Dans cette rubrique dédiée aux contributions infirmières, ActuSoins relaie des écrits de soignants.
Cet article sur l’ingénierie des réanimations éphémères a été proposé et écrit par David Naudin, cadre de santé IADE, Claire Fazileau, cadre supérieure de santé IDE, Fabrice Domarin, cadre de santé IADE, Celia Lococo, cadre de santé IDE, Flora Devos, IDE tutrice, Sébastien Kerever, IDE tuteur.
L’ingénierie des réanimations éphémères, symbole d’une discipline solidaire et agile
Regards croisés et témoignages au temps du Covid-19
L’onde de choc incroyable qui a ébranlé le monde entier n’était pas attendue. Pourtant elle était, à en croire les épidémiologistes, sans doute prévisible (1).
Et c’est dans un contexte d’un système de santé déjà fortement en tension que les soignants ont dû faire face à cette crise sans précédent. Cette épidémie de pneumonies qui a émergé dans la ville de Wuhan (province de Hubei, Chine) en décembre 2019 est provoquée par un coronavirus (le SARS-CoV-2). Ce virus est responsable de cette nouvelle maladie infectieuse respiratoire appelée Covid-19 (pour CoronaVIrus Disease) (2). La maladie à coronavirus (COVID-19) s’est répandue rapidement sur la planète à partir de janvier 2020 devenant une pandémie mondiale. En France, les services de premières lignes à savoir les urgences et les réanimations ont été intensivement sollicitées.
Bien que des mesures de confinement de populations entières aient été mises en place pour éviter que les services d’urgences ne soient submergés, les hôpitaux se sont retrouvés rapidement débordés par des arrivées massives de patients présentant des formes graves de la maladie. Dans le même temps, les patients les plus graves venaient dramatiquement augmenter la mortalité au sein de ces mêmes services de soins.
De fait, le langage martial employé par les politiques [1] traduisait bien l’idée de ces soignants de premières lignes qui ont été comparés à des « combattants sur le front ».
L’ensemble de ces services a été mis à rude épreuve du fait d’un double mouvement : celui de l’augmentation significative des besoins en lits de soins critiques, et celui de la réduction du nombre de lits disponibles du fait d’absences des soignants eux-mêmes atteints. Ainsi Les hôpitaux se sont vite retrouvés devant une double contrainte paradoxale : ouvrir rapidement des lits pour faire face à l’afflux de patients, tout en gérant les ressources humaines disponibles et en mettant suffisamment de moyens pour protéger la main d’œuvre compétente encore disponible (3).
On sait que les congés de maladie augmentent lors des épidémies, car les soignants présentant des symptômes respiratoires sont priés de rester chez eux jusqu’à ce que les résultats des tests soient disponibles.
D’autre part, les soignants considérés à risque et les femmes enceintes ont été aussi forcés au confinement. Le risque pour le personnel des unités d’urgence, de réanimation et de soins intensifs était réel en raison d’une exposition élevée et prolongée aux patients gravement malades. Des infections graves et des décès sont survenus parmi les soignants. Ces éléments ont ajouté au stress déjà bien entamé par la surcharge de travail. Et tout ceci a été géré dans une organisation mouvante au quotidien avec des décisions d’ouverture ou de fermeture de structures du jour au lendemain.
Malgré tous ces éléments, un des enseignements de cette crise est que les équipes ont montré des capacités d’adaptation hors du commun.
L’objectif de cet article est de décrire, par le prisme de témoignages des secteurs d’urgences, de réanimation et d’anesthésie, les ressorts de cette formidable structuration de ces néo-réanimations ayant permis au système de santé de tenir, mais aussi de dégager les éléments invariants ayant contribué au succès de cette entreprise.
Cellules de crises pluriprofessionnelles (CCP)
La constitution des néo-réanimations a été pour la plupart des hôpitaux décidée dans les cellules de crise.
Cet élément est un invariant majeur de la stratégie mise en place. Ces CCP ont été la clé de voûte qui a permis le maintien du système de santé.
