” On m’a demandé de rembourser des AIS (Actes de Soins Infirmiers) et on me reproche d’avoir prodigué des soins” explique amèrement Emilie, une infirmière libérale venue d’Isère pour manifester avec ses collègues marseillais. “Depuis quelques années, nous sommes très nombreux à avoir des procédures sur le dos. Et nous sommes en attente que ces procédures passent devant le tribunal des affaires sanitaires et sociales”. “Nous demandons que cesse toutes ces procédures d’indus contre les infirmiers libéraux” scande à la foule, Christophe Chabot, secrétaire général du syndicat Convergence Infirmière.
Aujourd’hui, une centaine d’infirmiers libéraux s’est rassemblée sous le soleil brulant de Marseille, devant la CPAM place des Réformés, pour crier haut et fort un “ras-le-bol” du système. Le problème? La CPAM réclame à un grand nombre de ces professionnels de rembourser des sommes déjà versées. Loin d’avoir fraudé, ces infirmiers n’auraient pas respecté – pour les actes de soins relevant de leur rôle propre (les AIS dans la nomenclature)- le temps minimum de 30 minutes de présence chez leur patient.
“Cela représente parfois des milliers d’euros pour un seul professionnel. On se retrouve acculés devant les tribunaux. Certaines infirmières sont mises en garde à vue, devant leur propres enfants, alors qu’elles n’ont rien à se reprocher” regrette Christophe Chabot, . “Ce sont des procédures abusives que les contrôleurs mènent contre nous. Fondés strictement sur la notion de temps de la séance de soins en AIS, les contrôles ne s’appuient que sur le nombre journalier d’AIS facturés à l’Assurance Maladie converti en temps de travail. “Nous déplorons que ce contrôle ne porte que sur ce temps et non sur le contenu de la séance” ajoute le syndicaliste.
Résultat : les infirmiers, parce qu’ils ne sont pas restés 30 minutes chez un patient pour un soin relevant du rôle propre, doivent rembourser la totalité des actes effectués, et ce, même s’il y a eu aussi des actes techniques (AMI). ” Il faudrait bannir cette notion de temps” analyse Emilie, l’infirmière venue d’Isère. Il faudrait aussi, selon le syndicat Convergence qui travaille étroitement avec les autres représentants de la profession, réfléchir à une refonte de la nomenclature en fonction de la pénibilité de la prise en charge.
Vers la fin de l’exercice libéral pour les infirmiers ?
Sur les banderoles pourtant, ce ne sont pas les indus, ni le “harcèlement administratif” qui est le plus remis en cause. La loi de Santé, votée le 14 avril dernier à l’Assemblée Nationale, est aussi source de revendications pour les libéraux.
Avec le développement des maisons de santé, les infirmiers ont peur pour leur avenir.
“On est en train de se faire casser par le système et on se retrouve avec un projet de loi santé qui va amener notre exercice libéral à disparaître, ou à changer totalement” estime Christophe Chabot. “De plus, d’après l’article 12 de la loi, le médecin généraliste est reconnu comme seul coordinateur de tout le dispositif de santé. Il est fort probable que les infirmiers libéraux, avec cette loi, doivent se coordonner soit sous la forme d’une maison de santé, qui sera gérée par 2 médecins généralistes“. Les infirmiers perdront alors leur notion d’indépendance et pire, selon le syndicaliste, pourraient même disparaître en qualité de profession libérale.
La loi, qui préconise le développement de structures institutionnelles, telles les HAD (Hospitalisation à Domicile), les SIAD (Services de Soins Infirmiers à Domicile) et les maisons de santé nuirait donc fortement aux libéraux. “Si vous mettez une maison de santé en plein Marseille par exemple, tous les cabinets libéraux autour vont disparaître” déplore Christophe Chabot. ” Or, si le développement de ces secteurs se fait, au détriment de l’exercice libéral, tout le système de santé en souffrira. Car si l’on nous reproche de coûter trop cher, qu’en est-il des HAD et des SIAD, bien plus onéreuses que nous? Avec la même envelloppe budgétaire allouée pour les maladies chroniques, cela signifie que moins de patients seront pris en charge en France. Il n’y aura plus de réponse adaptée et les patients auront des délais de prise en charge bien plus longs“.
Malika Surbled
Dans le cadre du mouvement “Mardis Sombres” d’autres manifestations sont prévues pour les infirmiers libéraux un peu partout en France. Le mouvement, initié par Convergence Infirmière est soutenu par la FNI et d’autres syndicats.
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