Prise en charge des addictions par l’infirmière libérale : un rôle à valoriser

Prise en charge des addictions par l’infirmière libérale : un rôle à valoriser

En intervenant au domicile, les infirmières libérales peuvent facilement constater des signes d’addiction chez leurs patients. Si elles disposent, dans leurs compétences propres, de certaines capacités d’intervention, leur rôle reste néanmoins limité.

Infirmière libérale : prise en charge des addictions en libéral : un rôle à valoriser
En termes d’épidémiologie et de prévalence, le tabac et la deuxième substance la plus consommée après l’alcool.

« L’infirmière libérale a un rôle à jouer dans la prise en charge des addictions notamment en raison de son mode d’exercice qui l’amène, au cœur des foyer, à appréhender l’environnement des malades », estime Karim Mameri, secrétaire général de l’Ordre national des infirmiers. D’ailleurs, les infirmières ont également un rôle d’éducatrices en santé, « les soins doivent être préventifs », ajoute-t-il. « Du fait de la prévalence des addictions, nous nous retrouvons souvent confrontés aux problèmes de nos patients », souligne Thomas Chihaoui, infirmier libéral (idel) à Paris et titulaire d’un Diplôme universitaire en addictologie, en précisant qu’environ 10 % de ses patients sont concernés.

La compétence des infirmiers libéraux dans le domaine des addictions leur a en partie été reconnue au sein de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 qui leur donne la possibilité de prescrire en première intention des substituts nicotiniques. Elles peuvent, depuis, accompagner les patients de façon autonome dans le sevrage tabagique. « En termes d’épidémiologie et de prévalence, le tabac est la deuxième substance la plus consommée après l’alcool », indique Nicolas Bonnet, directeur du Réseau de prévention des addictions (Respadd) qui a travaillé en 2013, à la demande du ministère de la Santé et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) à des outils à usage des infirmiers dans la prise en charge des addictions. Et de poursuivre : « Pour 80 % des fumeurs, une intervention courte, notamment par une infirmière est possible et suffisante. »

Absence de valorisation

Nathalie Bouzats, infirmière libérale à Lannemezan
Nathalie Bouzats, infirmière libérale à Lannemezan, titulaire d’un DU en addictologie et en alcoologie.

« Cette reconnaissance pour la prescription des substituts nicotiniques est certes une avancée car les problématiques addictives sont ainsi reconnues comme des problématiques de santé. La compétence infirmière est mise en avant, mais c’est limité car sur le terrain ce n’est pas rémunéré », déplore Thomas Chihaoui. En effet, malgré l’inscription de cette compétence dans la loi, la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) n’a pas été modifiée. De fait, l’infirmière libérale n’est pas rémunérée pour son rôle de conseil, d’information, de prescription et d’orientation du patient.

« Nous en avons parlé avec des représentants syndicaux pour partager avec eux cette difficulté, indique Karim Mameri. La reconnaissance d’une nouvelle compétence n’a de sens que si les infirmières libérales s’en empare afin d’avoir un impact sur la mortalité liée au tabagisme et, pour cela, il faut que ce soit coté. »

Cette possibilité de prescription est certes « un petit plus mais nous ne pouvons avoir aucune répercussion thérapeutique dans l’espace-temps dans lequel nous travaillons, d’autant plus sans rémunération », poursuit Nathalie Bouzats, infirmière libérale à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), titulaire d’un DU en addictologie et en alcoologie.

Manque de temps

Cette absence de valorisation du travail infirmier dans la lutte contre le tabagisme fait également défaut dans la prise en charge des autres addictions comme l’alcool. Aussi, les infirmières libérales qui agissent malgré l’absence de rémunération le font parce qu’elles considèrent que cela fait partie de leur rôle de prévention. D’autant plus que, généralement, le sevrage se fait à l’hôpital. Une fois sevré, le patient se retrouve tout seul chez lui, le soutien de l’infirmière libérale devient alors primordial. « Soit nous nous rendons compte que nos patients ont un problème addiction et l’intérêt est de pouvoir explorer plus profondément cette problématique et de faire appel à des outils de dépistages, soit ils ont été détectés et sont pris en charge, notre rôle est alors d’assurer un travail motivationnel », indique Thomas Chihaoui, infirmier libéral.

