Parcours de soins en oncologie : fluidifier et simplifier

Parcours de soins en oncologie : fluidifier et simplifier

Entre 2016 et 2018, l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris a réorganisé son hôpital de jour en oncologie et créé une unité de programmation et de régulation. Virginie Bichon, infirmière de l’hôpital, mène le projet de recherche PArcours de SoinS Intégré en Oncologie, dit PASSION pour évaluer cette réorganisation. Cet article est initialement paru dans le n°35 d’ActuSoins Magazine (décembre 2019). Il est à présent en accès libre.

Alex B., patient, Nicolas Billot, directeur des opérations à l'HEGP, et Virginie Bichon, Infirmière, au sein de l'unité de programmation-régulation.
De gauche à droite, Alex B., patient, Nicolas Billot, directeur des opérations à l’HEGP, et Virginie Bichon, Infirmière (debout), au sein de l’unité de programmation-régulation. ©Alexandra Luthereau.

« En cancérologie, le temps est une donnée fondamentale, explique Nicolas Billot, directeur des opérations à l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) à Paris. Gagner en fluidité sur le parcours de soins permet de raccourcir les délais de prise en charge des patients et donc de préserver l’équité des chances données aux patients ».

C’est en partant de cette réflexion que l’établissement s’est lancé dans un vaste chantier de réorganisation de ses hôpitaux de jour d’oncologie.

Première étape : en novembre 2016, les quatre hôpitaux de jour de chimiothérapie (oncologie médicale, oncologie digestive, oncologie thoracique, onco-radiothérapie et onco-gériatrie) sont réunis en un seul service. Les locaux, les soins et les personnels paramédicaux sont alors mutualisés et les pratiques harmonisées.

Anticiper et préparer les séances

Tout un travail est également mené pour anticiper la venue des patients en séance de chimiothérapie et donc améliorer leur prise en charge.

Cela se traduit par la création d’une unité de régulation, composée d’infirmières dédiées dont le rôle est de préparer 48 heures à l’avance chaque séance programmée.

Pour cela, les infirmières expertes en cancérologie s’entretiennent au téléphone avec les patients, grâce à un questionnaire conçu par les équipes médicales et soignantes et intégré au dossier patient. Il s’agit d’identifier les effets secondaires et les besoins en soins de supports.

La veille de la venue du patient, l’unité complète le dossier du patient avec le bilan biologique réalisé par le patient en ville. Avec tous les éléments collectés, le médecin peut alors valider ou non le traitement : 80 % sont ainsi préparés la veille de la séance. En fonction des validations et/ou des annulations décidées, le planning du lendemain est alors consolidé et la répartition des patients par infirmière est effectuée afin de lisser et de répartir équitablement la charge de travail.

Cette équipe de régulation est distincte de l’équipe d’administration des soins de l’hôpital de jour, y compris physiquement puisque les deux unités sont à des étages différents. De sorte que les infirmières de l’hôpital de jour peuvent se consacrer pleinement à l’accueil des patients et l’administration des soins, sans être dérangées par le téléphone ou des problèmes d’organisation.

« Avant les infirmières se chargeaient des tâches d’accueil, d’organisation, de la relation téléphonique et des soins auprès des patients. C’était stressant, fatiguant et source d’erreurs », témoigne Virginie Bichon, infirmière à l’HEGP.

Les patients aussi bénéficient de ces améliorations. Finis pour eux les temps d’attente de plusieurs heures avant l’administration de leur traitement. « Autre avantage, quand on arrive au rendez-vous, le travail est bien huilé, il n’y a pas de coup de feu. Les infirmières travaillent dans le calme et la sérénité. Elles ne sont pas stressées mais toujours souriantes », témoigne M. Alex B., patient en oncologie de l’HEGP depuis 2013, qui a connu le service avant et après la réorganisation.

