Prémas aux petits soins dans un cocon 

Prémas aux petits soins dans un cocon 

Encore trop rares sont les établissements en France à proposer un soin aussi pointu que la maternité de l’hôpital Cochin, qui a fait le choix de s’orienter vers le projet Nidcap. Reportage dans une unité d’excellence, pour le bien des grands prématurés.

©Natacha Soury. Anne Laure note les constantes de ses petits patients
©Natacha Soury. Anne Laure note les constantes de ses petits patients

Soudain, le scope d’un bébé s’alarme. En un quart de seconde, Aurore, infirmière, se précipite dans sa petite chambre pour vérifier l’état du nourrisson.

Fausse alerte : ce n’était qu’une apnée du sommeil passagère. Le rythme cardiaque retourne rapidement à la normale, même si la surveillance sera renforcée dans les heures à venir.

Dans les quatre coins de l’unité de néonatalogie de la maternité Cochin de Port-Royal (AP-HP), les scopes renseignent les personnels soignants des constantes vitales des bébés couvés, 24h sur 24.

Mylène Bigard, 30 ans, est l’infirmière référente du projet Nidcap (Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program). En France, seul le centre de Brest propose cette formation, qui, basée sur l’observation, permet de décrypter le comportement du bébé, de reconnaître les signes d’un stress, de favoriser son bien-être.

©Natacha Soury. Repositionnement du bébé dans son nid,
©Natacha Soury. Repositionnement du bébé dans son nid,

Contrairement aux soins habituels, avec la formation Nidcap, c’est nous qui nous adaptons aux besoins du bébé, pas lui. C’est l’enfant qui nous dit quand il est réveillé. On ne va pas couper son sommeil pour un soin, sauf urgence vitale”, explique la jeune femme, qui, par manque d’effectifs à Brest, a été formée en Belgique. A son retour, elle a travaillé dix-neuf mois pour finir de valider ses acquis et rédiger son mémoire.

Deux journées de formation

Quand Mylène Bigard intègre Cochin il y a sept ans, elle s’investit dans un groupe de travail de soins et de développement, et c’est le programme Nidcap qu’elle choisit.

©Natacha Soury. Suite au changement de cathéter, Jennyfer prépare le test de gaz du sang.
©Natacha Soury. Suite au changement de cathéter, Jennyfer prépare le test de gaz du sang.

Dès lors, elle convainc l’hôpital de financer sa formation totale (coût de 7 000 euros), et chaque année, d’envoyer au moins une infirmière en Belgique pour deux jours de formation, comme Aurore. Le premier jour est réservé à des observations et donne des outils, le second destiné à un cas pratique.

Les bénéfices sont tellement évidents – confort de l’enfant sur le plan respiratoire, digestif, temps d’hospitalisation en baisse…- que les résultats ont achevé de convaincre la direction.

A terme, Mylène espère qu’au moins 10 % des soignants soient certifiés Nidcap dans la maternité afin de pouvoir devenir centre de formation, et prétendre à des subventions.

Le service dans lequel les deux infirmières évoluent est organisé spécifiquement pour un accueil optimal des nouveaux-nés. Les niveaux lumineux et sonores sont baissés pour se rapprocher au maximum des conditions de vie intra-utérines. Des chambres individuelles ont été construites, même si des chambres multiples existent également pour les jumeaux ou les triplés.

En tout, soixante-trois bébés peuvent être accueillis, à partir de vingt-quatre semaines. En dessous de vingt-quatre semaines et de cinq cent grammes, l’OMS recommande de ne pas réanimer.

L’observation au cœur du soin

Dans le service, Mylène Bigard est la seule infirmière formée et certifiée, mais il y a une kiné et un médecin référent formés et certifiés. Les autres personnels formés sont partis vers de nouveaux horizons, Mylène a donc un rôle déterminant dans la transmission de son savoir. “Cette formation est presque devenue incontournable, c’est dans l’ordre des choses”, estime Aurore.

Les pratiques changent, les soins aussi. “La nouvelle génération de pédiatres est éduquée différemment. J’ai été formée pour aspirer un bébé toutes les 3 heures, quelle que soit la situation. Pour certains, il est légitime de continuer les soins de cette façon, mais au fur et à mesure, on prend conscience qu’avec ces habitudes, on fait des choses qui ne sont pas toujours optimales pour un bébé, explique Aurore. Bien sûr, l’alimentation se fait à heure fixe donc on a peu de marge de manœuvre car on doit faire les soins à un moment où l’enfant est réveillé. Mais on profite de l’alimentation pour faire d’autres soins, on le réinstalle ou change ses couches,” détaille-t-elle encore.

Ces solutions peuvent être pratiques, comme l’explique Mylène : “il faut se détacher de l’idée que l’on ne fait les soins qu’à jeun, sinon le bébé va régurgiter. Cela veut dire forcément avant les repas. En réalité en l’installant sur le côté pour qu’il ne soit pas brusqué, cela se passe très bien.”

Un cocon en microbulles de polystyrène

Le cocon est devenu indispensable. Ce tube en microbulles de polystyrène, flexible, reproduit l’enveloppe utérine. On y place le nourrisson au milieu pour favoriser sa position fléchie des quatre membres et éviter qu’il ne soit perdu dans sa couveuse. Mylène se souvient avec amusement qu’avant que le cocon ne soit officiellement créé, elle se débrouillait avec les moyens du bord !

Il existe aussi de nos jours des cocoon baby, pour installer les nouveaux-nés et favoriser les changements de points d’appui. Du matériel qui aide au confort du bébé. De minuscules bodies sont également à disposition, pour les parents pris au dépourvu de l’arrivée prématurée de leur enfant.

