres vivent dans un désert médical etc.
Les infirmiers sont au plus près du patient et doivent arriver à lever ces freins. Il est indispensable que leurs compétences soient reconnues pour ne pas retarder l’accès aux soins.
Le rôle propre, le rôle prescrit, la prescription, la prévention, tout doit être revu. Il ne s’agit pas de complexifier le système de santé, ni de remplacer des professionnels par d’autres, d’empiéter sur les compétences de chacun.
Il s’agit de considérer les infirmières et infirmiers comme une force supplémentaire au service de la prise en charge du patient.
Au final, quels seront les bénéfices pour les infirmières et infirmiers ?
En premier lieu, plus d’autonomie. Elle est demandée par les professionnels. La vaccination par exemple est l’emblème des évolutions de la profession infirmière.
Aujourd’hui on peut prescrire et réaliser l’injection du vaccin contre la Covid-19. On voit que cette autonomie est nécessaire. On a besoin des 700 000 infirmières et infirmiers, de leur mobilisation et de leur autonomie pour prendre en charge les patients.
Le décret c’est aussi le cadre de la formation donc cela signifie plus de compétences et plus de responsabilités. C’est indispensable pour assurer une prise en charge de qualité.
Au final, cela permettra de pratiquer des soins dans un cadre réglementaire sécurisant pour le patient et l’infirmier.
Quel va être le rôle de l’ONI dans ces travaux ?
Je souhaite que l’Ordre soit un partenaire majeur de cette réécriture. Il y aura d’autres parties : les fédérations d’employeurs, le Conseil national de l’Ordre des Médecins, l’académie de médecine, le Conseil d’Etat, la HAS, entre autres.
L’Ordre national des Infirmiers est au cœur de la profession. Il sera important sur le suivi du décret, sa mise en œuvre, et pour la vie professionnelle des infirmières et infirmiers par la suite. C’est l’un des acteurs qui est au centre du jeu.
Quelles vont-être les étapes menant à l’actualisation du décret infirmier ?
J’espère qu’on verra apparaître les premières annonces rapidement et je pense que c’est indispensable.
Il y aura un temps de concertation, des maquettes de formation à créer. Le processus d’écriture sera mené par la DGOS.
Elle fait des propositions qui évoluent au gré des consultations pour permettre à tous les acteurs de trouver des consensus.
Le HCPP a également travaillé sur les compétences des aides-soignants, c’est probablement l’une des raisons du calendrier actuel.
Il faut être pragmatique. Les textes ne sont pas là pour aller au-devant de ce que pourrait être la pratique, ils doivent être en phase avec ce qu’elle est aujourd’hui et envisager ce qui va arriver.
Propos recueillis par Adrien Collet
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Je suis très satisfait de la communication.
Je souhaite échanger avec des ONI de France et Canada.
NB je membre du bureau de l’ONI dans la région du Sud ouest du Burkina Faso.