Ce printemps 2023, Marie* a participé à quatre ateliers au musée d’art contemporain de Montpellier, le Mo.Co., animés par Valérie du Chéné, une artiste plasticienne « qui travaille autour de la couleur et de la profondeur », nous explique la jeune femme, pourtant profane en la matière.
Le projet de l’atelier ? Peindre une pierre, sans utiliser de technique particulière. Et cela lui a fait du bien. « Ca soulage et ça apporte du réconfort », explique d’emblée, la quarantenaire atteinte de dépression.
Et puis des liens se créent : « C’est rassurant, on se dit qu’on est pas seul surtout que la dépression fait qu’on ne veut parler à personne », complète-t-elle. C’était tout l’objectif recherché de ces ateliers qui lui ont été prescrits comme traitement par le CHU de Montpellier. Bienvenue dans le programme « L’art sur ordonnance ».
Ce projet pilote, adossé à un projet de recherche, a été lancé en 2022 par le Pr Courtet, chef du département des urgences et des post urgences psychiatriques (DUPUP) du CHU de Montpellier.
Le médecin, amateur d’art contemporain est, en effet, convaincu des bienfaits de l’art sur la santé.
L’OMS aussi, comme son rapport publié en 2019[1], s’appuyant sur 900 études scientifiques en atteste. Pour ce faire, il se tourne vers le Mo.Co, qui est immédiatement emballé. « Nous sommes mobilisés pour faire découvrir l’art à des personnes qui en sont éloignées. On a déjà organisé des visites du musée à l’aide d’un casque de réalité virtuelle pour des personnes anorexiques hospitalisées », explique Delphines Goutes, directrice de la coordination artistique et culturelle du musée.
De la pratique artistique, pas de l’art-thérapie
Inspiré des prescriptions muséales au musée des Beaux Arts de Montréal au Canada, L’Art sur ordonnance va plus loin encore et propose en plus d’une visite d’exposition un programme avec quatre ateliers de création artistique de deux heures chacun.
Ces ateliers sont conçus et animés par l’artiste exposé en cours. Le programme est adressé aux patients « avec un burn out, une dépression, en crise suicidaire ou bipolaire », décrit Elodie Michel, cadre de santé au DUPUP et ancienne danseuse classique professionnelle, convaincue, elle aussi des bienfaits de l’art.
Mais « ce n’est pas de l’art-thérapie, prévient Elodie Michel. À aucun moment dans le dispositif on aborde leur trouble. Les ateliers se déroulent au musée, pas dans le cabinet d’un art-thérapeute. Et il n’y a aucune blouse blanche ».
Et, là, réside l’intérêt du programme. Il s’agit de « sortir les personnes de l’hôpital ou de chez elles pour les amener au musée. Mais aussi de leur permettre de faire de la création artistique, des rencontres avec un artiste et un groupe de personnes ».
« Lâcher prise », « libérateur »
Emilie*, dont la dépression a été diagnostiquée en février 2022 a participé deux fois au programme, sur la proposition d’un psychiatre du CHU de Montpellier.
Une fois en 2022, dans les ateliers organisés par la chorégraphe Anne Lopez, et ce printemps avec la plasticienne Valérie du Chéné. A chaque fois, l’expérience a été bénéfique. Elle vante le «lâcher prise », et l’aspect « libérateur » de la danse et le côté « méditatif » de la peinture. « On oublie le monde extérieur. Les pensées ne tournent plus en boucle », témoigne-t-elle. « Dans l’un ou l’autre atelier, l’état d’esprit dans lequel j’entre est différent de celui dans lequel je sors. Après, je me sens plus légère, j’ai envie de faire plus d’activités, je me balade sans but ».
Les effets de ces ateliers sont immédiats mais persistent aussi dans le temps. Depuis ce programme, la jeune montpelliéraine se dit plus « ouverte », « plus apte à accepter des propositions et à interagir avec les gens ».
Elle a d’ailleurs repris une activité bénévole au sein d’un bar associatif. « Avec ce programme, on agit avec l’Art et le collectif. Il s’agit d’introduire du plaisir, une ouverture, une vraie respiration et du bien-être mental avec la création artistique. Cela permet aussi de lutter contre la solitude », commente Elodie Michel.
Zéro effet secondaire
Soutenu par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et l’ARS de la région Occitanie, l’Art sur ordonnance est un dispositif gratuit pour les bénéficiaires.
En 2022, trois programmes ont été dispensés, avec à chaque fois un groupe d’une quinzaine de patients et un artiste différent. Les premiers résultats sont encourageants.
D’abord, le programme ne provoque aucun effet secondaire. Et les observations montrent que « les patients retrouvent du plaisir, leurs angoisses baissent, leur meilleur sommeil est meilleur, décrit Elodie Michel. Et puis, l’art leur permet de regagner de l’estime d’eux-même et de la confiance ».
C’est pourquoi, l’équipe entend étendre le projet à d’autres patients. En 2023, elle a permis aux personnes accompagnées par l’association France dépression d’en bénéficier. En 2024, elle aimerait pouvoir adresser les personnes souffrant d’anorexie et des patients en oncologie.
Autre souhait : celui d’essaimer ce type de projets dans d’autres territoires. « Nous avons déjà été contactés par deux municipalités qui sont intéressées par la mise en place d’un dispositif de ce type», explique Delphine Goutes.
Tous les acteurs du projet caressent aussi l’espoir que ces prescriptions artistiques soient remboursées par la sécurité sociale, au même titre que les prescriptions de sport.
Alexandra Luthereau
*les prénoms suivi d’un astérisque sont des prénoms d’emprunt à la demande des personnes
[1] “What is the evidence on the role of the arts in improving health and well-being? A scoping review”, World health organization (WHO), Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en français), 2019
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