La publication de l’étude sur les trajectoires professionnelles des infirmiers hospitaliers (qui indique, entre autres, que près d’un infirmier sur deux quitte l’hôpital après dix ans de carrière, ndlr) par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) « objective des choses qu’on sait déjà et à propos desquelles on sonne l’alarme depuis une bonne décennie », souligne Evelyne Malaquin-Pavan, présidente du conseil national professionnel des infirmières (CNPI).
Elle « confirme et objective la crise des infirmières hospitalières, observe aussi Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers (ONI). Rien de nouveau sous le soleil ».
Comme eux, le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) ne « s’étonne » pas du constat. Les départs sont depuis longtemps douloureusement ressentis et visibles dans les services.
L’étude de la DREES donne tout de même une idée plus précise de l’ampleur des départs des infirmiers hospitaliers. Pourtant, elle serait plus pertinente, selon Patrick Chamboredon, si elle portait sur la totalité des infirmiers, tous modes d’exercices confondus.
Sur le plan méthodologique, la présidente du CNPI souligne aussi les difficultés à baser ce type de travaux sur des données complètes : « on n’a jamais les chiffres exacts du nombre de professionnels diplômés et en activité ». L’ONI, qui devrait le connaître, via les cotisations, déplore aussi cet état de fait.
De plus, ajoute Evelyne Malaquin-Pavan, les données ont toujours « un métro de retard ». En effet, les données les plus récentes utilisées dans l’étude datent de 2019, c’est-à-dire d’avant la crise sanitaire liée au Covid. Qui a pourtant bouleversé l’univers professionnel de la santé. Il n’est donc pas impossible que la situation actuelle soit pire que celle dépeinte par la DREES.
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Près d’un infirmier hospitalier sur deux quitte l’hôpital après dix ans de carrière (août 2023)
Climat délétère
« Pour autant, poursuit la présidente du CNPI, l’étude trace à grands traits les problématiques du moment. Il y a des infirmières diplômées qui seraient en capacité d’exercer mais qui font le choix de quitter la profession ou de changer de mode d’exercice parce qu’elles n’ont pas la possibilité de mobiliser leurs compétences et leurs connaissances, qu’elles ont l’impression de mal faire leur travail et que la dégradation de leurs conditions de travail a atteint un cran supplémentaire du fait de l’augmentation des postes vacants… »
Le SNPI pointe aussi, dans un communiqué ; le découragement des « infirmières sous-payées, en sous-effectif, agressées par des patients et leurs familles et souvent victimes de maltraitance institutionnelle ».
Les conséquences des départs d’IDE sont connues : fermetures de lits, report de charges sur les soignants en postes, difficultés croissantes à encadrer les étudiants en stage, dégradation de la qualité et de la sécurité des soins, des liens ville-hôpital…
Même bancale, cette étude conforte les appels à une refondation complète de la profession infirmière réclamée par tous ses acteurs et entamée au printemps par le ministère de la Santé, estiment les représentants des IDE.
Elle « marque d’autant plus l’urgence de remettre en marche le travail pour jeter le décret d’actes qui n’a plus de sens pour aller vers un décret de mission », insiste Patrick Chamboredon.
Il en appelle à renforcer le compagnonnage et l’autonomie des infirmières, l’universitarisation de leur formation et à leur offrir davantage de perspectives professionnelles afin de favoriser leur maintien dans l’emploi.
Urgente refondation
« Il faut opérer une refonte lucide des interventions des infirmières et des interfaces interprofessionnelles » auxquelles elles participent, estime aussi Evelyne Malaquin-Pavan.
« Dans les travaux que porte le CNPI au sein du groupe de travail sur la refonte du métier avec la DGOS, ajoute-t-elle, l’enjeu consiste à regarder les compétences et les connaissances dont on a besoin et d’adapter le temps de formation initiale. »
Selon elle, les leviers de fidélisation concernent plus les conditions de la pratique du métier que le salaire.
Le SNPI ne partage pas cette hiérarchie des priorités. Le plan Marshall pour les infirmières auquel il appelle doit conduire d’abord, selon le syndicat, à augmenter les salaires des IDE, encore inférieurs à la moyenne européenne, mais aussi à mettre en place des ratios de patients par infirmière autour des normes internationales (6-8 patients par IDE) et à améliorer les conditions de travail, en termes de sécurité, de charge de travail mais aussi de sens.
Géraldine Langlois
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