Clap de fin pour la « grande consultation » menée par l’Ordre Infirmier auprès des professionnels

L’Ordre national des infirmiers a clôturé vendredi à Marseille sa « grande consultation » menée depuis le mois de mars auprès des infirmiers et infirmières de métropole et d’Outre-Mer. Un exercice inédit pour l’instance, qui souhaitait débattre avec les professionnels mais aussi proposer et recueillir des idées constructives pour l’avenir de la profession.

Clap de fin pour la grande consultation menée par l'Ordre Infirmier auprès des professionnelsLa quinzième étape était la dernière. C'est dans sa ville de naissance et de résidence, Marseille, que Patrick Chamboredon, président de l'ONI accompagné de Marie-Ange Ferry, présidente du Conseil inter-régional de l'Ordre des infirmiers PACA Corse, a clôturé la grande consultation infirmière que l'Ordre mène depuis le mois de mars.

Les infirmiers, évoluant dans des univers de soins variés (psychiatrie, santé au travail, chirurgie, médecine, urgences, médico-social, libéral...) présents dans un amphithéâtre de l'hôpital Saint-Joseph étaient invités à échanger autour de l'évolution de la profession. 

"Il n'y a rien de mieux que la pluralité pour se faire un avis", se réjouit d'emblée Patrick Chamboredon, se félicitant d'avoir pu rassembler, lors des déplacements en régions qui ont ponctué les séances de concertation, un échantillon représentatif de l'ensemble de la profession. 

Puis, Patrick Chamboredon prévient « nous ne sommes pas là pour parler de rémunération, cela ne relève pas de notre rôle ». Ce que souhaite en fait l’ONI, c’est débattre autour de l’évolution du décret de compétences dont la dernière version de 2004 est trop "datée" à son goût, mais aussi autour de l’émancipation des infirmiers et de la reconnaissance de leurs fonctions. En clair : l’objectif fixé « est de faire reconnaître la réalité du métier et l’élargissement des compétences pour pouvoir ensuite, revendiquer davantage », explique-t-il.

Cinq thématiques pour l'évolution de la profession

Dans la salle, les participants examinent cinq thématiques soumises par l'ONI : la consultation infirmière, la prescription infirmière, les soins, le statut infirmier et la prévention.  

Tous ne sont pas d’accord. Doit-on élargir le rôle infirmier ? Confier plus de missions à ces professionnels (consultation en première et deuxième ligne, droit à la prescription…) ? « Généraliser la prescription à tous les infirmiers n’est pas une bonne idée… La prescription doit être liée à la formation et aux compétences associées », lance une infirmière dans l’assemblée. « De mon côté, j’aimerais qu’on parvienne à investir et développer davantage le rôle propre avant de demander un élargissement du droit à la prescription », commente une autre professionnelle. 

Un son de cloche différent est partagé par une partie des infirmiers présents : sur le terrain et selon les services, les infirmiers prescrivent et pratiquent donc, malgré eux, des actes qui relèvent normalement de la médecine. En toute illégalité donc. « C’est le cas aux urgences, où, parfois sans protocole établi, nous décidons de la conduite à tenir – y compris médicamenteuse – avant même l’arrivée du médecin, explique un infirmier. Dans la réalité, notre pratique ne correspond plus du tout au décret d’actes et il y a un paradoxe entre ce que nous avons le droit de prescrire (pansements…) qui n’est jamais prescrit, et ce que nous n’avons pas le droit de prescrire qui l’est finalement sans arrêt (antalgiques, bilans sanguins…). Il faut que la législation s’adapte à la réalité et non l’inverse ».

L’ONI rejoint ce point de vue. « Il faut revoir le décret d’actes », affirme Patrick Chamboredon. A la question de la mise en place de protocoles dans les services ou même de protocoles de coopération pour pallier ces glissements de tâches qui semblent si fréquents, il soupire : « Les protocoles de coopération sont un leurre. Depuis leur mise en application, aucun n’est passé en rôle dans notre décret. Ce qu’il faut, c’est autonomiser la profession. Il faut s’émanciper. Il faut faire reconnaître ce que nous pratiquons déjà, sans passer par des biais qui ne nous font pas avancer ». Il faudrait enfin, selon le président de l’ONI « arrêter de se cacher derrière la responsabilité de quelqu’un – d’un médecin, ndlr – quand on est capable de faire soi-même les choses ».