Guichet unique de programmation

Un an et demi plus tard, en mai 2018, la réorganisation entame sa seconde étape avec la création d’une unité de programmation. Une véritable innovation qui vise à simplifier les interactions entre le patient et l’hôpital. Composée de professionnels paramédicaux, cette unité est un guichet unique consacré à l’organisation du parcours de soins des patients au sein de l’établissement, à partir des prescriptions informatisées réalisées par les oncologues.

Pour que tout fonctionne, l’unité s’appuie sur plusieurs outils partagés qui simplifient les processus. Le logiciel de rendez-vous, interfacé avec le dossier patient, permet à l’équipe de caler des rendez-vous dans tous les services : imagerie, oncologie, hôpital de jour, actes interventionnels, bilans complémentaires…

« Pour y parvenir, nous avons permis à l’unité dédiée de prendre la main sur toute la programmation afin de mieux coordonner les rendez-vous sur l’ensemble des services. C’est un changement important qui évite aux professionnels de santé d’aller “négocier” des rendez-vous au cas par cas avec tel ou tel service », souligne Nicolas Billot.

« Aujourd’hui, nous sommes libres de programmer, annuler, changer un rendez-vous quel qu’il soit sans avoir à appeler le service concerné », ajoute Virginie Bichon.

Si certains médecins, peu d’ailleurs, ont montré quelques réticences au départ, aujourd’hui ils sont satisfaits de cette nouvelle organisation. « Dès le début le système a fonctionné. Les premiers retours des patients nous ont convaincus que nous étions sur la bonne voie », s’enthousiasme le directeur des opérations.

C’est que les bénéfices observés sont nombreux. Autant pour les équipes paramédicales que pour les patients. Pour ces derniers, l’unité de programmation et son numéro de téléphone unique représentent du stress en moins. « La prise de rendez-vous est généralement source d’angoisse. On se demande si on va réussir à joindre quelqu’un, quand et si on va obtenir un rendez-vous. Les gens à l’hôpital sont difficilement joignables. Désormais, lorsque l’on appelle, une personne répond tout de suite. En plus ce sont des infirmières que l’on connaît », explique Alex B.

Évaluer le nouveau parcours

Une infirmière de l'unité de programmation-régulation, au téléphone avec un patient
Une infirmière de l’unité de programmation-régulation, au téléphone avec un patient. ©Alexandra Luthereau.

Ces bénéfices, Virginie Bichon souhaite les évaluer scientifiquement. En 2018, elle a remporté la bourse de recherche paramédicale « Parcours de Soins » de l’AP-HP pour son projet de recherche pour PArcours de SoinS Intégré en ONcologie, PASSION, relatif à l’unité de programmation parcours patient en cancérologie de l’HEGP.

« Notre hypothèse, c’est qu’avec la nouvelle organisation, le délai entre le premier rendez-vous avec l’oncologue et la première administration du traitement anti-tumoral en hôpital de jour est réduit, explique l’infirmière. Pour cela, le projet va suivre trois cohortes d’environ 1800 patients en tout : deux cohortes historiques (année 2015, correspondant aux patients d’avant la mutualisation des hôpitaux de jour, et année 2017, après la mutualisation) et une cohorte prospective, avec début des inclusions en décembre 2019.

Le projet de recherche vise également à évaluer la satisfaction des patients et des professionnels de santé (oncologues, radiologues et personnels de l’unité de programmation), à partir de questionnaires. Il s’agit notamment de connaître « la perception d’utilité au travail ressentie par les infirmières consacrées à l’unité de programmation » dont la relation avec les patients se limitent à des contacts téléphoniques.

Cette étude permettra également de mesurer l’utilité de dédier des infirmières expertes à des tâches organisationnelles.

Les résultats de cette étude devraient être publiés fin 2021. Et avec eux, l’espoir peut-être d’essaimer ce modèle d’organisation à d’autres types de patients (greffés, patients dialysés, maladies chroniques…) et d’autres structures.

Avec l’objectif de toujours mieux accompagner les patients.

Alexandra Luthereau

actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article est paru dans le n°35 d’ActuSoins Magazine (décembre 2019)

Il est à présent en accès libre. 

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