“Chaque enfant a sa manière d’exprimer son mal-être. L’enjeu d’un suivi continu est de mieux repérer un comportement de stress, ce qui permet de réajuster les soins”
Dans le quotidien, la place de l’observation est déterminante. C’est grâce à elle qu’Aurore, Mylène et les autres vont pouvoir détecter des signes de stress. “C’est surtout quand un comportement change de d’habitude que cela nous alerte”, précise Mylène. “Chaque enfant a sa manière d’exprimer son mal-être. L’enjeu d’un suivi continu est de mieux repérer un comportement de stress, ce qui permet de réajuster les soins”, complète Aurore.

Tandis que le sourire, la coloration normale de la peau et la motricité fluide sont des signes de bien-être, des grimaces, des agitations, des vomissements et des irrégularités cardiaques vont être autant d’alertes potentielles sur l’état de l’enfant.

 Les parents, premiers acteurs du soin

Dans ce dispositif de soins, les parents sont les meilleurs alliés des infirmières. Les observations sont écrites à destination des parents. “Quand on est absent trop longtemps, ce sont les parents les mieux placés pour nous parler de leur nourrisson. Ils changent les couches, font les soins des yeux, les consolent, et leur permettent d’être plus stables grâce à l’odeur de la maman, laissée sur un doudou ou un drap. A leur tour, les parents font des observations qui nous remontent,” explique Aurore.

Il faut apprendre à ces parents à prendre soin d’un enfant encore fragile. “Pour les soins, il vaut mieux y aller en plusieurs fois, pour ne pas que l’enfant désature, sinon on met un petit coup d’oxygène. Parfois la maman va trop vite, il faut le lui expliquer.”

“Pour diminuer la douleur, Gabriel effectue des gestes de succion qui, doublés d’une solution à base de saccharose, vont créer des endomorphines, et naturellement, diminuer la douleur de la piqûre.”
La maman de Gabriel, est en train de parler à son fils, pour essayer de l’amener dans une phase de réveil plus douce. Le petit garçon doit être piqué pour vérifier son taux de sucre à jeun. “Les prématurés n’ont pas de réserves”, rappelle Aurore. Pour diminuer la douleur, Gabriel effectue des gestes de succion qui, doublés d’une solution à base de saccharose, vont créer des endomorphines, et naturellement, diminuer la douleur de la piqûre.

 Renforcer le lien mère-enfant

“ Il y avait clairement quatre mains dans ce soin, analyse Mylène. Les deux mains actrices, et les deux mains qui contenaient l’enfant.” Résultat : il n’a pas pleuré, apaisé par la présence de sa maman, sa voix et son odeur.

La mère de Gabriel, qui enchaîne l’après-midi avec un peau-à-peau, véritable prolongation du rapport physique enfant-mère, reconnaît qu’elle apprend tous les jours comment faire les soins, le manipuler.

Après la piqûre, il prend son traitement, un mélange de caféine et de fer. Cela stimule l’activité cardiaque et réduit les apnées. Gabriel est arrivé à vingt-six semaines et six jours, il pesait 1,005 kg. Aujourd’hui, il mesure 38 cm et pèse 1, 520 kg, et prend “ vingt à trente grammes tous les jours”, se félicite Aurore.

Essayer de renforcer le lien avec l’enfant est au coeur des préoccupations du programme Nidcap, mais il n’existe pas de chambre mère-enfant au niveau du service et le lieu de vie est à améliorer, alors qu’il est indispensable aux parents pour s’alimenter, sortir du bruit ambiant, déstresser des angoisses liés à l’état de santé de leur bébé.

“L’allaitement est aussi fortement conseillé qui permet d’améliorer la tolérance digestive, d’augmenter la présence d’anticorps, mieux que le lait en poudre”, justifie Mylène.

Après parfois seulement quelques jours, les bébés sortent : ils doivent peser au moins deux kilos et être autonomes sur le plan respiratoire et digestif. Parfois le parcours du combattant peut durer six mois, six mois “d’angoisse pour les parents qui doivent apprendre accepter cet enfant, loin de leurs idéaux.” Les aider à profiter des petits bonheurs du quotidien avec lui, voici, aussi, l’une des missions des infirmières Nidcap.

Delphine Bauer/ Youpress

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est initialement paru dans .

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74 réactions

  1. Fofie Fonfec

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  2. Très bel article… Merci de nous faire partager ces expériences

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  3. Anaé Constanty

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  4. Corentine Boudoulec

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  5. Port Royal, mes débuts ‍⚕️

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  6. Maud Bruneau

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  7. Laetitia Jamon

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  8. Fanny

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  9. Christophe Makhloufi

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  10. Hélène Lurçat Gabrielle Felicita Léa Glio

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  11. Marianne Gi’

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  12. Emilie Fortier-Quantin

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  13. Le grand regret de ma vie professionnelle… formation au NIDCAP débutée en 2000 à Montpellier mais des obligations familiales m’ont obligées à quitter le CHU…

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  15. Coline Rouard

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  16. Mèlissa De

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  17. Mathilde Auffret

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  18. J’ai utilisé ce programme à Montpellier, gros progrès pour prendre en compte la souffrance et le confort de nos petits prématurés.Il m’a fallu oublier une partie de ma formation pour réapprendre celle ci,mais c’était un gros progrès.

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  19. Marion

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    1. Haha et oui trop la classe

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      1. Cécile, Amandine vous êtes tentées?

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        1. Chu de rouen, merveilleux service et équipe merci à eux. De longues semaines à attendre avant de pouvoir ramener notre fils à la maison, mais maintenant il est en pleine santé, nous leur sommes très reconnaissant, cette équipe fait partie de la vie de notre fils mais aussi de la notre.

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