Risque suicidaire : définition et facteurs de risques
L’HAS définit le risque suicidaire comme étant une crise psychique dont le risque majeur est le suicide.
Deux mécanismes d’actions sont possibles : le passage à l’acte prémédité, caractérisé par la présence au préalable d’idées suicidaires, et le raptus, c’est-à-dire une impulsion poussant au geste suicidaire.
Le processus suicidaire, lorsqu’il existe, comporte quatre étapes :
- la recherche de solutions : la thymie (humeur) du pa- tient est basse mais il cherche des solutions ou des stratégies ;
- l’apparition des idées suicidaires : la thymie ne s’améliorant pas, les idées noires apparaissent ;
- la rumination des idées suicidaires : elles s’imposent de plus en plus régulièrement. Le patient peut exprimer ainsi : « ça tourne en boucle », traduisant un sentiment de harcèlement par rapport à ces idées noires ;
- la cristallisation et la planification du scénario suicidaire : le passage à l’acte s’impose comme la seule solution. Le patient décide d’un ou plusieurs moyens létaux et fixe le moment. Il cherchera alors à se fournir les moyens choisis s’il ne sont pas en sa possession.
Le projet suicidaire est prémédité dans la majeure partie des cas mais le raptus reste une réalité. Ce dernier est, par définition, difficilement accessible à la prévention ou au repérage.
Les facteurs de risques sont multiples :
- les troubles psychiatriques de manière générale : dépression, anxiété, troubles bipolaires… ;
- les périodes de deuil : le décès d’un proche, d’un ani- mal de compagnie… ;
- les périodes de changement négatif ou vécues comme telles : maladie, départ à la retraite, divorce… ;
- la levée d’inhibition : lors de l’introduction d’un traitement par antidépresseur, une surveillance est indispensable car la levée de l’inhibition psychomotrice provoquée par les médicaments fait courir le risque d’un passage à l’acte. Cette période s’achève avec l’action antidépressive du traitement, effective à environ J+10. La surveillance sera donc accrue durant cette période ;
- l’isolement social ;
- une histoire de vie traumatique, particulièrement dans l’enfance ;
- la dimension comportementale : présence d’antécédents de passage à l’acte, forte impulsivité…
Enfin, certaines populations sont plus à risque. Elles concernent les patients hospitalisés, les détenus (notamment en détention préventive), les sujets âgés, les adolescents ou certains métiers comme le personnel soignant et les forces de l’ordre (en raison de l’accès à des moyens létaux).
Face au risque suicidaire, quelle conduite adopter en amont ?
En premier lieu : la prévention. La mise en place d’une alliance thérapeutique solide constitue un excellent moyen. Lorsqu’elle est établie, le patient va plus facilement se livrer voire alerter de lui-même sur son état. Elle consistera par exemple à veiller à la prise du traitement médicamenteux de manière correcte et régulière afin de stabiliser l’état thymique, mais également à éviter que le patient puisse accumuler une grande quantité de traitements en sa possession.
- En service de psychiatrie ouvert, la sécurisation de l’environnement est un geste préventif de mise avec tous les patients. Parmi les bonnes pratiques :
- l’ouverture des fenêtres est bloquée et la pharmacie est verrouillée ;
- l’absence de traitements gardés en chambre par le patient ;
- l’adaptation des chambres : suppression des voilages, de la potence et du bras de support de la télévision, par exemple ;
- le retrait des objets personnels à risque (ciseaux, ceinture, rasoir…).
Cette dimension est évidemment très difficile à mettre en place hors structure hospitalière.
Les signes cliniques à prendre en compte sont divers : il peut s’agir d’une dégradation brusque de l’humeur (par exemple : un faciès triste, des pleurs, un repli sur soi) ou, a contrario, une amélioration brusque de la thymie (le patient va brusquement mieux) ou encore un détachement. En effet, il est courant que le patient suicidaire soit soulagé par la mise au point du scénario.
Le fait que le patient prenne des mesures administratives brusques comme la rédaction de son testament est également alarmant.
Le risque n’est évidemment pas le même selon le type de structure. Si le risque est majeur en psychiatrie, il concerne tous les secteurs de soins confondus. Par exemple, une parturiente peut être confrontée à une dé- pression du post-partum ou à une psychose puerpérale. L’exercice professionnel en EHPAD cumule plusieurs facteurs de risques : un tiers des suicides concernent les personnes de plus de 70 ans et l’entrée en institution constitue un moment à risque, car il est souvent synonyme de nombreux deuils (du lieu de vie ou d’un mode de vie par exemple).