Ces cellules de crise ont permis de partager les informations, leurs analyses et de centraliser les prises de décisions. Ces CCP ont été renforcées par des compétences spécialisées qui étaient en première ligne : épidémiologistes, infectiologues, anesthésistes, réanimateurs, pharmaciens, services logistiques, SAMU, paramédicaux et directions.
Les CCP ont véritablement été les pilotes d’une intelligence collective. Force est de constater que cette collaboration a globalement bien fonctionné. Si les réorganisations ont été possibles, elles l’ont été via l’expertise de terrain des responsables médicaux appuyés par celle des paramédicaux encadrant les équipes. Les CCP ont donc joué le rôle d’élément de prise de décisions stratégiques en coordination avec le pouvoir politique et les institutions (ARS, préfecture, ministère de la Santé).
Les cellules de crises ont permis via des relais opérationnels d’assurer la gestion des lits, des ressources humaines, des équipements. Cette gouvernance simplifiée, avec des circuits de prise de décision courts a permis d’obtenir des réponses rapides. L’opérationnalité de ce mode de fonctionnement confirme aussi, pour l’avenir, la nécessité d’une simplification hospitalière en termes de gouvernance et d’un management agile. Rappelons cependant que cette gestion de crise, a été possible car tous les critères classiques de gestions hospitalières n’étaient plus d’actualités.
L’épidémie a forcé les directions à concentrer toute l’énergie et les moyens financiers et humains vers la reconfiguration des unités d’hospitalisation, via les secteurs Covid-19. Cette montée en charge a été rendue possible grâce au transfert d’activité. Les directions via le déclenchement du plan blanc ont pu mobiliser tous les moyens en termes de matériels et de personnels, suivant les besoins : heures supplémentaires déplafonnées, soignants rappelés, retraités ou élèves en formation mobilisés (constituant la fameuse Réserve sanitaire).
Dans les établissements, les opérations non urgentes ont été déprogrammées pour libérer les lits des blocs opératoires et des salles de réveil, qui sont équipés d’appareils d’assistance respiratoire ainsi que pour libérer du personnel pouvant travailler en réanimation (IADE, IBODE, Aide-soignant et logisticien). Le système a réussi par exemple à doubler les capacités de lits de réanimation [2].
Ces cellules ont décidées les lieux, les ressources humaines et matérielles et les modes opératoires pour l’ouverture de ces lits. Les formations des professionnels ont été également décidées au sein des cellules de crise.
Témoignages
« Les réunions étaient très ciblées sur l’identification des problèmes et la recherche de solutions opérationnelles. Chacun pouvait s’exprimer librement et donner son avis. Des décisions concrètes étaient actées. » Cadre de réanimation.
« La multidisciplinarité des cellules de crise centrale, incluant la logistique, les travaux, le biomédical, la pharmacie, s’est déclinée à plusieurs niveaux et a ainsi permis une collaboration de très grande qualité et une fluidité dans l’organisation mouvante que nous a fait subir cette crise. » Étudiant Cadre IADE.
« Ces rencontres ont établis un ordre de marche en apportant de la visibilité sur les responsabilités de chacun. Ce qui a permis de réagir quotidiennement et de réajuster en prenant compte des contraintes interdépendantes ». IDE de réanimation.
Rôle central des ressources humaines : un capital clé
Si le système de santé a tenu, c’est, incontestablement sur la base d’une mobilisation de ressources humaines, qui a permis rapidement l’ouverture de lits. À titre d’exemple, l’ensemble des hôpitaux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) fin avril ont pu disposer de 7047 agents en renfort [3].
Ces renforts ont été décisifs. Ils sont constitués de professionnels en formation, de professionnels rappelés, de renforts d’autres régions ou des professionnels disponibles du fait de la baisse d’activité dans leur service.
Un autre élément invariant concerne la formation des volontaires qui ont été formés soit avant la mise à disposition des réanimations, soit localement au sein des réanimations. C’est une situation sans précédent d’avoir pu mobiliser de tels renforts, les répartir, les intégrer dans des délais si brefs.
Un autre élément concerne l’évaluation des compétences, qui fonde l’ingénierie de formation. Ainsi les compétences antérieures, les expériences professionnelles ont été prises en compte, ceci permettant de cibler et de calibrer les formations. Par ailleurs dans certains cas, il n’a pas toujours été possible d’avoir ce temps de formation. Les personnels ont donc été accompagnés directement sur le terrain.
