Infirmier en pratique avancée “Urgences” : un manque d’autonomie avéré

Infirmier en pratique avancée “Urgences” : un manque d’autonomie avéré

Parus fin octobre, un arrêté et un décret précisent les contours de l’exercice des infirmiers en pratique avancée (IPA) Urgences. Une avancée, bordée par des limites…

Infirmier en pratique avancée IPA Urgences : un manque d’autonomie avéré« Nous sommes aujourd’hui satisfaits que les textes soient publiés, mais nous aurions tout de même souhaité que l’étendue des compétences soit plus large et permette le premier recours, ce qui aurait permis d’ouvrir la voie pour les autres mentions », reconnaît Tatiana Henriot, présidente de l’Union nationale des IPA (Unipa).

« Nous ne sommes pas surpris par le contenu des textes, car ils correspondent à ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord, ajoute Julie Devictor, présidente du Conseil national professionnel (CNP) IPA. Nous avons dû effectuer des compromis mais nous aurions souhaité que cela aille plus loin. »

Des compromis pour que la mention soit acceptée par le corps médical, et des compromis avec les textes de loi en vigueur, afin que l’arrêté soit validé par le Conseil d’Etat.

Deux parcours

Le manque d’autonomie accordé aux IPA Urgences est le principal point d’échauffement. L’arrêté crée deux parcours, avec des motifs de recours classés en fonction des critères de gravité ou d’urgence vitale du patient.

Le premier, « médico-paramédical », permet à l’IPA de « participer, après décision du médecin de structure de médecine d’urgence et sous sa conduite diagnostique, à la prise en charge des urgences vitales ou complexes pour les motifs de recours et les situations cliniques les plus graves ou complexes ». Parmi elles : dyspnée/insuffisance cardiaque, dysfonction stimulateur/défibrillateur cardiaque, douleur fosse lombaire/du flan, rétention d’urines/anurie, convulsionsou encore confusion/désorientation temporo-spatiale.

Le second parcours, « paramédical », laisse davantage d’autonomie à l’IPA. L’arrêté précise que l’IPA est « compétent pour prendre en charge un patient et établir des conclusions cliniques dans des situations présentant un moindre degré de gravité ou de complexité » : vomissement/diarrhée sans signe de gravité, douleur anale, hypertension artérielle sans signes fonctionnels, œdème des membres inférieurs chroniques ou encore, céphalées ou migraines habituelles.

Les points d’alerte

Mais voilà, les représentants des IPA auraient souhaité deux évolutions non actées par les textes : l’accès des IPA en premier recours, et la primo-prescription.

Pour le premier recours, les textes de loi ne permettent pas, en l’état, cet accès direct. La profession a d’ailleurs cherché à changer la donne dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Sans succès. De fait, « comme les IPA urgences doivent se déployer à iso-réglementation, c’est-à-dire avec l’application de la même réglementation que pour les autres domaines de la pratique avancée, cela veut dire que l’accès direct n’est pas possible. »

Mais comme c’est bloquant pour le déploiement des IPA Urgences, une alternative a été trouvée avec l’application des protocoles de coopération prévus par l’article 66 de la loi Santé de 2019. « Cela ne nous satisfait pas, car la pratique avancée, c’est de l’autonomie, défend Julie Devictor. Ce n’est pas de la coopération et cela ne peut pas reposer sur une délégation médicale. Notre objectif est de parvenir à changer la loi. »

La profession souhaite aussi que les IPA Urgences puissent effectuer des actes en première intention comme la primo-prescription. Mais là aussi, le cadre législatif ne le permet pas. « Pourtant, la primo prescription ne veut pas dire la possibilité pour les IPA de prescrire tout et n’importe quoi, rassure-t-elle. Il s’agit simplement de permettre à la profession d’exercer au mieux son métier. » Et de donner un exemple : « Si une IPA prend en charge aux urgences un patient pour une plaie, qu’elle la suture, elle ne pourra pas prescrire l’intervention à domicile d’une infirmière pour enlever les fils. »

Une petite avancée a toutefois été actée par le PLFSS : l’expérimentation de la primo-prescription par les IPA pendant trois ans dans trois régions.

Dernier point : la révision du modèle économique. A titre d’exemple une fois de plus, les IPA Urgences peuvent certes travailler dans les services d’urgences privés, aux côtés des médecins libéraux, « mais l’avenant 7 à la convention nationale des infirmiers libéraux ne prévoit pas la rémunération des IPA urgences », pointe du doigt Tatiana Henriot.

Et de conclure : « Nous sommes contents de la publication de ces textes car il s’agit de l’aboutissement d’un travail de deux ans mais de nombreux points doivent encore être réajustés. »

C’est désormais le décret d’actes qui est attendu, alors que les premières IPA Urgences formés devraient sortir diplômés en juillet 2022, l’Université de Marseille étant la seule à dispenser cette formation cette année.

Laure Martin

Liens utiles

Le décret du 25 octobre 2021 relatif à l’exercice en pratique avancée de la profession d’infirmiers, dans le domaine d’intervention des urgences 

L’arrêté du 25 octobre 2021 fixant la liste des motifs de recours et des situations cliniques