La Cour des comptes pointe les freins au déploiement des IPA

La Cour des comptes pointe les freins au déploiement des IPA

Un rapport de la Cour des comptes, rendu public le 5 juillet, confirme ce que répète la profession depuis des années : les obstacles au déploiement des infirmiers en pratique avancée sont nombreux, et les tutelles doivent agir pour permettre leur essor dans les territoires.
©Stock-Asso/ShutterStock

Le titre de l’audit flash mené par les Sages de la rue Cambon et rendu public début juillet résume la situation : « Les infirmiers en pratique avancée (IPA), une évolution nécessaire, des freins puissants à lever ».

Comme le rappelle le rapport, le ministère de la Santé avait fixé une cible de 3000 IPA formés ou en formation à la fin de l’année 2022 et, par la suite, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. Pourquoi de tels attendus ?

Parce que la tutelle compte sur les IPA pour faciliter l’accès aux soins en répartissant de manière différente la charge de travail entre eux et les médecins dont la démographie est sous tension, pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques dans un contexte de vieillissement de la population et pour proposer aux infirmiers des perspectives de carrière meilleures. « Or, en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés, pour 1 366 en formation, et 131 exerçaient en ville », pointe la Cour des comptes. [Ils sont aujourd’hui un peu plus de 1700, NDLR].

 

Des freins nombreux

Comment s’explique un tel écart entre les attendus et la réalité ? Les freins au déploiement de la pratique avancée sont nombreux. En tête de lice de l’analyse des Sages, la réticence des médecins à confier des actes et des patients à des IPA. Ils constatent que lorsque des IPA sont installés en ville, les médecins refusent très souvent d’orienter vers eux des patients dont la situation relève pourtant de leurs compétences, « par méconnaissance ou par crainte de concurrence ».

Le second frein, dans le prolongement du premier, découle du modèle économique qui, en ville, ne permet pas aux IPA de vivre de leur activité. Certes, l’avenant 9 à la convention nationale des infirmiers, signé le 27 juillet 2022, a fait évoluer le montant des forfaits de prise en charge. Pour autant, il n’avait pas levé l’obstacle de l’orientation des patients par les médecins, ce qui maintenait les IPA dans une situation économique précaire.

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En parallèle, l’exercice salarié en centre de santé, en établissement de santé ou en établissement médico-social, « n’est guère plus attrayant ». « Au regard de l’effort de formation consenti, les perspectives financières et les postes proposés présentent, dans des proportions qui demeurent inconnues, un intérêt inférieur à ce qui a été annoncé initialement puis qui est attendu », estime la Cour des comptes.

Le troisième frein résulte des conditions de formation. Les études, qui s’inscrivent dans un cadre de formation continue, sont onéreuses (48 000 euros selon une évaluation de la Fédération hospitalière de France, incluant hébergement et restauration) et supposent des sacrifices de la part des infirmiers eux-mêmes ou de leurs employeurs, confrontés à une pénurie de main d’œuvre, ce qui n’incite pas à favoriser le départ en formation de leurs salariés.

S’y ajoutent la quasi-impossibilité de recourir à l’apprentissage ou à la valorisation des acquis de l’expérience ainsi que l’hétérogénéité du contenu des formations selon les universités.

Le quatrième et dernier frein est directement lié à l’existence d’autres professionnels avec lesquels les médecins collaborent de manière plus naturelle notamment les assistants médicaux, des infirmiers Asalée, et ceux bénéficiant de protocoles de coopération.

 

Une réponse aux obstacles

Face à ces freins, le ministère avait envisagé des inflexions, s’appuyant sur le résultat d’expérimentations qui tardait à se mettre en place, l’une pour permettre un accès des patients aux IPA sans passer par un médecin (« accès direct »), l’autre pour accorder aux IPA un droit de première prescription.

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Le législateur a devancé le ministère avec la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist. « La loi ayant été adoptée, il convient de faire pleinement vivre le métier d’IPA malgré l’opposition persistante d’une partie des médecins », insiste la Cour des comptes. Pour y parvenir, elle recommande que le ministère réponde aux craintes exprimées, par exemple en définissant des guides ou des référentiels précisant les missions des IPA, ou bien, sur le modèle de certains pays étrangers, en prévoyant des formations complémentaires les préparant au droit de prescrire en première intention.

De façon plus structurante, les difficultés rencontrées par les IPA reflètent, d’après la Cour des comptes, les limites de la conception du système de santé français, encore marqué par l’exercice isolé de la médecine de ville et la rémunération à l’acte. Cette conception doit évoluer, au-delà des inflexions déjà engagées avec le développement des maisons de santé et des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pour que la coopération entre professionnels de santé devienne la pratique générale.

La Cour des comptes encourage également de définir le contenu des postes d’IPA hospitaliers, d’assurer le suivi de leur mise en place effective et de faciliter l’accès à la formation des IPA, en l’ouvrant à l’apprentissage et à la validation de l’expérience (VAE), en cadrant mieux son contenu et en levant les freins financiers. Des recommandations en partie soutenu par l’Union nationale des infirmier.es en pratiques avancées (Unipa).

« Nous soutenons les mesures portant sur une meilleure définition des postes ou le soutien financier à la formation, en revanche nous sommes totalement opposés à la mise en place de la VAE », rappelle Jordan Jolys, vice-président de l’Unipa en charge des réseaux territoriaux.

Et d’expliquer : « Quelle que soit l’expérience que l’on acquiert en tant qu’infirmier, les deux années de formation IPA sont indispensables pour l’acquisition des compétences cliniques nécessaires à la pratique. Bien entendu, nous partageons le constat que davantage d’IPA doivent exercer, pour autant, cela ne doit pas engendrer une baisse de la qualité de la formation. »

Laure Martin

 

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