Les ressources ont été multiples et il convient ici de les décrire pour les caractériser et comprendre comment cela a été rendu possible.
Encadrement médical et paramédical : une garantie de la sécurité
Dans les réanimations, et particulièrement les réanimations éphémères, le niveau d’encadrement des médecins anesthésistes a été un gage de la qualité et de la sécurité des soins. Notamment quand l’afflux de patient ne pouvait permettre la préparation et la formation des équipes.
Les médecins anesthésistes-réanimateurs (MAR) ont eut alors un rôle pédagogique majeur dans la formation des novices. En effet, ils ont cumulé, pendant cette période, à la fois une activité clinique classique, mais aussi une activité d’encadrement des personnels novices.
Ils ont participé activement à des actions de formation à travers la direction scientifique et l’élaboration de programmes de formation accélérée pour couvrir les besoins des nouvelles réanimations. Ils ont également assuré des formations in situ, au lit du patient. Ils ont continué à encadrer et à former leurs pairs et les paramédicaux.
L’ensemble des MAR a pris en charge des missions nouvelles ou moins habituelles telles que la régulation des lits, de gestion des transferts, la gestion de nouvelles aux familles qui ne pouvaient pas venir voir leurs proches, ou comme nous l’avons souligné des activités de formation. La réorganisation des gardes a été également un enjeu crucial pour la permanence des soins.
L’encadrement paramédical a également joué un rôle important, en assurant la mise en œuvre concrète des décisions prises en cellule de crise.
De par leurs connaissances du terrain, les cadres et cadres supérieurs ont pu faire remonter quotidiennement aux CCP ce qui était possible ou non, dans quelle mesure les décisions pouvaient être prises et avec quels moyens.
Ainsi, ils ont joué un rôle central dans l’armement logistique et humain des néo-réanimations. La lecture opérationnelle et la mise en œuvre des décisions prises en cellule de crise ont parfois été source d’angoisse pour les équipes.
L’encadrement de proximité a également été largement impliqué dans le soutien psychologique ainsi qu’au niveau logistique et des ressources humaines.
Il y a également eu du renfort au niveau de l’encadrement, certains cadres du privé, les étudiants en Institut de formation des cadres de santé (IFCS), les cadres de santé formateurs, sont venus participer à la prise en charge de ces néo-réanimations. Par ailleurs, d’un point de vue de la mise en adéquation des compétences, les cadres de santé formateurs infirmiers et infirmiers-anesthésistes ont été également mobilisés pour apporter leur expertise sur les programmes de formations destinés aux novices.
L’ingénierie de formation était la plupart du temps sous la responsabilité d’un MAR et d’un cadre Iade, d’iade, de cadre formateur. Là encore, un élément invariant concerne la pluriprofessionnalité de ces actions de formations.
Témoignages
« À partir de l’analyse des ressources disponibles, ils ont pu composer des équipes en assurant le juste équilibre des compétences disponibles permettant ainsi de garantir la sécurité de la prise en charge des patients. » Etudiant Cadre IADE.
« Cette période particulière a permis de remettre le soin, les patients et les équipes comme seul centre des préoccupations de l’encadrement. Leur engagement au quotidien a permis que les choses se fassent et de façon satisfaisante au vu du contexte. » Cadre de réanimation.
« Cette gestion massive de professionnels a permis la création d’un nouveau système de compagnonnage : binôme infirmier dit « senior » et « junior ». L’encadrement de cette compétence a indéniablement pu se faire avec la fonction contrôle du cadre mais surtout grâce au socle de confiance préexistante avec l’équipe soignante. ». IDE tuteur de réanimation.
Expertise des infirmiers de réanimation, de SSPI et des IADE
La création des néo-réanimations a été possible grâce à l’expertise des professionnels exerçant déjà en réanimation.
C’est un élément retrouvé dans tous les hôpitaux. Ces personnels sont donc venus renforcer, depuis leurs structures initiales d’urgence ou de réanimation, les personnels soignants novices.
