Les infirmiers libéraux s’engagent à verdir leurs pratiques professionnelles

Les infirmiers libéraux s’engagent à verdir leurs pratiques professionnelles

Ce n’est plus à démontrer. Le secteur de la santé est très énergivore. Le syndicat d’infirmiers libéraux Convergence infirmière et le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) ont décidé de tirer la sonnette d’alarme en lançant la première édition de l’opération “Balance ton gaspi’’.
Photo d’illustration, non contractuelle. © zalpvahid / ShutterStock

La santé représente un coût environnemental important et notre planète en paie la facture. En France, ce seul secteur est responsable de 8% des émissions totales de gaz à effet de serre, ce qui représente environ 49 millions de tonnes de CO2e par an*. Parmi les principales sources d’émissions indirectes figurent l’achat de médicaments (29%) et l’achat de dispositifs médicaux (21%). Les déchets et le gaspillage de ces produits constituent un problème non négligeable.

Dans ce contexte de prise de conscience, Convergence infirmière et le C2DS ont lancé en 2022, l’opération “Balance ton gaspi” visant les infirmiers libéraux. La première mobilisation voit le jour en 2024. Les professionnels sont invités à collecter les médicaments et dispositifs médicaux non utilisés, qu’ils pourront déposer à Tours, Toulouse, Béziers, Clermont-Ferrand, Dunkerque, Marseille, Strasbourg, Martinique, et Toulon le 2 avril**. « La mobilisation Balance ton gaspi est organisée dans le but d’une prise de conscience collective. Il s’agit d’alerter les pouvoirs publics et les associations pour trouver des solutions ensemble », explique Véronique Molières, directrice du C2DS. L’idée est aussi de sensibiliser les citoyens. « C’est le dynamisme des infirmiers qui est génial. Ils ont compris que pour faire entendre ce gaspillage il fallait le montrer », ajoute-t-elle.

Trouver des solutions

 Les infirmiers jouent le jeu et vont, pour les plus impliqués, au-delà de l’opération. Certains se servent, par exemple, de supports pédagogiques dans leur cabinet. « Pour nos patients qui peuvent se déplacer, nous avons mis en place des messages de prévention par le biais d’affichages pour les sensibiliser à la santé environnementale », explique Yves Gouiffes-Yan, infirmier libéral à Boulogne-Billancourt (92). « Je dialogue aussi avec les patients à domicile. C’est notre rôle en tant qu’infirmiers, ils nous font confiance, nous avons le devoir de les sensibiliser au gaspillage », estime-t-il.

 En plus de la sensibilisation, de nombreux soignants envisagent des pratiques responsables pour limiter leur impact environnemental. Ils agissent ainsi sur leurs tris, leurs achats, leur consommation d’énergie, ou encore leur mobilité (abonnés : voir notre article « Transition écologique de la pratique professionnelle », paru dans le n°51 d’ActuSoins).

Ces pratiques les conduisent à s’interroger sur l’existant et à identifier les aspects à améliorer. Côté conditionnement, par exemple, tout reste à faire. « Dans un kit de pansement, on n’utilise qu’un quart du matériel », indique Yves Gouiffes-Yan.

Dans la continuité des actions déjà engagées, les infirmiers libéraux se rassembleront et se mobiliseront le 2 avril pour faire bouger les choses. « Cette mobilisation n’est que la locomotive de tout le travail de réflexion qui sera mené après. Le but est de rédiger un catalogue de solutions, et permettre aux soignants de l’adapter à leurs pratiques et leurs lieux d’exercice », espère Véronique Molières.

Élodie Vaz

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* Le CO2e (équivalent CO2) est l’unité de mesure de conversion utilisée pour mesurer l’effet des différents gaz à effet de serre (GES) sur le climat. Toutes les données chiffrées de cet article proviennent du rapport Décarbonons la santé (The Shift Project, édition 2023).

** Les adresses des dépôts sont indiquées sur le site du syndicat Convergence infirmière.

Santé planétaire

L’idée de « santé planétaire » existe depuis des décennies et a été conceptualisée en 2015, par la Rockfeller Foundation et la revue scientifique The lancet. Cette approche interdisciplinaire fait notamment le lien entre les dégradations de l’environnement par les activités humaines et leurs conséquences sur la santé des populations et des écosystèmes. Elle reconnaît ainsi l’importance de préserver la planète pour assurer la bonne santé des générations actuelles et futures. « Il s’agit de trouver des solutions pour permettre le plus haut niveau de santé, dans le respect permanent des systèmes naturels de la terre et des limites planétaires », expliquait en 2023 le Dr Alicia Pillot, médecin généraliste et membre de l’alliance santé planétaire, lors d’une présentation diffusée sur le site de la revue Prescrire. « L’espérance de vie n’a cessé d’augmenter mais aujourd’hui celle en bonne santé progresse moins ».

La pollution, sous toutes ses formes, est responsable de neuf millions de décès prématurés chaque année selon un rapport publié dans la revue The Lancet Planetary Health.

É.V.

Le conditionnement des médicaments en question

De leur conception jusqu’à leur distribution, les médicaments et dispositifs médicaux représentent environ 50% de la part totale des émissions de gaz à effet de serre de la santé*. « Les industriels conditionnent les médicaments de telle façon qu’il est rare de tomber sur le nombre pile. Cela force à la vente d’une deuxième boîte. Écologiquement, c’est aberrant quand on sait à quel point les fabriquer pollue », estime Antoine Prioux, pharmacien en officine et membre de l’association The Shift Project.

L’éco-soin, qui prône la réduction de la consommation avant recyclage est mis en avant comme solution. « On pourrait passer par la prescription à la semaine plutôt qu’au mois, ou alors par la dispensation des médicaments à l’unité par les pharmaciens », explique Alice Baras, chirurgien-dentiste et auteure du Guide du cabinet de santé écoresponsable.

Pour limiter le gâchis, l’importance de l’anticipation est également soulignée. « Un bon déchet est celui que l’on ne produit pas. Il faut donc changer notre façon de soigner et agir sur la prévention », conclut Antoine Prioux.

É.V.

* Ce chiffre inclut les émissions de toute la chaîne de production (y compris celles liées à l’utilisation d’énergie pour les processus industriels), de l’extraction des matières premières nécessaires, jusqu’à la « sortie d’usine » pour vente au consommateur final.

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