L’exercice libéral est un autre terrain à risque. Cepen- dant, si la prise en charge peut être difficile à mettre en place, l’alliance thérapeutique est un atout crucial dans cette situation. Il est en effet plus facile de discerner un changement de comportement chez un patient que l’on connaît ou d’identifier une personne ressource. L’isolement social est néanmoins un facteur à évaluer.
L’entretien d’évaluation du risque suicidaire
Ensuite, l’évaluation se fera lors d’un entretien avec le patient en lui posant des questions directes : plus la question sera précise, plus les réponses le seront aussi.
Le but de ces questions est de repérer trois facteurs : le risque, l’urgence et la dangerosité.
Il ne faut pas hésiter à parler clairement du suicide avec les patients : cela va permettre au soignant d’évaluer la situation et au patient de s’exprimer, voire de consolider l’alliance thérapeutique avec le professionnel de santé.
Lors de cet échange, six items seront recherchés :
- le niveau de souffrance ;
- le degré d’intentionnalité (par exemple la présence d’un scénario suicidaire arrêté, la détermination d’une date de passage à l’acte…) ;
- les éléments d’impulsivité ;
- un éventuel élément précipitant (échec, décès…) ;
- la disponibilité de moyens létaux ;
- la qualité du soutien de l’entourage proche.
Ces trois critères – risque, urgence et dangerosité – vont déterminer l’urgence de la prise en charge. Si le patient a élaboré un scénario suicidaire, il convient de se tourner immédiatement vers le médecin du service ou un service d’urgence si le patient est hors structure hospitalière. Une prise en charge spécifique sera instaurée en attendant leur action. Un traitement sédatif peut éventuellement être prescrit en cas de besoin.
Cette évaluation permettra de classer le risque selon trois catégories :
- moyen : le patient désire communiquer, il n’y a pas de scénario précis et il a un lien de confiance avec un professionnel de santé
- élevé : le patient a un équilibre émotionnel fragile, exprime directement ou indirectement son désarroi. Le suicide est perçu comme la seule solution afin de ne plus souffrir ;
- extrême : la planification de l’acte est claire et celui-ci est prévu pour les jours à venir.
La conduite infirmière à tenir après l’évaluation
En cas de risque moyen : il convient d’orienter le patient vers un Centre médico-psychologique (CMP), un psychiatre…, afin de garantir la mise en place d’une écoute et d’un traitement spécifique (traitement par antidépresseur, anxiolyse…)
En cas de risque élevé ou extrême, il est indispensable de transmettre l’information au niveau médical (équipe du service, psychiatre traitant, CMP assurant le suivi, médecin généraliste…) ou de joindre directement les services de secours (les urgences psychiatriques par exemple) afin d’orienter le plus rapidement possible le patient car il s’agit désormais d’une urgence. Une hospitalisation en psychiatrie dans un service idoine (ouvert ou fermé) sera envisagée. Dans tous les cas, il convient d’alerter le médecin de l’unité.
Il est également possible de s’appuyer sur la plateforme téléphonique 3114 (disponible 7 jours sur 7, 24 h sur 24 h). Elle s’adresse à toutes les personnes confrontées à cette problématique : les patients eux-mêmes, leurs proches et les professionnels de santé. Elle informe, évalue et oriente si besoin.
Les stratégies non médicamenteuses
Dans un premier temps, le patient sera installé au calme avec un soignant, à l’écart des autres patients. Il sera rassuré sur la volonté de l’équipe soignante à l’aider. Il est important de faire du renforcement positif et de le valoriser par rapport au fardeau qu’il vient de confier.
Les stratégies médicamenteuses
Un traitement sédatif (anxiolytiques, neuroleptiques…) pourra être administré en attendant une prise en charge spécifique. Le traitement pourra être administré en per os ou par voie intra-musculaire.
Conclusion
Le risque suicidaire implique une évaluation globale. L’alliance thérapeutique, l’information, la prévention et enfin l’évaluation sont des armes de choix face à ce risque.
Afin d’assurer au mieux le repérage du risque suicidaire, il est primordial de faire circuler le dialogue autour de cette problématique afin de casser les tabous, quel que soit le lieu d’exercice. La parole dans la relation thérapeutique reste le meilleur moyen d’action face au risque suicidaire.
Eve FONTAINE, formatrice en IFSI
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Cet article a été publié dans ActuSoins Magazine
n°48 (mars – avril – mai 2023). Il est à présent en accès libre.
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