Beaucoup de professionnels ayant exercé auparavant en réanimation ou en SSPI se sont portés volontaires pour revenir dans leurs anciens services. Ce volontariat a permis de disposer d’un capital d’expertise supplémentaire.
Certains services ont fait le choix de détacher des IDE expérimentés pour renforcer et stabiliser les équipes. Ils ont eu un rôle essentiel aussi sur la prise de confiance des personnels novices en réanimation.
L’expérience spécifique de ces infirmiers de première ligne a permis la prise en charge des patients les plus lourds sur le plan réanimatoire. En outre, ces professionnels se sont rendus disponibles pour accompagner et soutenir les collègues novices.
Dans certains services, un IDE expérimenté a été affecté à la supervision de l’équipe IDE nouvellement formée. Il devait apporter son expertise spécifique concernant les techniques de soin et la prise en charge des patients.
Témoignages :
« Le travail en réanimation nécessite des compétences particulières liées à la technicité et à la gravité de l’état des patients. Elles s’acquièrent par un mois de compagnonnage, des formations, des connaissances et des mois voire années de pratiques. Le personnel en renfort n’avait pas toujours ces compétences. » IDE tuteur de réanimation.
« Les équipes ont vécu ces formations positivement mais c’est l’accompagnement au lit du patient qui a permis de gommer le stress des novices. » Cadre IADE formateur.
« Les IDE de SSPI ou de réanimation ont été sollicitées comme jamais, outre le fait d’être présentes sur leur site, elles sont venues renforcer les équipes des novices. Elles ont clairement permis d’équilibrer les compétences des équipes ». Cadre de réanimation
« Les retours des infirmières novices ont été clairs, le soutien de leurs collègues formés leur a permis de tenir face à une situation très déstabilisante. Et le fait que les soignants soient à un ratio élevé a permis aussi de les sécuriser (le nombre a compensé les compétences fragiles). » IDE tuteur de réanimation
Les IADE et étudiants IADE ont également été fortement mobilisés dans les néo-réanimations. Leur expertise naturelle des techniques d’anesthésie et de réanimation a été largement mise à contribution. Les compétences IADE ont été utiles dans la vision clinique du patient, les connaissances pharmacologiques et les connaissances des techniques de ventilation ou de support hémodynamiques. De fait, ils ont permis de sécuriser les pratiques notamment concernant le matériel et les techniques.
Témoignages
« Même si pour de nombreux IADE, cette activité de réanimation pouvait paraître lointaine, ils ont su réactiver rapidement des réflexes anciennement acquis dans leurs expériences professionnelles précédentes. En effet, beaucoup d’IADE sont issues des rangs de la réanimation, des urgences ou de la SSPI. » Cadre de réanimation
Étudiants en première ligne et formateurs engagés dans la formation des professionnels
Un des points clés a reposé sur la formation des novices. Selon Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP « Beaucoup [de volontaires] sont passés par les centres de formation à la prise en charge du Covid mis en place à PICPUS [en central] ou dans les GHU. Nous leur devons beaucoup et nous devons beaucoup à celles et ceux qui ont mis en place l’ingénierie considérable pour pouvoir faire appel à eux, les contacter, vérifier les conditions d’exercice, leur proposer des affectations, organiser des formations, accélérer toutes les procédures » [4].
À ce titre, les formations ont été différentes d’un CHU à un autre, tant dans leur format que dans leur organisation. Les sources mises en ligne par les sociétés savantes comme la Société française anesthésie-réanimation (SFAR) ont été largement utilisées.
Les vidéos ont permis aux équipes de visualiser des soins spécifiques. Certains services ont pu mettre en place une véritable ingénierie pédagogique avec alternance de cours théorique et pratique et mise en situation.
L’apprentissage a été souvent réalisé « en faisant », via le compagnonnage des IDE expérimentées et des IADE. La réflexion doit être menée pour les futures pandémies notamment via des process de formation et des kits (matériel pédagogique uniforme, support, livret, vidéo) pour ne pas être dans l’urgence et l’improvisation.