« Mais la prise en charge en libéral est difficile car il faut du temps pour discuter avec les personnes atteintes de ces addictions, les motiver à aller en centre de soin, et nous n’en avons pas les moyens », regrette Nathalie Bouzats.

Dans le domaine de l’alcoologie, il existe un outil d’aide au Repérage précoce intervention brève alcool (RPIB). Il s’agit d’un entretien structuré d’une quinzaine de minute pour évaluer les consommations d’alcool et repérer les consommations. « Le simple fait de le remplir entraîne une modification du comportement à la baisse », rapporte Nicolas Bonnet. « Avant d’utiliser le questionnaire, cela demande à l’infirmier d’établir un relationnel avec le patient sur la prise en compte de sa consommation et le non jugement vis-à-vis de cette consommation, précise Thomas Chihaoui. Un lien de confiance doit se tisser et le patient doit s’inscrire dans un changement de comportement, ce qui demande du temps. »

Et Nathalie Bouzats d’ajouter : « La pathologie alcoologique est complexe et prend l’être humain dans toute sa dimension bio-psycho-sociale. Les infirmiers n’y sont pas nécessairement formés. Il est essentiel de connaitre les tenants et les aboutissants de la maladie alcoolique afin de maintenir les patients dans un système de soins, de surveillance clinique et psychologique et d’accompagnement, J’informe toujours mes collègues de la nécessité de ne pas être dans le jugement, d’accepter le patient et d’avant tout le prévenir des mises en danger dans lesquelles il peut se mettre. »

Les infirmières libérales sont moins amenées à rencontrer des personnes consommatrices de cannabis, généralement plus jeunes que les patients qu’elles prennent en charge. Il existe toutefois un questionnaire en six points, le Cannabis abuse screening test (CAST), « qui permet d’avoir une évaluation du risque et en fonction, l’infirmière libérale peut conseiller au patient de prendre contact avec un professionnel compétent », explique Nicolas Bonnet. Il précise cependant que « la prise en charge d’une consommation excessive doit se faire dans des centres spécialisés ». L’intervention des infirmières libérales consiste donc principalement en des prises en charge ponctuelles, d’hygiène et de confort. Elles endossent un rôle de soutien et d’accompagnement, le tout bénévolement.

Laure Martin

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est initialement paru dans le n°25 (juin 2017) d’ ActuSoins Magazine.

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Besoin d’une formation en addictologie ?

Les infirmières libérales ont-elles besoin d’une formation pour accompagner les patients atteints d’addictions ? Concernant le tabac, le législateur ne l’a pas précisé. Cependant, « lors de ma formation initiale en 2006, je n’ai eu que trente heures sur l’addictologie, ce qui passe très vite pour une problématique aussi dense, témoigne Thomas Chihaoui. Cela ne m’a donc pas donné des outils pour ma pratique, contrairement au DU en addictologie. » Nathalie Bouzats a suivi un DU alcoologie et en addictologie « car le problème de l’alcool est fréquent. Cela me dérangeait de passer à côté. »

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9 réactions

  1. Mathilde Fréhaut mémoire ?

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  2. Lyly Sourie

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  3. Comme d hab on nous refourgue du boulot pour que dalle. On va bientôt faire détartrages dentaires

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  4. Qu’on nous revalorise déjà nôtre travail du quotidien comme la prise en charge pour les soins toilette pst injections contrôle et préparation traitement diabete etc et après on pourra peut être prescrire des patchs si il nous reste du temps franchement

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  5. Sarah Oslo

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  6. Suze Aline!

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  7. Whaou!!
    Super! Quelle chance et quelle gloire!!
    Sortons les cotillons et les feux d’artifice !

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