Sur la question de la « consultation infirmière » (dont le terme dans les textes officiels est « entretien infirmier », ndlr), Patrick Chamboredon a un avis assez tranché. Non seulement, il faudrait étendre cette possibilité de consultation à davantage d'IDE mais il faudrait que la profession puisse également intervenir en premier recours (pour l’instant, et pour les IPA notamment, « l’entretien infirmier » est prévu en deuxième ligne, pour des patients adressés par des médecins donc).  

Les participants, eux, commentent, étayant leur point de vue. « Le vendredi après-midi, je n’ai pas de médecin dans mon secteur. Me permettre de gérer les affections bénignes répondrait à un besoin de la population […] Pour cela il faut acquérir des connaissances et montrer qu’on est capable d’un raisonnement clinique », témoigne une infirmière libérale, actuellement en formation pour obtenir un Diplôme d'Etat d'IPA.

« Nos populations n’intéressent pas les médecins traitants. Nous sommes confrontés à la nécessité d’effectuer des évaluations. C’est très important que ces évaluations puissent être reconnues », ajoute une autre infirmière qui travaille dans le médico-social.

Statut, reconnaissance et autonomisation

Autre axe de réflexion proposé pendant le débat : le statut de l’infirmier, actuellement désuet, selon l’ONI. Le code de la santé publique doit-il re-qualifier le statut d'infirmier en « professionnel de santé » ? Actuellement, ce dernier est considéré comme un simple « auxiliaire médical », rappelle l’Ordre, mettant une fois de plus l’accent sur sa volonté« d’autonomiser » la profession.

L’ONI met alors en avant ses propositions pour aller dans ce sens : il faudrait créer, à l’université, des départements en sciences infirmières avec des professeurs, des maîtres de conférences, issus de la filière. Un premier pas a été franchi dans ce sens, avec l’arrivée des IPA, dont les textes régissant les compétences et la formation (deux années universitaires et un grade master) ont été publiés en juillet 2018, ouvrant la voie vers un parcours LMD (Licence Master Doctorat), se félicite l’Ordre. « C’était l’un de nos premiers chantiers et il a abouti », explique Patrick Chamboredon.

Création d’un statut d’infirmier coordinateur en parcours CPTS, seuil minimal d’infirmiers par nombre de patients selon les différentes activités de soins et les prises en charge : les idées fusent du côté de l’ONI et des participants.

L’ONI en quête de confiance

Si les idées fusent, les questions aussi. Car certains dans l’assemblée ne comprennent pas le rôle de l’Ordre, et ne perçoivent pas ses actions. A toutes les questions - les attaques parfois - Patrick Chamboredon répond. « La communication à l’ONI a changé. Elle est régulière à présent », analyse-t-il.

D’ailleurs, dit-il, cette « grande consultation » menée en France, à la rencontre des professionnels, en est, selon lui, l’une des preuves. A travers cette campagne, l’ONI invite les infirmiers au débat, se confronte aux divergences et mène un véritable travail d’information, assez inédit dans l’histoire des instances ordinales.  

« Nous avons des missions et nous ne pouvons pas aller au-delà du cadre légal. Il ne faut pas confondre ONI et syndicats», explique Patrick Chamboredon. Parmi les actions récentes menées par l’instance, il donne l’exemple du lobbying auprès des politiques. « Sur la dernière loi – relative à l'organisation et la transformation du système de santé, dite "Ma santé 2022", ndlr– nous avons obtenus quatre amendements en faveur des infirmiers », précise-t-il, regrettant la défiance encore présente de certains infirmiers vis-à-vis de l’Ordre.

Après avoir sillonné la France pendant 4 mois, l’Ordre va analyser toutes les propositions recueillies pendant les différentes séances. Pour celles et ceux qui n’ont pas pu se déplacer, l’instance a mis en place une plateforme de contribution en ligne. Après dépouillement, un livre blanc sera rendu public et sera remis à Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. « Pour que les textes qui régissent la profession soient au plus près de la réalité et pour que l’on continue à la faire grandir », conclut Patrick Chamboredon.

M.S

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