Témoignages
« Les professions de santé ont une grande expertise du tutorat et de l’apprentissage sur le terrain, cela a incontestablement été une des forces pour accompagner les novices. » IDE tuteur de réanimation.
« Nous avons improvisé les formations, a partir de nos cours, de vidéos disponible sur les sites des sociétés savantes…mais ces vidéos n’étaient pas toujours accessibles pour les novices. Il fallait décoder simplement le contenu. » Cadre IADE formateur.
Ressources matérielles
Les difficultés liées aux ressources matérielles remontent de tous les hôpitaux.
Cependant, bien que les ressources matérielles et les équipements aient pu faire cruellement défaut, cela a été assez inégal suivant les hôpitaux et les régions.
L’encadrement a joué un rôle primordial sur ce sujet. Ce n’est pas l’absence de moyens, le manque de lits, les locaux pas toujours adaptés, mais, le manque de protections des personnels qui ont fait obstacle. Ces carences matérielles n’ont en définitive pas été de réelles barrières à la prise en charge et à l’organisation.
Ils n’ont fait au maximum que retarder les mises en œuvre des nouvelles organisations. Ces carences ont aussi démontré une capacité d’adaptation des équipes soignantes qui ont souvent compensé les manques par des solutions ingénieuses et des innovations.
Ce capital de créativité de la part des équipes pour trouver des solutions est aussi une grande leçon de cette crise.
Pour autant, deux points sont ici à relever. Le premier concerne le sentiment de mise en danger des équipes du fait du sous équipement. Peut-on dans ce cas parler d’innovation quand il s’agit de solution de dernier recours comme l’usage de sac poubelle en guise de protection?
Le second concerne le ressenti des soignants qui fait état d’un certain niveau de manque de reconnaissance de la part de l’institution hospitalière. Un écart entre un énorme investissement professionnel et personnel (les novices par exemple travaillaient et révisaient les fiches techniques pendant leurs repos), et finalement une banalisation de cet investissement est souligné partout.
Témoignages
« La situation a été tendue sur certains produits auxquels on s’attendait comme le matériel de protection mais au vu de la crise mondiale, nous avons également eu des problèmes d’approvisionnement en matériel d’hémofiltration par exemple. L’encadrement et les médecins ont dû gérer cela. Pour le matériel de protection, cela n’a pas toujours été adapté mais les entreprises ont essayé d’aider l’hôpital au maximum et nous avons toujours su trouver des solutions. » Cadre IADE formateur.
« C’étais un peu le système D pour ne pas épuiser les stocks » « on a été amené à proposer des solutions un peu exotiques comme les sacs plastiques en guise de surblouse. » Cadre de réanimation.
Pour conclure
Les éléments que nous avons décrits ont permis la structuration d’une véritable ingiénerie pédagogique mais aussi une gestion des ressources humaines qui ont été déterminant.
L’intendance et la logistique ont suivi. Les leçons à tirer reposent sur les formations qui ont été souvent montées dans l’urgence. Dans la perspective d’une autre crise, il serait utile de penser en amont des outils de formation de masse, surtout que les volontaires ne seront peut-être pas les mêmes. L’investissement dans des standards de formation serait sans doute utile. D’ autant plus que l’essentiel a reposé sur la solidarité et la cohésion des équipes.
En effet, les équipes pluriprofessionnelles de première ligne ont été à la hauteur du défi, permettant ainsi de faire barrage et d’endiguer la terrible vague de l’épidémie. C’est pourtant dans un système hospitalier mal préparé et déjà en grande tension que cette prouesse a été réalisée.
Le contexte n’était pourtant pas favorable du fait d’un manque avéré de moyens humains, matériels et de lits. Ce sous-investissement chronique dans la santé s’est fait d’ailleurs largement sentir, mais paradoxalement, les réponses ont été trouvées souvent par les soignants eux-mêmes dans une belle solidarité et dans une véritable interprofessionnalité.
Ces sont les valeurs des soignants qui ont fait barrage à l’épidémie. C’est bien les professionnels de santé qui ont assumé leurs responsabilités face aux défis imposés par cette crise. Les soignants ont montré des capacités d’adaptation, d’agilité et de solidarité.
Cette image est bien éloignée de la vision classique, de la lourdeur, du cloisonnement et de la complexité du monde hospitalier. Dans cette crise, les soignants ont montré cette réactivité et leurs capacités collectives à mobiliser, ajuster des ressources et de compétences.
Ils ont su être force de proposition même dans un environnement nouveau et changeant. Ils ont su en permanence améliorer leurs pratiques et ont su mobiliser un environnement apprenant. Les soignants sont mobilisés depuis plusieurs semaines et en première ligne dans la gestion de cette pandémie. Cette situation hautement stressante pourrait induire durablement des traumatismes exposant les soignants à un risque d’épuisement professionnel, des souffrances psychologiques, des symptômes dépressifs.
Les conséquences néfastes de cet hyper engagement pourrait donc être l’un des revers des fameuses médailles promises et dont les soignants ne veulent pas. Ce sont des récompenses, là où les soignants attendent de la reconnaissance.
Plusieurs axes devraient être envisagés suite à cette crise Covid. Le premier consiste en la valorisation des compétences spécifiques mises en œuvre par chacun. La reconnaissance d’une spécificité de l’activité du soin en réanimation pourrait en être la base. D’autre part, des modalités de transformation de services généraux en soins intensifs ou en réanimation ont été récemment proposées par le Conseil national professionnel d’Aanesthésie-réanimation médecine péri-opératoire (CNP ARMPO) (4) et la SFAR (5).
Si la partie logistique occupe une grande partie de ce document, les volets formation et gestion des ressources humaines sont malheureusement moins détaillés, probablement parce que les paramédicaux n’ont pas été inclus dans cette réflexion. Il serait sûrement utile de caractériser les éléments invariants des spécificités des formations accélérées qui ont été mises en œuvre. Un travail comparant les différentes organisations des ressources humaines et des formations mises en œuvre au sein des néo-réanimations est en cours d’élaboration. Il pourrait venir compléter les manques identifiés et apportés des pistes de réflexion.
David Naudin, Claire Fazileau, Fabrice Domarin, Celia Lococo, Flora Devos, Sébastien Kerever
Note : Les auteurs ont tous été engagés dans la mise en œuvre ou le travail au sein d’une réanimation éphémère.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts.
- Hernandez J. SARS-CoV-2 : les scientifiques savaient que ce n’était qu’une question de temps [Internet]. Futura. [cité 26 juill 2020]. Disponible sur: https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/pandemie-sars-cov-2-scientifiques-savaient-ce-netait-quune-question-temps-80091/
- Phua J, Weng L, Ling L, Egi M, Lim C-M, Divatia JV, et al. Intensive care management of coronavirus disease 2019 (COVID-19): challenges and recommendations. Lancet Respir Med. 1 mai 2020;8(5):506‑17.
- Capdevila X. Pandémie au virus SARS-CoV-2 en France : l’histoire d’une adaptation hors normes des soignants. Anesth Réanimation. mai 2020;6(3):281‑2.
- Le concept de réanimation « éphémère » est privilégié à une hausse pérenne de lits [Internet]. [cité 26 juill 2020]. Disponible sur: https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20200506-plateau-technique-le-concept-de-reanimation-ephemere-est
- Guide d’aide à la mise en place et à la gestion d’une « Réanimation Ephémère » – La SFAR [Internet]. Société Française d’Anesthésie et de Réanimation. 2020 [cité 26 juill 2020]. Disponible sur: https://sfar.org/guide-daide-a-la-mise-en-place-et-a-la-gestion-dune-reanimation-ephemere/
[1] Référence faite au discours du Président Macron : « nous sommes en guerre » qu’il répétera 6 fois dans son discours du 16 mars 2020.
[2] La France disposait de 5000 lits de réanimation et est montée jusqu’à 10.500 lits, limite qui n’as pas été atteinte puisqu’au plus fort de l’épidémie 7100 patients étaient en réanimation.
[3] Source Martin Hirsch, directeur de l’APHP dans son mail adressé aux personnels de l’APHP du 30/04/2020
[4] Source Martin Hirsch, directeur de l’APHP dans son mail adressé aux personnels de l’APHP du 30/04/2020
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